Danse
Des Poupées marocaines lèvent le voile sur le Maroc
Recnontre avec la Cie 2k-far
Quand Claude Brumachon et Benjamin Lamarche rencontrent le chorégraphe casablancais Khalid Benghrib lors d’un séjour au Maroc, ils l’invitent au Centre Chorégraphique National dans le cadre de l’accueil studio. Avec sa compagnie 2k-far, il nous propose une vision engagée et critique de la société marocaine contemporaine.
l’art, m'a sauvé
une société entre tradition et modernité, fierté et tabous
La compagnie 2k-far, au nom évoquant ce petit insecte peu ragoûtant mais persistant, est née d’une rencontre entre deux chorégraphes, Khalid Benghrib et Loren Palmer, entre ces chorégraphes et des danseurs, tous marocains, dont certains sont originaires de quartiers difficiles et ont découvert la danse récemment.
Khalid Benghrib avoue que « l’art, la danse l’ont sauvé » en lui offrant un champ où laisser sa liberté de pensée, ses engagements s’exprimer. Par le pouvoir de la danse, il affirme, revendique ses origines marocaines, tout en dénonçant la société marocaine prisonnière de ses paradoxes et de ses tabous.
Chorégraphier les visages contrastés de la société marocaine
Un rideau rouge. Sur la scène, une ligne rouge centrale comme un frontière entre deux espaces, l’un blanc, vierge, l’autre strié de zébrures rouges. Le vent du sud se lève et la magie de ces poupées marocaines s’empare des spectateurs venus en nombre assister à la représentation publique.
Dès les premières notes de musique, sur un rythme mécanique, presque industriel une femme prend son envol. Elle porte le costume traditionnel de la région de Houra, costume que les femmes portent pour afficher leur liberté et leur indépendance. Au centre de la scène, suivant la ligne rouge, un homme s’avance et se dresse devant un public médusé par cette voix aux intonations évoquant une lecture coranique. A droite de ce chaman, trois “marrakech toys“ se tiennent immobiles. Ils sont vêtus de tenues étranges, avec une capuche sur la tête pour rappeler les uniformes des services secrets marocains. Dès les premiers mouvements, ils s’observent, s’épient, se suivent, s’éloignent … dans un ballet robotique.
Dans le deuxième tableau, la modernité succède à la tradition avec des vêtements plus contemporains, plus urbains comme pour marquer les temps, les espaces. Les danseurs arborent fièrement leurs habits de marque (qui sont en réalité de médiocres contrefaçons) pour afficher leur appartenance à la société moderne. Or, en obéissant aux codes vestimentaires actuels, ils deviennent victimes du pouvoir de l’image et du règne de l’apparence.
Troisième et nouveau tableau. Troisième et nouvel espace temps, plus futuriste, presque surréaliste. Les petites poupées sont devenues des super-héros, tantôt boxeur, tortues-ninjas, footballeurs, … Ces super-héros sont aussi prisonniers de leurs supers-tenues et, quand ils l’enlèvent, ils ne leur restent qu’une seule richesse : leur corps.
"Marrakech toys", un message d’amour adressé au Maroc
Dans ce jeu entre liberté affichée et une réalité moins flatteuse, l’onirisme triomphe dans un tourbillon de gestes et de costumes. Khalid Bengrhib aime passionnément le Maroc et "Marrakech toys" est un cri d’amour à son pays, dont il décrit l’évolution actuelle entre tradition et modernité, entre fierté et tabous. Avec ses danseurs, il dénonce les méandres d’une société soumise au pouvoir de l’argent, où le plus fort triomphe des plus faibles. Cet engagement lui vaut le sobriquet de "scorpion" par le Gouverneur de Casablanca. Pourtant, les faits sont là : le Maroc est aujourd’hui un des hauts lieux du tourisme sexuel.
Le spectacle terminé, les applaudissements sont chaleureux. Khalid Benghrib, très humblement remercie ses danseurs, le public. Avec "Marrakech toys", il questionne, nous interpelle sur son pays, partagé entre fierté et principe de réalité. Parce que Khalid Benghrib est né sous l’étoile de la générosité et de la gentillesse, il engage un échange avec les spectateurs sur son parcours, ses engagements et toutes les influences qui l’ont inspiré depuis décembre 2004 quand la chorégraphie "Marrakech toys" est née.
Le studio se vide. La compagnie 2k-far repart à Casablanca dès le lendemain. Chacun rentre chez soi ému, bouleversé, partagé entre la magie du ballet et la violence du message. La beauté du Maroc avec ces sites paradisiaques de cartes postales semble bien loin.
Rachel Goasdoué
Photos : Patrice Molle
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