Chronique Opéra
« Macbeth  » au Covent Garden de Londres : le pouvoir jusqu’à la démence !
Le Covent Garden de Londres vient de reprendre une production du «  Macbeth  » de Verdi, coproduite avec l’Opéra de Paris, où elle avait été créée en 1999. La mise en scène de Phyllida Lloyd repose sur une dramaturgie de l’enfermement. La cinéaste avait déjà proposé une variation sur le thème du pouvoir dans son film "La dame de fer" avec Meryl Streep, autour de la figure de Margaret Thatcher.
Macbeth est une tragédie de l’ambition, qui enferme progressivement les protagonistes dans la folie et l’aveuglement.
Parfois, on a le sentiment qu’il sculpte le silence, pour mieux mettre en valeur des accords particulièrement troublants.
Macbeth est une tragédie de l’ambition, qui enferme progressivement les protagonistes dans la folie et l’aveuglement. Le décor de Anthony Ward est extrêmement sombre et illustre ce délire du pouvoir. Les époux Macbeth, comme prisonniers d’eux mêmes, sont enfermés par des grilles. Parfois, cet espace s’ouvre sur le fond du plateau et laisse entrevoir les crimes qui ont permis l’accès au trône, ou les fantasmes du monarque, comme l’image spectrale démultipliée d’un roi à cheval, recouvert d’or, qui traverse la scène durant la seconde rencontre avec les sorcières. Ces dernières sont ici des figures du destin, véritables démiurges du drame. Elles apparaissent à des moments clefs de l’action, ou dévoilent des éléments symboliques, comme cette couronne, d’un or qui brille de mille feux.
Elles sont vêtues de tenues rouges, qui tranchent avec l’austérité ambiante. Plus le couple chemine dans sa folie destructrice, plus chacun d’eux porte des vêtements clinquants, et qui brillent, pour mieux souligner l’aspect illusoire de leur obsession. Lady Macbeth affirme, dans une aria hallucinée, que l’on n’a rien à craindre des morts, qui ne connaissent qu’un requiem, l’éternité. Une image paradoxale et troublante les représente parmi une multitude d’enfants sur un lit, peu de temps avant que tout ne bascule, avant la scène de somnambulisme. Pendant le prélude orchestral, la femme du tyran prend un bain, une solution radicale pour se laver de la culpabilité qui la ronge, elle qui, alors qu’elle perd la raison, se fixe sur une tâche de sang qu’elle a sur la main, et qu’elle ne parvient pas à effacer. La fin exhibe un Macbeth supplicié, victime de son ambition : il apparaît crucifié, durant le chœur final.
Antonio Pappano : un orfèvre des sons
Antonio Pappano est directeur musical du Covent Garden. On lui doit, avec le même orchestre, un enregistrement d’anthologie de « Tristan et Isolde » de Wagner, paru chez EMI, en 2005. Sa direction est fiévreuse et riche en nuances. Parfois, on a le sentiment qu’il sculpte le silence, pour mieux mettre en valeur des accords particulièrement troublants.
Les interprètes lui répondent, en un fascinant dialogue, et sont complètement habités. Ils explorent, de manière vertigineuse, les mécanismes d’un pouvoir qui sort de ses gonds. La soprano ukrainienne, Liudmyla Monastyrska, prête une voix ample, évoluant de sonorités caverneuses à des aigus tourbillonnants et aériens pour construire une Lady Macbeth électrisante et tourmentée.
A ses côtés, Simon Keenlyside, Wozzeck d’une bouleversante humanité en 2008 à l’opéra Bastille, incarne un monarque saisissant pétri de contradictions. Il est sanguinaire et fragile, angoissé face aux prédictions des sorcières, profondément humain. Il apporte d’inquiétantes couleurs à une réplique issue de la pièce de Shakespeare, traduite en italien, « C’est l’histoire d’un pauvre idiot, de bruit et de fureur, qui ne signifie rien », juste après la mort de son ambitieuse épouse. Le ténor Dimitri Pittas, l’un des deux ducs de Mantoue du mémorable « Rigoletto » mis en scène par Eric Génovèse à Bordeaux en 2007, est un Macduff plein d’énergie et de ferveur, l’une des figures lumineuses de cet opéra, qui en accélère le dénouement.
Londres aime l’opéra. Le même soir, ce 27 mai, l’English National Opera proposait une Damnation de Faust de Berlioz, traduite en anglais, dans une mise en scène du cinéaste Terry Gilliam, ex-Monty Python .
Christophe Gervot et Alexandre Calleau
Photo Macbeth@Clive Barda
Photo Covent Garden@Alexandre Calleau
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