Mygük fait danser Nosferatu
Ciné Concert à la Barakason
Mygük est un nom mystérieux pour ce quatuor originaire de Pau qui a décidé d’ajouter le temps de quelques ciné-concerts un cinquième membre inédit : Nosferatu en personne, en chair et en os, sur la pellicule de ce film muet en noir et blanc de Murnau. Dans un déluge de sons, mais sans cacophonie, Mygük nous ouvre les portes de leur royaume étrange.
MYGUK QUE CACHENT CES CINQ LETTRES ?
Quatre amis (Stéphane est au chant, à la guitare acoustique ou électrique, à la flûte traversière, à l’harmonica, Mickaël au violon, au piano et à la basse, Ghislain à la guitare électrique, au violoncelle, au sampler, Sébastien à la batterie et au sampler)créent en une soirée un nom de groupe,et décident de mettre à profit cette mystérieuse alchimie. Un groupe local parmi d’autres... ? Non, pas seulement car depuis cette naissance, ils ont évolué et vécu de formidables aventures : deux albums et un ciné-concert qui leur a permis d’élargir leur auditoire et de se produire sur toute la France.de se produire sur toute la France.
Pourquoi avoir choisi le nom de Mygük ?
"On a trouvé ce nom par hasard au cours d’une soirée et il nous a plu. Ce mot s’est imposé à nous, sans explication".
Si Mygük n’a pas de signification, il a des sonorités qui nourrissent l’imagination comme la musique mystérieuse et envoûtante de ce groupe. Ainsi, chacun selon son histoire, son passé culturel, peut trouver à Mygük des origines basques ou nordiques ou martiennes... Même si le style musical de Myguk colle parfaitement à l’univers de Nosferatu, la génèse de cette rencontre n’a pas été un envoûtement que le célèbre vampire a exercé sur le groupe.
"Non il s’agit simplement d’une opportunité" nous annoncent-ils à notre grand étonnement. "La médiathèque de Pau souhaitait trouver un groupe pour créer un ciné-concert". "En accord avec eux et en fonction du temps imparti pour la réalisation de la musique, nous avons choisit ensemble Nosfératu de Murnau. Nous nous sommes ensuite enfermés pendant six mois et nous avons travaillé intensément".
Ils se sont imprégnés du film, de chaque image, de chaque personnage avant de créer une musique spécifique. L’image n’est pas là pour illustrer la musique mais c’est la musique qui s’adapte au film, elle l’accompagne. Alors, les musiciens s’effacent dans l’ombre pour laisser place à l’écran. Mygük fait face au visage universellement connu du vampire Nosferatu qui leur donne goutte à goutte l’inspiration nécessaire. Pas d’intimidation, juste le courage et l’ambition de poser quelques notes et un rythme sur les images de ce personnage muet. " Nous sommes derrière le film. Nous n’avons jamais voulu nous imposer par rapport à l’image. Nous avons un rôle d’accompagnement".
A LA RENCONTRE DE L’IMAGE
Toutefois ce contact n’est pas le prétexte d’une simple promenade à travers les paysages noirs et blancs pendant laquelle Mygük suivrait banalement cet étrange ami. Le film n’est pas seulement le point de départ d’une création, il est aussi un constituant du spectacle, un ciné-concert où musique et cinéma s’accordent en direct. Réaliser cette performance, crée une nouvelle sorte de contact indirect avec le public et qui permet toujours de dépasser les limites imposées par un simple moment musical. La logistique plus difficile à coordonner n’a pas effrayé le groupe. Nosferatu prend réellement son envol dans les lieux qui lui conviennent, où Myguk et lui même éprouve une sensation particulière. En chœur, ils confessent avoir une préférence pour les "lieux insolites ". "Une austère abbaye nous a ouvert ses portes. C’était un vrai plaisir de jouer dans ce décor avec quelques chandelles. Cela a vraiment mis le thème du film en relief. "
Une question reste en suspens. Vont-ils avouer comment ils ont établi ce lien spécifique entre musique et image, ce qui les a guidé dans la genèse du projet ? La recette semble simple si on prêt l’oreille à leur propos.
L’analyse était un passage obligé mais un autre gué restait à franchir : s’imprégner totalement de l‘identité du film. Mygük a choisi de mettre l’accent sur certaines scènes décisives dans le déroulement dramatique. "Nous nous sommes naturellement imprégnés des thèmes. La scène centrale du bateau et la fin nous on beaucoup attiré. Dans cet exercice, mélodie et film devaient mener une progression parallèle. Nous avons essayé de créer des thèmes musicaux pour quelques personnages, de porter une attention particulière à la batterie qui devait se caler parfaitement sur le rythme des différents plans. Le tempo du morceau devait s’accorder au tempo du montage et non l’inverse. Cette notion de temps associée à la perpétuelle mobilité des images a été un sacré défi. Sans oublier de faire ressentir les idées romantiques de destin et de sacrifice"
Ils nous présentent ainsi cette expérience qui, à l’écoute de leur propos, à l’audition de leur musique, paraît facile et naturelle. "Parfois, nous jouions quelques morceaux sans regarder le film et avec surprise, on découvrait que ces essais collaient parfaitement"
La rencontre avec l’image a donc été productive musicalement mais également personnellement. Chaque membre du groupe semble avoir puisé une énergie qu’il souhaite communiquer sur scène. Nous hésitons alors à lire dans ces regards enthousiastes la promesse d’une grande tournée. "Nous considérons ce ciné-concert comme une parenthèse qui nous a permis de nous décharger et nous a stimulé pour produire un travail créatif. Nous l’avons utilisé pour nous extérioriser."
Derrière l’image se cache un groupe avide de nous faire partager ses émotions mais l’écran en leur compagnie se révèle être un faux ami. Il n’est pas seulement prétexte à un cache-cache où l’univers de Mygük s’entremêle à celui de Nosferatu, il est aussi parfois une barrière qui concentre l’attention du public sur un unique point de la scène et dissimule le groupe. "Ce manque de rapport avec le public nous a joué un tour car le retour à la scène, celle où nous étions seuls sur scène, a été difficile. Nous avons dû reprendre l’habitude d’aller chercher les gens et de ne pas seulement rester dans la situation confortable du ciné-concert"
Le danger, le point le plus menaçant, est ici esquissé. Les deux composants de ce duo original peuvent-elles être à égalité aux yeux et aux oreilles du public ? Le film détrônerait-il la musique ? Mygük détourne la question et pose le problème différemment. "Notre souci principal était justement de ne pas passer devant l’image, de montrer le film avant tout. Nous savons que par ailleurs nous avons notre existence propre même si dans les premiers temps nous avions du mal à nous retrouver, trop imprégnés par Nosferatu. Mais après cette expérience positive nous avions du plaisir aussi à ne plus avoir cette image face à nous, avec nous."
Mais Migük n’abandonnera peut être pas le lien entre son histoire musicale et son parcours visuel constitué du ciné-concert et d’un clip disponible sur leur site (www.myguk.com)/"Le clip...n’a pas de signification particulière. L’artiste avait une totale liberté pour créer, pour refléter le morceau en images. Le seul thème réellement explicite est celui de la transformation."
Cette carte blanche accordée à la création visuelle ou musicale est peut être la condition nécessaire pour faire surgir les paysages colorées de ce clip, l’univers sombre de Nosferatu retranscrit par Mygük.
Comment rester indemne après avoir un jour croisé le terrifiant regard du vampire ? Le spectateur devra se faire sa propre opinion en essayant de croiser un jour la route de cet étrange être suivi de son cortège d’instruments. Mais, en tant que membre actif de l’événement, Mygük a trouvé la meilleure réponse possible.
"Le CD Nosferatu est sorti et suscite des réactions contradictoires. Certains disent qu’il manque le film, d’autres apprécient la musique pour elle même. Ce disque répond à une demande du public et permet de laisser une trace de notre passage sur le territoire de Nosferatu." Ou ne serait-ce pas plutôt la marque de la morsure de Nosferatu matérialisée pour le plus grand plaisir de notre ouïe ?
LA MUSIQUE PUIS LE TEXTE
Quand on les questionne sur leur processus d’inspiration et de création, le groupe nous répond simplement : "Il n’y a pas de règle, c’est fluctuant." Cependant, la musique est travaillée en premier puis les phrases arrivent, simples, en accord avec celle-ci. Leur but n’est pas de faire passer un message mais de créer une atmosphère souvent mélancolique, triste, lancinante. Elles renforcent les sentiments que veut transmettre Mygük à travers sa musique. L’absence de sens permet alors à chacun de créer sa propre histoire en fonction de son état d’âme du moment. Une grande liberté d’interprétation qui nous permet de nous approprier tout naturellement la musique de Mygük.
