à l’affiche
"Personne n’est jamais prêt pour Paranoid Park"
Paranoïd Park de Gus Van Sant, entre freestyle et figures imposées
Dans son dernier film, Gus Van Sant nous entraîne, une fois de plus, dans les méandres de l’adolescence. Un thème cher au réalisateur qui ne pouvait trouver mieux en s’inspirant du roman de Blake Nelson, le spécialiste des "young adult novels".
“Personne n’est jamais prêt pour Paranoid Park”. C’est en effet, près de ce skatepark le plus malfamé mais aussi le plus réputé de Portland, que la vie d’Alex, adolescent sans histoire, se trouve bouleversée. Commettant l’irréparable en tuant par accident un agent de sécurité, il décide de ne rien dire. Un lourd secret dont il faudra bien un jour se débarrasser. Le choix le plus judicieux de Gus Van Sant réside dans le montage. La bande-son est extrêmement riche et rythmée (classique, pop, rock). Elle s’oppose au mutisme d’Alex, aux errements du personnage, mais elle accompagne aussi, les skateurs sur les pistes. La plus grande originalité du film repose sur les formats qu’utilisent le réalisateur. Il filme d’abord les séquences se déroulant à Paranoid Park en 8 mm. Il donne ainsi une impression de totale immersion, voire de l’ordre du documentaire, dans l’univers des skateurs : anarchisme et rejet du conformisme dans ce milieu particulier, glisses et chutes au ralenti, figures et grâce des gestes. Puis, après ces parenthèses, il retourne à son histoire, en format normal de 35 mm. A travers ce procédé, il guide et invite le spectateur à comparer la vie du personnage principal à ces séquences à Paranoid Park : le héros va-t-il choisir la liberté ou la chute ?
Sur son skate comme dans la vie, le héros devra choisir entre la liberté et la chute
Chronique d’adolescence en perdition
La tragédie défile à coup de flash-back lorsqu’Alex raconte son histoire, avec ses propres mots qu’il transcrit sur dans un cahier. A l’instar de l’affiche du film, où la photo du personnage est nette mais coupée, Alex continue de vivre comme si rien ne s’était produit mais restera marqué à jamais. Le film ne s’attache pas à l’enquête menée par l’inspecteur, celle-ci passe au second plan. Toute la trame du film repose sur la quête de délivrance ou la chute du personnage. C’est aussi une histoire où les adultes sont absents ou en retraits : ils ne sont que des voix au téléphone, quand ils apparaissent à l’écran, ils sont de dos, coupés par le cadre et les plans sont courts. Seuls l’agent de sécurité et l’inspecteur de police occupent de longues séquences. Il s’agit des deux adultes dont dépend la vie du personnage. Le premier incarne l’enfance révolue, le second, le futur brisé. Une façon d’accentuer le désarroi et la solitude d’Alex, joué par Gabe Nevins. Lui comme les autres jeunes acteurs ont été recrutés sur MySpace et interprètent magnifiquement bien leur personnage. Ils font tous preuve d’innocence, d’une désinvolture naturelle, d’une grande naïveté devant cette caméra semblant être posée dans un coin pour ne pas les gêner, les prendre au vif.
Un réalisateur inspiré mais qui ne bouleverse pas sa thématique originale
Paranoid Park s’inscrit dans la continuité filmographique de Gus Van Sant sur la thématique de l’adolescence. Malheureusement, le réalisateur ne convainc pas totalement. On retrouve les mêmes sujets (amour, sexe, solitude, rébellion, itinéraire initiatique) traités dans ses autres films tels A la rencontre de Forrester, Will Hunting. La comparaison avec Elephant est inévitable : bande-son omniprésente, même cadrage à l’écart pour laisser la liberté aux acteurs amateurs, longs travellings…Enfin, le film est parfois trop lent et manque véritablement d’action : on a le sentiment de ne faire que suivre le malaise et les errements d’Alex (caractérisés par les longs travellings de face du personnage dans les couloirs vides du collège, comme dans Elephant). Si le réalisateur fait preuve d’originalité dans la forme du film et son absence totale de parti pris par rapport au destin de son héros, il est loin de renouveler le fond du sujet, cette adolescence qu’il dit lui-même n’avoir jamais quittée.
Lena Le Troadec
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