
PORTRAIT
Avishai Cohen, rencontre avec un musicien sans frontière (1/2)
De passage à Paris en juin dernier pour promouvoir son dernier album "Aurora", le musicien israélien Avishai Cohen a accordé une interview aux étudiants du projet collectif " L’Europe et la culture". L’occasion d’évoquer avec intensité son parcours personnel et artistique, sa conception de l’art, ainsi que ses derniers projets. Un moment chargé d’émotions que nous vous invitons à découvrir, en deux épisodes … Episode 2 : l’album "Aurora"
Tout d’abord, d’où vient cette passion pour la musique qui vous anime ?
Cette passion remonte à mon enfance, durant laquelle j’ai tout simplement trouvé mon bonheur et une certaine forme de liberté dans la musique. On peut dire que la musique a nourri et stimulé mon imagination. Je crois qu’elle m’a donné la possibilité d’exprimer des choses que je n’arrivais pas à exprimer autrement. Ce besoin de m’extérioriser est devenu une évidence au fur et à mesure que je m’impliquais davantage dans la musique. Et ma passion a grandi jusqu’à devenir un langage en soi que j’allais finalement utiliser dans ma vie – comme c’est le cas aujourd’hui.
Votre parcours vous a mené de votre pays natal, Israël, à New York. Ces lieux vous ont-ils beaucoup influencé ?
Il est difficile de dire quel endroit m’a marqué le plus. Je crois qu’en matière de musique, l’endroit d’où l’on vient importe peu. La « bonne » musique, on la trouve toujours, du moment que l’on s’ouvre à elle – je parle de la musique qui est sincère et produit en nous de réelles émotions, la musique qui provient d’un vrai lieu. En ce qui me concerne, ce fut Israël. Puis j’ai déménagé à New York et ce fut alors le jazz et toutes les influences de la ville. Mais au fond, n’importe quel lieu peut produire en nous les mêmes effets, peut nous aider à trouver une sorte de vérité et nous met en contact avec des choses qui ont de la substance.
Dites-nous en un peu plus sur cette période charnière durant laquelle vous avez quitté Israël pour New York…
C’est en 1991, à l’âge de 21 ans, que j’ai déménagé là-bas pour mener une carrière de bassiste de jazz. J’ai toujours été ouvert à d’autres styles, je me suis donc plongé dans le monde de la musique latine, du funk et du reggae également, j’ai assimilé un peu de tout ce qui se trouvait à New York àl’époque, le jazz en particulier : j’ai petit à petit commencé à m’affirmer en tant que bassiste, en entrant sur la scène jazz puis en jouant dans des lieux fréquentés par de grands jazzmen, en rencontrant des gens – tout cela m’a fait évoluer.
j’ai tout simplement trouvé mon bonheur et une certaine forme de liberté dans la musique
Les musiciens latinos n’ont-t-ils pas joué un rôle particulier pour le musicien que vous êtes ?
Oui, en effet, la salsa, le groove et le rythme afro caribéen m’ont énormément attiré. J’ai beaucoup suivi ce qui se passait sur la scène latino, j’ai même pris quelques cours avec un professeur. J’ai eu l’occasion de jouer avec quelques uns de ces musiciens, ce qui m’a permis de m’imprégner de leur musique – on retrouve d’ailleurs ces influences dans mon jeu à la basse et dans mes compositions. La musique latine joue donc un rôle majeur dans ma vie.
Vous êtes cependant revenu vivre en Israël récemment.
Exactement, cela fait maintenant 5 ans que j’y vis, après 12 années de vie new yorkaise ; c’est à partir d’Israël que je mène désormais mes projets et que je pars en tournée à travers le monde. J’aime être en Israël pour de nombreuses raisons, mais avant tout parce que je suis originaire de ce pays et me sens très attaché à ce lieu, à ma famille. Je pense avoir fait le bon choix en vivant à présent ici.
Comment la scène musicale israélienne se porte-t-elle actuellement ?
Elle est pleine de talents. Depuis mon passage par New York au milieu des années 1990, un certain nombre d’autres personnes ont préparé le terrain pour de nombreux jeunes musiciens qui s’installent à New York aujourd’hui. On pourrait presque dire qu’il y a un « truc » propre aux musiciens israéliens dans cette ville, cela me réjouit particulièrement de savoir que les choses ont évolué et que les artistes israéliens sont mieux acceptés depuis que je me suis fait un nom là-bas. Mais aussi, la scène jazz israélienne s’est considérablement agrandie et a su sensibiliser le public grâce à moi et à de nombreux autres artistes. Il y a comme une vague de musiciens israéliens qui ambitionnent d’aller à New York…un peu trop parfois, dans la mesure où l’on considère New York comme un endroit où tout est possible – ce qui n’a jamais vraiment été le cas. Cette ville, ce n’est pas un lieu mystérieux que l’on fréquente pour devenir musicien de jazz.