Même si dernièrement le répertoire mygükien pourrait plutôt être qualifié de mélancolique, sombre, triste, le groupe se considérant lui-même comme "inclassable" nous étonnera dans son prochain album. Après s’être plongés corps et âme dans Nosferatu, nos musiciens veulent redevenir eux-mêmes, fluctuants. Ce sera l’occasion d’écouter un son plus rock avec des morceaux "plus à vif", davantage primaires en alternance avec des moments calmes. "Nosferatu nous a demandé un travail intense, nous a appris à mieux nous connaître et à faire évoluer notre musique". Le groupe semble avoir trouvé un nouveau pas, un élan.
Les voix de Mygük s’entremêlent pour nous éclairer sur le langage de leur territoire sonore. Cette langue, en permanente construction, intrigue, interpelle le spectateur comme une nouvelle énigme. Certains passages vocaux de Nosferatu ne sont pas en Français, d’autres paraissent incompréhensibles. Seul le chanteur lui même nous fournit l’alphabet pour décoder cette originalité. "On peut qualifier mes paroles d’esperanto latinisant, sans prétention bien sûr. La prononciation parle d’elle même. Je vise en fait un langage inconscient collectif, comme celui des chants tibétains, pour tenter de provoquer quelque chose de particulier aux oreilles du public."
Cette réflexion paraît paradoxale, difficile à appliquer sur un film muet. Pourtant, elle prend son sens dans ce contexte sollicitant l’imaginaire pour trouver des paroles. "Sur deux passages vocaux brefs (le corbillard et la scène où Hélène veut se sacrifier), j’ai choisis de ne pas mettre de texte pour ne pas perturber le sens mais, pour le personnage féminin, par exemple, je me demandais en permanence : que pourrait-elle chanter ? "
LE PROCHAIN VOYAGE
Migük va prochainement quitter les terres sombres de Nosferatu et, déjà, ils entrevoient leur prochaine destination. Ce nouveau pays imaginaire sera incontestablement propice à d’enrichissantes découvertes. "Notre futur album sera plus rock et plus varié. Il va osciller entre des plages mélodiques, avec une insistance sur le chant et la guitare, et d’autres à tendance progressives. Nous ne prônons pas une durée fixe pour les chansons, elles pourront s’étendre d’1 minute 30 à 10 minutes. Le piano sera aussi plus exploité".
Le manager serein, approuve avec toujours un regard de soutien en direction de chaque membre. "Ils ont perfectionné leur apprentissage de la scène. Plus matures, ils sont aussi plus à vifs. Ce disque restera encore au chaud jusqu’au 28 mai en espérant peut être franchir les frontières de l’Aquitaine". (Les disques précédents ne bénéficiaient pas d’une distribution nationale.)
Malheureusement le mystère demeure et le groupe nous fournit peu de précisions sur le contenu de cet album attendu. "Nous sommes des enfants qui jouons. Nous n’avons pas de concept, pas de démarche prévue d’avance. Nous faisons confiant au moment, à l’instinct et à nos pulsions avant de structurer nos essais."
Dans ce jeu de projection auquel s’exerce Mygük, du film au futur, le groupe trace sa route, sa carte, mais sans donner encore de noms géographiques précis. "Bien sûr, nous avons toujours un album à défendre, celui de Nosferatu et bientôt celui qui va arriver. Mais nous allons faire une pause sur les musiques de films. Cette performance nous a donné un résultat satisfaisant. Pas question de remettre immédiatement la ceinture en jeu. Il faut digérer et manger de la scène pour reprendre contact avec le public."
Mais peut être un souvenir ou un lien subsistera de ce passage de leur carrière. "Nous espérons juste que notre avenir ne suivra pas la ligne de Nosferatu : sacrifice et mort au petit matin." Mygük apparaît donc armé pour, de ses deux dents pointues, croquer l’avenir et étancher sa soif de nouveauté.
art. Christelle Remaud et Chloé Vigneau
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