FOCUS
Urbik/Orbik : ce moment théâtral a-t-il vraiment existé ?
Du 19 au 21 mars, avait lieu au Théâtre Universitaire de Nantes, la représentation de Urbik/Orbik. Mise en scène par Joris Mathieu, d’après une œuvre de Lorris Murail. A travers divers outils, la mise en scène ne va cesser d’interroger le spectateur sur ce qui est réel et ne l’est pas.
Le mardi 21 mars à 20h30, se déroulait la quatrième représentation nantaise de Urbik/Orbik , avec la présence de Joris Mathieu. A travers cette pièce, le metteur en scène voulait rendre hommage à la vie de Philip K. Dick. Joris Mathieu connaît bien cette salle. Il aime y venir, pour lui il peut tout y faire. C’est un réel lieu de vie et d’expérimentation. Dans cette pièce, il effectue un travail autour de sa perpétuelle question : la réalité existe-t-elle ? Pour y répondre il se servira des divers outils mis à sa disposition. Il s’aidera des projections, des sons, des jeux de lumière, de volume. Amenant le spectateur à réfléchir sur sa propre condition. Faisant de lui un véritable acteur.
La réalité existe même quand on a cessé d’y croire
On sait qu'un corps ne peut pas flotter. Mais pourtant ça se passe devant nos yeux
Ceux qui ont assisté à la représentation, pouvaient se demander s’ils étaient dans une salle de cinéma. Les jeux de lumière, de son, la mise en scène, tout y était pour créer un doute chez le spectateur. Ce qui se déroule devant lui est-il réel ? Est-ce vraiment là ? Les images étaient floues. Le doute toujours présent. Le corps se dédouble, flotte, se tient en équilibre sur une table. Le spectateur se doit d’être un autre acteur de ce jeu entre la réalité et le doute. On le fait rentrer dans la mise en scène. Par exemple, lorsque le personnage de Phillip K. Dick parle de la création des capsules, représentant des micro-mondes, cette capsule, le spectateur la voit. Elle est là, elle flotte face à lui. Puis elle grossit, la musique devient plus forte, elle grossit de plus en plus, jusqu’à ce que cette lumière atteigne le spectateur. Le faisant alors rentrer dans ce micro-monde. Le spectateur n’est plus passif, il est l’élément central de la pièce. Il apparaît par exemple à un moment de la pièce, un œil. On est alors dans la tête de Philip K. Dick, on vit la scène. Joris Mathieu, nous confie, que pour lui tous les outils deviennent un moyen de créer le doute chez le spectateur. Il s’en amuse. La scénographie devient un véritable langage pour quitter le réel. Le spectateur n’est plus sûr de ce qui se passe devant lui. On sait qu’un corps ne peut pas flotter. Mais pourtant ça se passe devant nos yeux. On ne peut pas se tromper à ce point là. Mais on le voit. Le spectateur, pouvait par moment se croire dans un simulateur et n’attendait que le moment de sentir son siège bouger. Pourtant il s’agissait bien d’une représentation théâtrale. Il n’y avait pas de générique de fin.
La perte de sa sœur, le début d’un autre monde
Philippe K. Dick reste au cœur de cette pièce. Ses idées, sa vie et ses doutes sur les frontières de la réalité sont la source du jeu. Tout le début de la pièce est consacré à la perte de sa sœur jumelle. Le spectateur prend peu à peu place dans la salle du T.U, ne voyant qu’une fois installé, une fille les regardant sur la scène. Elle parle, « personne ne peut dire combien de temps nous resterons ici ». Puis la lumière diminue, sa voix devient de plus en plus claire et plus forte. Elle nous confie tout sur le début de la vie de Philip K. Dick. Le moment où il était en réelle communion avec sa sœur, dans le ventre de leur mère. Leur naissance est accompagnée par la liberté de mouvement. Leur communion est toujours présente avant tout par la pensée. Le lait de la mère diminuant, il n’en restait assez que pour nourrir un enfant. Au bout de six semaines, sa sœur jumelle meurt. Petit à petit leur lien se brouille. La jeune fille, étant en fait la sœur jumelle, disparaît. Le rideau derrière elle se brouille également. Ce n’était pas un rideau réel ? Le doute s’installe dès le début. Le spectateur se trouve face à un homme « coincé entre quatre murs, douze si l’on compte la chambre et le cabinet de toilette ».
Cette pièce, se base sur les pensées de Philip K. Dick, surtout au moment où il prenait toutes sortes de substances. Son personnage se demande si l’existence d’un autre monde est possible. La création des micro-mondes serait la solution à la surpopulation en surface. Aller chez son voisin ce serait comme aller dans un autre univers. Ces espaces valent de l’or, car l’espace vaut de l’or. Le monde est surpeuplé, avoir son espace, sa capsule, a beaucoup de valeur. Ce que l’on voit est réel. Mais la « caméra plonge-t-elle jusqu’au cœur ? ». Qu’est ce qui est visible de l’œil humain ? Philip K. Dick disait que la réalité est ce qui continue à exister même quand on a cessé d’y croire. Cela semble être le point de repère pour savoir si l’on est dans le réel ou non. Un peu comme la toupie dans Inception , film auquel le metteur en scène fait souvent référence pendant notre entretien. Univers très inspiré de la vision de Philip K. Dick. La frontière entre les rêves et le réel est floue, les personnages s’y perdent eux-mêmes. Seuls leurs gri-gri semblent devenir leur point de repère, pour ne pas en perdre la tête. A la fin de la pièce le monde en souterrain sera investi par le monde de surface, car la fin du monde est annoncée. Philip K. Dick décide de remonter à la surface, il se trouve face au vide. Le monde est fait sur un roulement. Les vieilles choses doivent mourir, c’est le scénario de la vie, pour laisser la place aux nouvelles.
Joris Mathieu aime jouer avec le public
La mise en scène de Joris Mathieu, ne va pas arrêter d’aussi tôt à perturber le spectateur. Son futur projet sera d’adapter Cosmos , une œuvre de l’auteur Polonais Witold Gombrowciz. Cette œuvre, se construit autour de l’obsession de vouloir comprendre quelque chose qui est énigmatique. Lorsque nous demandons au metteur en scène s’il serait tenté de faire rentrer d’autres éléments dans ses pièces, comme la chaleur, la pluie, il dit y penser. Créant un nouveau rapport avec le spectateur. Il a déjà expérimenté ce lien avec le spectateur dans la pièce le Bardo . En forme de labyrinthe, elle a pour but de créer un trouble dans les référents spatio-temporels. Le spectateur est confronté seul à cette pièce. Il semblerait que Joris Mathieu n’est pas prêt de s’arrêter de jouer avec le spectateur.
Mélanie Javelaud
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses