Eres mi heroe, autobiographie d’une génération
Rencontre avec Antonio Cuadri
Eres mi heroe est l’histoire de Ramón, un jeune garçon de 13 ans venu du nord de l’Espagne pour vivre dans une ville éblouissante à ses yeux : Séville. La Séville qui lui apparaît en 1975 est reconstruite pour nous dans le film, grâce à des effets spéciaux qui ont permis d’effacer les nouvelles constructions. Cette ville vit une période agitée en cette année 1975, celle de la mort de Franco, et donc du début de la Transition.
Ramón, un garçon de 13 ans, est à cette période-charnière de la vie. A la fois trop grand pour être un enfant, et trop petit pour être un homme. Il va découvrir l’amitié, l’amour, les responsabilités... "Eres mi heroe est un conte initiatique. Tous les enfants passent par ces moments de découverte de la vie et de recherche de soi-même. Cette facette émotionnelle du film est au final universelle" analyse Antonio Cuadri, le réalisateur. Le compagnon symbolique de son enfance, l’Indien Nuage d’eau, va le suivre dans ses changements. Mais, au fil du temps, il va laisser place à un nouvel héros : le professeur de religion Matteo, jeune curé d’obédience communiste.
Dans une école où les professeurs sont favorables au franquisme, Matteo va apparaître comme le symbole de la Transition. En marge des cours de FEN, Formation à l’esprit national, ce jeune membre du bas clergé espagnol va délier sa langue pour raconter à ses élèves une vérité, la vérité, les mensonges du fascisme. "Matteo a vraiment existé. C’est l’un des éléments autobiographiques du film. Il est le symbole d’une nouvelle génération au sein du clergé. Si l’église catholique est le pilier du franquisme, une frange du bas clergé émergeait avec des aspirations progressistes" explique Antonio Cuadri. "Les propos qu’il tient à ses élèves, il les a vraiment dit. Mais il aurait fait ça quatre ans plus tôt, il aurait été emprisonné et pas seulement viré. En fait, ce jeune curé espère la retour de la république, celle d’avant 1936, qui, selon les témoignages d’anciens n’étaient pas l’enfer, bien au contraire." Une République qui commence en 1931, et termine en 1936 avec une Guerre civile de 3 ans au cours de laquelle beaucoup de ces professeurs pétris de valeurs laïques de la République sont exécutés.
Un discours rouge prononcé à peine quelques heures avant ce matin du 20 novembre 1975. "Franco se murió". Les manifestations de rue se multiplient. Les langues se délient. La réalité officielle, celle des fascistes, titube. "C’est un moment tragique lorsque le directeur annonce la mort de Franco. Mais cela passe bien au dessus de l’esprit des élèves qui se réjouissent de cette semaine de vacances inopinées". Mais il se produit là une révolution. "Une révolution que va vivre Ramón et toute sa génération... et moi-même, qui avait le même âge que lui en 1975" se souvient-il. Le personnage du jeune Ramón est en partie autobiographique. Il s’agit de souvenirs d’Antonio Cuadri lui-même, de ceux de ses amis d’enfance, de ceux d’une génération... "C’est plutôt l’autobiographie de toute une génération qui est ici racontée, celle que j’ai vécu de concert : ma propre « révolution intérieure » et la révolution sociale et politique de la Transition."
Ce film peut être apprécié comme un récit initiatique, à caractère universel, ce qui le connecte avec tous les spectateurs. Il traite d’un changement-clé dans l’existence d’un individu, le passage de l’enfance à l’âge adulte, qui coïncide avec le bouleversement profond d’une société entière, déclenché par la mort de Franco. "Cette dimension historique du film doit susciter une réflexion sur les facettes politiques et sociales actuelles. Le film porte des valeurs intemporelles, telles que la liberté, qui nécessitent de rester vigilant et de garder en mémoire certaines périodes sombres de l’histoire" conclut Antonio Cuadri.
Jessica Wallace et Coline Ferro
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