Carnets de Festival - Univerciné 2011
Tanzträume : un peu de danseurs dans ce monde de brutes
Une mise à nue de l’adolescence : 40 jeunes s’initient à la danse en répétant Kontakthof
Au cours de la partie "allemande" d’Univerciné, une petite pépite Les Rêves dansants, sous titrée "recommandé scolaire" attire l’attention. Non, pas un film, mais un documentaire qui sous couvert de parler de la danse, embrasse tout ce qui constitue l’adolescence en restant d’une grande fraîcheur.
Ce documentaire allemand d’1h30, projeté en VO sous titrée, dans le cadre d’Univerciné au Katorza, rappelle un peu le très bon Billy Elliot.
Mais, il raconte d’abord une histoire plurielle, celle de 40 jeunes allemands de Wuppertal (petite ville de Rhénanie Westphalie) jamais montés sur scène, interprétant la pièce Kontakthof. Tout ceci sous le jugement de sa créatrice, Pina Bausch, cette géniale danseuse-chorégraphe allemande morte d’un cancer généralisé le 30 juin 2009 à 68 ans.
il raconte d'abord une histoire plurielle, celle de 40 jeunes allemands de Wuppertal
En novembre 2008, Pina Bausch, qui interprétait elle même en 2000, La fille triste, personnage sympathique et naïf, de la pièce Kontakthof, avait souhaité que des jeunes s’emparent de cette même pièce. Ces jeunes, issus de Wuppertal, où Pina vivait, devaient être vierges devant la danse et formés par deux danseuses de Tanztheater Wuppertal, la compagnie créée par la chorégraphe. Ce documentaire raconte ainsi l’histoire de ces quarante jeunes.
le documentaire très rythmé, alterne entre joyeuses répétitions et confessions des acteurs. Ainsi, Tanzträume [1] dépasse le sujet de la danse pour devenir un film sur la jeunesse et ses drames.
La découverte des pas s’accompagne d’une découverte de son identité, mais aussi de sa sexualité. L’histoire de Kontakthof tourne beaucoup autour du désir d’autrui, de la sensualité avec cette pièce définie par Pina Bausch comme "un lieu où on se rencontre pour lier des contacts. Se montrer. Se défendre. Avec ses peurs. Avec ses ardeurs".
La danse, compagne réconfortante, leur permet de se livrer, de s’exprimer en tant qu’individus. Ainsi, on voit ces adolescents nous confier leur difficulté à se faire caresser le visage dans une scène (comme la petite blonde Joy, au corps timide et au visage rougissant), ou à se déshabiller pour la pièce : ainsi cette scène où ce jeune garçon, et la pimpante Kim, chacun d’un coté de la scène se déshabillent jusqu’aux sous-vêtements. Les ados nous parlent ainsi de leur rapport à l’amour, au sexe et au couple.
Les ados nous parlent ainsi de leur rapport à l'amour, au sexe et au couple.
Entre deux scènes de répétition, les acteurs/actrices partagent avec nous, spectateurs, aussi bien les meilleurs que les pires moments de leur vie. Joy évoque son père disparu, Rieke, son grand père kosovar brûlé pendant une guerre serbe. Safet, un Rom musulman nous parle de son respect pour sa mère et des difficultés liées à son identité.
Et Pina dans tout ça ? A la fois guide et juge, elle est d’une discrète présence. On la voit peu à l’image, mais sa présence est palpable le long des Rêves dansants (Tanzträume). D’un corps frêle, enchaînant les cigarettes avec un visage presque impassible, Pina observe, analyse et sélectionne, guidant les apprentis danseurs dans leurs premiers pas. On ne peut s’empêcher quand on la voit, de penser à son futur décès, tentant d’apercevoir des signes avant coureurs de ce qui s’annonce. Nul n’apparaît sauf peut être une certaine fragilité cachée derrière un masque. Pourtant, Pina, du haut de son expérience reste humble et les adolescents la définissent comme « une grande dame » avec beaucoup de respect dans la voix. Hors caméra, selon Anne Linsel, elle les aurait remercié, les larmes aux yeux "de porter sa création à travers le monde".
Jusqu’à la présentation de Kontakthof au public
Principal bienfait de l’expérience : une confiance en soi décuplée et une tranquillité retrouvées. Un garçon nous dit qu’il parle désormais plus facilement, Joy, en pleurant, espère que son père, de là où il est, sera fier d’elle. Surtout, les voilà tous amis malgré leurs différences, soudés par un lien profond. La danse comme thérapie de l’âme, voilà une belle idée. En fin de compte, Tanzträume est un film sur le dépassement de soi et l’apprentissage de la vie ; un beau film qui respire la jeunesse et donne envie, à son tour, d’entrer dans la danse.
Pierre Magnien
[1] Les Rêves dansants
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