Israël a toujours été un lieu de brassage des cultures – marocaines, turques, grecques, bulgares, des pays d’Europe de l’Est
Pour en venir au jazz lui-même, il est vrai que le public est de plus en plus sensible à cette musique et avec les outils d’aujourd’hui (Youtube, MySpace, etc.), faciles d’accès, on n’a même plus besoin de se déplacer pour être en contact avec la scène musicale et observer ce qui s’y passe. Pour les jeunes, c’est un grand avantage de pouvoir rester en contact avec le monde musical, d’où qu’ils soient. Cela élargit la scène musicale, la rend même un peu plus virtuelle, mais cela donne malgré tout un aperçu rapide de la scène, du talent et des univers des artistes.
…du moment que le public est toujours attiré par les concerts eux-mêmes, bien-sûr.
Oui c’est certain, ne vous méprenez sur mes propos, c’est génial de pouvoir assister à des concerts. J’essaie simplement de dire que chaque évolution comporte aussi une sorte de retour en arrière. Le monde actuel est tellement virtuel que les gens font moins l’effort de se déplacer pour aller écouter tel ou tel musicien dans un club de jazz, par exemple. Mais au fond, je reste convaincu que c’est une bonne chose que de donner à tous un accès à la musique.
Dans quelle mesure la scène musicale en Israël est-elle influencée par d’autres cultures – je pense en particulier à Tel Aviv, où se rencontrent et se mêlent des cultures du monde entier ?
Là encore, les nouveaux médias que je viens d’évoquer favorisent de plus en plus le mélange des cultures. Mais Israël a toujours été un lieu de brassage des cultures – marocaines, turques, grecques, bulgares, des pays d’Europe de l’Est, sans oublier l’influence des descendants juifs issus de différents endroits et qui ont émigré en Israël il y a 30, 60, voire 70 ans. On retrouve ces influences dans la musique, dans la langue, dans la tradition culinaire du pays. On peut dire dans un certain sens que cette richesse multiculturelle d’Israël est présente partout sans que l’on ait nécessairement besoin de l’identifier clairement dans les concerts, à la radio, etc. Et des personnes différentes s’en imprègnent de différentes manières. Je suis heureux de pouvoir me considérer comme une personne ouverte, qui absorbe tout ce qui a un contenu spirituel, tout ce qui a un sens réel. Cela peut être n’importe quoi, n’importe où, du moment que cette chose a une réelle substance.
L’une des qualités indéniables de votre musique est qu’elle rassemble un public issu d’horizons différents – et chaque concert que vous donnez, notamment ici à Paris, le confirme. Cela tient-il à la France ?
Non, pas particulièrement. Je dois avouer que ce pouvoir de rassembler un public varié est quelque chose de magique et de précieux, que j’ai remarqué il y a quelques années. C’est un grand compliment pour moi de voir ma musique rassembler tous les âges. Ce serait génial de voir un millier de jeunes, mais le sentiment serait encore plus fort de voir parmi mille personnes, 400 jeunes, 200 très vieilles personnes, 300 enfants, etc. Je suis ravi de voir des enfants et des gens plus âgés, car je sais qu’entre ces deux générations on retrouve toujours tous les âges. Et puis j’apprécie également de voir un public qui ne fréquente habituellement pas la scène jazz, comme les parents qui amènent leurs enfants aux concerts.
Propos recueillis par Julie Diebolt, assistée par Cécile Parriat
Lire cet article en anglais : Episode 1 Episode 2
Cette rencontre a lieu en marge du dernier événement organisé par le collectif « L’Europe et la culture » à Sciences Po Paris , consacré aux liens culturels et artistiques qu’entretient notre continent avec ses voisins : « Regards croisés sur la culture européenne – Quelles influences entre l’Europe et ses voisins ? »
Pour plus d’infos
Avishai Cohen
Ne manquez pas ses prochains concerts : 24 et 25 novembre 2009 – Alhambra, Paris 10e
Toutes les dates de sa tournée française et européenne sur
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Le projet collectif « L’Europe et la culture » - Sciences Po Paris
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