Jan Lauwers et son "homard" en Avignon
Made in Jan Lauwers
Après avoir fait vibrer Avignon, en 2004, au rythme des danses et des chants de « La chambre d’Isabella  », puis avec "Needlapb 10" en 2005, Jan Lauwers et sa Needcompany reviennent cette année au Festival avec « Le bazar du homard  »... Face à un spectacle aussi baroque dans ses formes que délirant dans sa narration, voici quelques clés du théâtre « made in Jan Lauwers  »...
Il y a théâtre et théâtre. Ou, plus exactement, il y a théâtre tout court et théâtre « à la Jan Lauwers » - qu’on aime ou qu’on n’aime pas les créations de cet ébouriffant metteur en scène, force est de reconnaître que ses œuvres ne ressemblent à aucune autre... Chez Lauwers, avec cette large scène blanche, très lumineuse, qui semble s’offrir naturellement au public, avec cette façon de jouer en faisant face aux spectateurs, avec ce mélange de chant, de danse et de théâtre (et de cinéma pour Le bazar du homard), le tout très étroitement imbriqué, il y a une sorte de communion, de complicité qui s’établit avec le public, et qui forme la marque de fabrique « Lauwers/Needcompany ».
Le raconteur d’histoires
La narration du Bazar du homard, elle, échappe en partie à cette griffe Lauwers : si, dans La chambre d’Isabella, elle était bien linéaire, suivant les étapes de la vie d’Isabella, elle ne l’est plus du tout dans le bazar du homard - Jan Lauwers m’avertit d’ailleurs : « Il faut accepter un récit où le début n’est pas au début et la fin pas à la fin... ».
Je suis un raconteur d'histoires
Et il n’avait pas tort : entre le serveur qui renverse un homard sauce armoricaine sur les vêtements d’Axel (le personnage principal, joué par le charismatique Hans-Peter Dahl), le clone humain Salman et l’ours-homme, il n’est pas toujours facile de suivre le fil de l’histoire... Mais les spectateurs, loin de s’arrêter à si peu, semblent même l’apprécier : les rires qui fusent dans le public montrent clairement qu’ils sont davantage là pour assister aux délires scéniques issus de l’imagination de l’auteur, que pour écouter sagement une trame qui défilerait sous leurs yeux de façon rigoureuse et ordonnée... Pour Jan Lauwers, toutes ces petites histoires, ces folles péripéties qui forment la grande histoire de son spectacle, répondent à l’un des principaux rôles du théâtre, raconter des histoires ; il se définit lui-même ainsi : « Je suis un raconteur d’histoires ».
Parler du monde
Mais les histoires de Jan Lauwers, tout amusantes et hallucinantes qu’elles paraissent, sont sous-tendues par un souci perpétuel de parler du monde. Que ce soit la question des clones, celle des voitures incendiées (on reconnaît une allusion aux événements de novembre dernier en France) ou encore la devise de Salman le clone (« Je suis », à laquelle il ajoute aussitôt « mais je ne sais pas ce que je suis »...), les personnages de Lauwers témoignent tous d’un ancrage fort dans le réel, ils posent tous un regard interrogateur sur eux-mêmes et sur le monde, se cherchant, se questionnant, et ne se trouvant pas toujours... On reconnaît là ce souci constant chez Lauwers d’allier l’accessibilité du divertissement à l’exigence d’une réflexion particulièrement aiguë sur le monde, que l’on trouvait déjà fortement dans La chambre d’Isabella.
Théâtre, danse, musique, chant, cinéma : le foisonnement des formes
L’importance de cet ancrage dans le monde ne saurait nous faire oublier ce qui apparaît comme une constante chez Lauwers, et qui est un élément fondamental du théâtre à la Lauwers : le mélange des formes. Entre danse, musique, chant et jeu théâtral, le spectacle entraîne les spectateurs dans un tourbillon scénique, visuel et sonore détonnant. De fait, le bazar du homard se situe à un point (indéfini...) entre la comédie musicale, le théâtre et le cinéma - ce dernier était absent de La chambre d’Isabella. Un écran géant permet de voir pas moins de cinq films, qui ont une place très pertinente dans la narration - pour une fois au théâtre, le cinéma (ou la vidéo) ne sert pas de cache-misère à des impasses théâtrales... Alors, si on peut tout de même reprocher au Bazar du homard d’être moins bien construit, moins bien rythmé que La chambre d’Isabella - et, pour tout dire, un peu long, on se régale cependant goulûment avec cette profusion presque délirante de danses et de chants, avec ces histoires hallucinantes, comme seuls savent les inventer Jan Lauwers et sa Needcompany.
Gaël Montandon
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses