Publié le 12 juin 2012

Pauline Vermeulen

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Depuis le mois d’octobre, Fragil a ouvert sa rédaction à six jeunes nantais pour les faire partir à la rencontre des entrepreneurs des quartiers du Breil et des Dervallières. Les jeunes ont confronté leurs imaginaires aux réalités, appris les techniques journalistiques et édité ensemble un média. Après huit mois d’atelier à Fragil et de résidence à Lolab, les jeunes présentent leurs portraits d’entrepreneurs le samedi 16 juin prochain à 14h00 à la Maison de Quartier des Dervallières lors du Grand Renc’Art. Du travail journalistique à la création artistique, ils posent un regard différent sur le monde du travail.

Le parcours du projet est à lire dans la gazette et en intégralité sur le blog : la rencontre avec les jeunes, les ateliers journalistiques, l’interview chez les entrepreneurs, la rédaction des portraits, le remodelage des portraits avec l’association d’arts numériques Lolab, l’exposition dans l’espace public et la suite de Parcours Pro(se).

Entrepreneur dans un quartier populaire, qu’est-ce qui change ?

Le Breil et les Dervallières sont connus pour leurs expérimentations associatives, culturelles, moins pour leurs entreprises. Dans le quartier, l’entrepreneur a quelque chose de mystérieux. Et pour cause. Soit on ne le voit jamais car enfermé toute la journée dans son bureau ; soit au contraire, on le voit bien lui et son commerce et on s’interroge sur ce choix. Pourquoi travailler dans un quartier populaire alors que certains habitants rêvent de le quitter pour s’assurer un meilleur avenir professionnel ? Et pourtant, un jour, ils ont franchi le pas comme le jour où ils ont décidé d’être entrepreneur. Il n’y pas de parcours exemplaire. « On n’est pas des fils à papa, on n’est pas tous sortis d’HEC » insiste ce concepteur d’objets publicitaires. « Rien ne me destinait à l’entrepreneuriat, j’ai commencé ma formation professionnelle par un CAP Peintre en lettres » raconte cette commerçante de peinture bio ; « J’ai 28 ans et j’en suis à ma troisième entreprise, il n’y pas d’âge pour entreprendre » explique ce chef d’entreprise de communication. En fait l’aventure entrepreneuriale est avant tout personnelle et se construit au jour le jour. « Avant d’être entrepreneur, je rêvais d’être pilote d’avion. J’ai fait des études d’infirmière et travaillé comme secrétaire puis danseuse. »relate cette gestionnaire d’une boutique de couture. Une chose est sûre, créer son entreprise, « c’est créer son espace de liberté ». Et pour ça, il n’y a pas de frontière, alors peu importe où l’on travaille. Il y a les entrepreneurs qui habitaient déjà les Dervallières ou le Breil et qui y sont restés. D’autres qui ont saisi au départ une opportunité d’espace de travail comme ce chef d’entreprise informatique, ont conditionné peu à peu leur activité à la vie de quartier. Installé, identifié, l’entrepreneur endosse un autre rôle. Il devient aussi un repère. La coiffeuse avec qui l’on peut parler de tout, le plombier disponible de jour comme de nuit et le primeur, mémoire du quartier. Tous s’accordent, travailler dans un quartier populaire fait voir les choses autrement, mais ajoutent : « on y travaille comme partout, c’est juste le regard sur nous qui change ».

Jeunesses et imaginaires

Ce fameux regard nourrit les imaginaires, conforte les représentations. Et le quartier reste alors souvent un territoire cloisonné où l’on circule sans se rencontrer. Au regard de ce projet, Parcours Pro(se) provoque la rencontre entre deux mondes : ceux des professionnels et des jeunes, en dehors de toute logique utilitariste. Pas de quête de stage pour les jeunes, pas de pub pour les entrepreneurs. Simplement une rencontre. Parmi ces jeunes, ce sont bien « les jeunesses » qui s’expriment. Tous ne sont pas « du quartier ». Certains y fréquentent juste le lycée, d’autres sont éloignés de la vie quotidienne des jeunes dans un quartier. Au-delà des codes sociaux et du regard porté sur l’autre, ils ont édité ensemble un média. Pendant cinq mois d’ateliers, ils ont appris à se connaître ; se sont initiés aux techniques journalistiques, ont interviewé et photographié dans le Breil et les Dervallières. En découvrant le monde de l’entrepreneuriat autrement, les jeunes se sont confrontés aux faits et ont découvert une autre réalité des quartiers, sociale et économique. La perception du territoire a changé et leurs imaginaires avec. Ainsi en partant d’un nouveau fait concret : les portraits journalistiques, les jeunes ont pu les remodeler avec leur nouvel imaginaire. Que reste-t-il de la rencontre avec les entrepreneurs ? Durant une semaine de workshop à Lolab, association d’arts numériques, les jeunes accompagnés d’un dessinateur et d’un musicien ont créé des portraits animés décalés projetés dans l’espace public.

Dans cette logique d’ouverture et de médiation (plutôt que de médiatisation), Parcours Pro(se) croise les regards, les publics et les imaginaires. Pour que l’information puisse circuler au-delà de la Fabrique, du Breil 38, mais bien au travers d’espaces de médiation et de recherche sur des formes expérimentales.

La Rédaction