
«  La dame de chez Maxim  » de Feydeau mis en scène par Jean François Sivadier
L’enfance retrouvée
En mettant en scène «  La dame de chez Maxim   » de Georges Feydeau (1899), Jean François Sivadier poursuit avec éclat une exploration de tous les possibles offerts par le jeu théâtral. Le spectacle, d’une fascinante énergie, a été créé à Rennes au TNB, le 21 avril 2009. Il sera repris du 5 au 7 mai à Chambery ,du 12 au 14 mai à Toulouse et du 20 mai au 25 juin 2009 à l’Odéon Théâtre de l’Europe à Paris. La tournée se poursuivra de septembre à décembre prochain et passera par Le grand T à Nantes : A ne pas manquer.
Jean François Sivadier décline, dans tous ses spectacles, un certain nombre de motifs parmi lesquels celui de l’émerveillement enfantin que suscite le théâtre et le jeu. Dans sa très belle Madame Butterfly, présentée à Nantes en 2004, les choristes arrivaient depuis la salle d’opéra durant les premières mesures de l’ouverture, et levaient des yeux ravis en direction des balcons et des spectateurs, avant de prendre possession du plateau. La dame de chez Maxim est un texte qui porte en lui l’étonnement, grâce à des situations où chaque détail prend l’allure d’un événement et ouvre des possibilités de jeu sans cesse renouvelées. C’est une incroyable machine de théâtre ! Les liens logiques sont détournés, ce qui est prétexte à des instants aux frontières de l’absurde. L’univers de Ionesco n’est pas si loin et le rire jaillit de ces petits riens, sources de mensonges et de quiproquos , et de figures, acteurs ou objets, qui ne sont pas à la place qu’ils devraient occuper. Dans un très beau texte de présentation, Jean François Sivadier donne cette définition du rire : « C’est, sans le toucher, atteindre le corps de l’autre et lui redonner une seconde enfance ». Il évoque aussi ce qui illumine de l’intérieur le visage des acteurs, qui devient « comme celui du clown ravi d’entrer sans raison sur le plateau et attendant en vain une raison d’en sortir ».
Dérèglements poétiques
C'est, sans le toucher, atteindre le corps de l'autre et lui redonner une seconde enfance.
Dans la dame de chez Maxim, les situations sont celles d’un engrenage qui sort de ses rails, où le moindre grain de sable est source de dysfonctionnement. On a souvent réduit le théâtre de Feydeau à une satire de la société bourgeoise, de ses mensonges et de ses limites. Mais l’intérêt est ailleurs et va au-delà d’une simple rupture avec l’ordre établi. Et si ces moments improbables, sources de tous les possibles, étaient avant tout des propositions poétiques ? C’est en étant au plus près de la vérité de la langue et de l’écriture que les interprètes restituent, par un engagement total,une rigueur mathématique dans l’enchainement des péripéties , les gouffres et les désordres dans lesquels chacun se débat. Le résultat est extrêmement joyeux et tous les acteurs de la troupe sont à citer . Norah Krief est exceptionnelle dans la môme crevette, l’élément déclencheur du désordre . Après s’être emparée avec bonheur des rôles de Cordélia et du fou dans le roi Lear, également mis en scène par Jean François Sivadier, au palais des papes d’Avignon en 2007, elle atteint ici une fascinante vérité du jeu, elle est ce clown ravi qui, en attendant de pouvoir quitter le plateau, donne sans compter. Tous partagent un même bonheur sur scène et se hissent à un tel degré de perfection. Ce spectacle a l’illogisme d’un rêve, on en sort transporté. Michel Ange a dit cette phrase troublante « Je prends le bloc de pierre et je retire tout ce qui n’est pas David ». La recherche semble ici identique et ce qui reste, c’est cet état caractéristique de l’enfance, avec sa joie immédiate et ses éclats de rire, avec la capacité aussi d’être tout ce que l’on désire, quand il suffit de dire qu’on est une princesse ou un cowboy pour que cela s’accomplisse...Un théâtre de tous les instants.
Christophe Gervot
Photos : droits réservés B.Engueran.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses