Publié le 10 mars 2005

Manon Hericher


Miel "reflet de France", pâté "Mère Lalie" et p’tit kawa. Moment de répis après une représentation au Studio Théâtre, détente, confidences... de quelques uns des membres de la troupe du Théâtre d’Après et de leur metteur en scène, Morgane Nectoux.

Créé en novembre 2002 par la promotion 2000-2002 du conservatoire, le Théâtre d’Après est composé d’anciens élèves récemment sortis du conservatoire d’art dramatique de Nantes ; anciens élèves qui me livrent à ce propos leur grande émotion de revenir ici, sur ce « lieu de vie » qu’ils ont habité durant de nombreuses semaines... car le Studio Théâtre c’est aussi le conservatoire.

Une période, un contexte

C’est ici qu’est né, dans la tête de Morgane Nectoux, le projet de mettre en scène le texte de Catherine Anne. L’histoire de vies, le temps qui passe, le travail, les peurs, l’amour, le mensonge, la peinture, la névrose, la solitude, les tentations, les tentatives... Et c’est grâce à la similitude - à laquelle ils ont été sensibles - entre leurs âges et les préoccupations de chaque personnage, que ces jeunes comédiens, sortis du conservatoire il y a tout juste trois ans, nous offrent cette brillante interprétation. Des éclats de vie, de voix, des rires, des pleurs. Chacun s’y retrouve. Morgane explique : « J’ai été attirée par la pièce car elle correspondait parfaitement à la période et au contexte. J’avais une idée de base sur le scénario puisque j’imaginais déjà travailler avec cette troupe ; et l’âge des comédiens correspondait avec celui des personnages, donc on retrouve facilement sur scène les mêmes doutes que l’on peut avoir au même âge dans la vie. »

Un univers haut en couleurs

Après avoir été assistante de mise en scène sur "Mais n’te promène donc pas toute nue" de Feydeau, Morgane décide de se lancer. « Pour que mon projet aboutisse pleinement - poursuit-elle - il me fallait trouver l’illustration concrète des décors que j’avais imaginé. C’est grâce à Lisa Paul (une des comédiennes de la troupe - NDLR) que j’ai rencontré Hugo Duras. J’ai trouvé dans son travail des textures, des couleurs, un univers scénique qui correspondait vraiment à celui que je recherchais. Pour une toile, j’ai dit “celle-là, je la veux”. Pour le reste, il avait carte blanche, je n’ai d’ailleurs vu les décors qu’au dernier moment, et je suis ravie de ce qu’il a fait pour nous. A partir de là, on a pu commencer à travailler. Moi, je me suis occuppée de la mise en scène et des costumes, Cécile Gravot s’est chargée des lumières, Guillaume Bariou de la musique... Mais il m’a quand même fallu un assistant. Pour pouvoir prendre du recul. Quand on est trop dans le jeu, qu’on passe beaucoup de temps dessus, arrive un moment où on a du mal à voir ce qui va, ce qui ne va pas, ou plus, à prendre des décisions pour la bonne constitution du jeu... Pour ça, Sébastion (Sébastien Prono - NDLR) a été d’un grand secours. J’ai pu me décharger un peu sur lui. »

10 heures par semaine sinon plus

« De plus, ça a nécessité beaucoup de travail car le texte de Catherine Anne est un texte très réaliste et je ne souhaitais pas le travailler de cette manière. Donc il a fallu énormément réfléchir pour arriver à donner cette dimension particulière au jeu. Ca a été un énorme travail pour tout le monde ». Travail de longue haleine que les comédiens confirment puisque de septembre 2003 à Avril 2004 ils montaient sur les planches à raison de dix heures par semaine. Une entreprise colossale qui a porté ses fruits et qui semble avoir été particulièrement intéressante. Benjamin Thomas, alias Paul, précise qu’avant même d’envisager de se perfectionner, c’est par esprit de solidarité que chacun d’eux s’est décidé à jouer la pièce. « A la base, le texte en lui-même ne m’a pas parlé - avoue-t-il - mais j’ai eu confiance en l’équipe. Il y a une espèce de réalisme qui m’a un peu gêné. Je n’étais pas directement attiré, mais plutôt intéressé par le fait de se confronter à une gêne pour dépasser des a priori. Et grâce à l’échange très riche et vivant qui s’est instauré entre Morgane et nous, on a pu faire de la cohérence de chaque personnage une cohérence de groupe. »

Quand cohérence rime avec confiance

Il poursuit : « Cohérence qui n’était pas du tout installée quand on a donné notre première représentation en avril au T.U. (Théâtre Universitaire - NDLR). Au début, on était très individualiste. » Approuvant cette remarque, Lisa Paul confirme la nécessité d’une grande confiance, d’un véritable échange dans l’apprentissage du jeu, pour son rôle notamment : « Le rôle de camille se définit avec les autres. TOUT se joue en fonction des autres. Sans cette confiance, je ne serais jamais arrivée à faire de Camille un personnage cohérent ».

Cet échange, ils l’ont d’autant plus travaillé qu’il a fallu apprendre à maîtriser son corps pour apprivoiser le petit espace scénique imposé par Morgane. Beaucoup d’improvisations, de travail sur la maîtrise de soi et plus encore de dialogues. « On va chercher au plus loin de son intimité. On essaie de se mobiliser soi, face à une pièce dont on n’aimait pas forcément le texte. C’est ça que j’ai trouvé le plus intéressant » conclue Benjamin.

Une mobilisation réussie pour ce spectacle qui transpire l’émotion. Sur scène, sept individus s’entremêlent autour de notes de couleurs, de musique avec violence ou passion...en mille éclats.

Manon HERICHER.