Angil sans peur et sans chapeau
Ciné Concert au Cinématographe
Vos oreilles n’ont encore jamais croisé la route du « folk post moderne  » d’Angil ( Michaë l Mottet), les trompettes, flà »tes, violoncelles et autres xylophones de la troupe des Hiddentracks qui l’accompagnent sur « Teaser for matter  » ? Avant-goà »t...
Sa voix est douce quelque soit la manière de s’exprimer : dialogues ou chansons. Il a déjà partagé cette qualité sur cinq albums auto produits et a maintenant étendu son chant par une distribution nationale pour « Teaser for matter » . Mais face au film muet de Boris Barnet de 1927, « La jeune fille au carton à chapeau », son ton se métamorphose pour côtoyer celui du dessin animé dans le but unique de faire revivre les fantômes de ces personnages aux personnalités intemporelles.
Scène 1 : Le « joueur »
Pour son nouvel album sorti en septembre 2004, les étiquettes ont été immédiatement apposées et déposées comme des marques sources de « qualité ». Angil, conscient de cette inévitable habitude critique, ne renie pas pour autant ses inspirations : « nous sommes dans une époque où nous reprenons tout ce qui a été fait pour crée quelque chose de nouveau mais, pour moi, la pop ou le folk sont juste des supports de composition dans lesquels je ne me retrouve pas forcément ». Un clin d’œil malicieux s’associe à un sourire pour définir, selon lui, l’époque post moderne face au modernisme : « entre ces deux périodes, il existe la même différence qu’entre le western et le western spaghetti ». Le musicien avoue lui même se jouer des codes et avoir choisi le nom de sa dernière livraison en associant humour et sérieux : « Il devait seulement s’appeler « Matter » comme quelque chose de palpable avec de vrais instruments et de la matière. Le teaser est l’exemplaire normalement envoyé à la presse, mélangez les deux et... » et interprétons, sans toutefois considérer l’album comme un coup d’essai : « Mes démos étaient des compte-rendus de ce que j’étais capable de faire, des cartes postales. « Teaser for matter »est dans cette évolution mon premier roman...pour dépasser le postulat ».
Angil définit en effet la musique comme une histoire de moyens (« on crée une chanson parce qu’on sait trois accords ») qui justifie toujours la fin, le résultat de la création. Les pièces sonnantes permettant la production et les notes trébuchantes, matières des mélodies, sont deux conditions indissociables pour qu’un album tel que celui ci puissent tomber dans toutes les mains et les oreilles.
Scène 2 : Sur le fil de la bobine
Angil a également voulu s’approprier l’image. Après un premier ciné-concert sur le film d’Epstein, « La glace à trois faces » où il improvisait seul avec sa guitare, il est séduit par « La jeune fille au carton à chapeau ». Pour revisiter de détours en détours cette œuvre, les cordes changent de mains et sont désormais confiées à deux membres des Hiddentracks. Un soupçon de violon, une touche de violoncelle et une couche de voix déformées constituent l’éclairage choisi par Angil pour faire découvrir ce film destiné en premier lieu à défendre les emprunts d’état.
Cet objectif ne cache pas l’humour, déjà présent dans le film, sur lequel les musiciens ont choisi de mettre l’accent. « La première idée que j’ai eu en voyant ce film est la petite musique des dialogues aigus, un peu mesquins et le rythme des cartons que nous lisons et explicitons ». Les deux instruments trouvent leur place avec des thèmes « assez radicaux, pas vraiment classiques et difficiles à assumer ». Cadeau d’Angil aux deux violoncellistes, cette partition n’a pas, au départ, été écrite dans le but d’être jouée avec un film. Ainsi, l’artiste a préféré que les cordes mènent la danse, que la musique soit maîtresse du jeu, la concordance avec les images n’étant pas une priorité. La partie écrite (les dialogues fictifs ) sont restés « un peu abstraits » , à mille lieux « des B.O habituelles », avec pour repère une trame souple permettant improvisations et contre-pieds.
Scène 3 : Une nouvelle manière d’entendre le film
Après un filage où les multiples possibilités d’improvisation ont été explorées (du murmure incompréhensible au dialogue surréaliste), Angil et sa troupe accueillent un public de tous âges. La tension est perceptible, le musicien a donné la consigne : « Nous ne jouons pas seulement une histoire, nous ne devons pas chercher le respect scrupuleux des indications ». Les personnages attachants sont recrées, renommées et rejouées grâce aux commentaires : Natacha demeure une jeune femme malicieuse, Snegirev (dit Botkichmout dans la version du groupe) et le télégraphiste deviennent deux prétendants maladroits. Le second ne cessant de répéter « oh qu’est ce qu’elle est belle » n’obtient aucun succès tandis que le premier, se faisant passer pour le mari de Natacha, parvient à ses fins. Les deux propriétaires, exploitant la jeune vendeuse de chapeaux, forment un couple comique dont les quatre artistes amplifient le ridicule.
Les musiciens devant l’écran font surgir l’humour suggéré derrière les images. Tel est le stratagème choisi pour faire soulever une armée de rires et d’applaudissements. Mais parfois le silence s’impose, violons et voix laissent alors parler le film muet qui exprime justement et à lui seul les émotions qui naissent de cette intrigue où ne règnent pas uniquement l’humour et le but didactique. Angil résume : « Dans la petite musique formée par le dialogue virtuel tu peux entendre ce que tu veux comme (sans comparaison musicale mais plutôt par une similitude entre ces instants) dans le silence qui suit un morceau de Mozart ou les 4 minutes 33 de silence de John Cage ». Cette expérience ajoute une couleur supplémentaire à la palette d’Angil : sûrement une nouvelle matière à faire fructifier.
Chloé Vigneau
Bloc-Notes
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