Film d’animation français
Jouer à se faire peur, en noir et blanc
Si vous aimez frissonner, si vous êtes amateur de noir et blanc et d’univers étranges, le film d’animation "Peur(s) du noir ", sorti en salles récemment, vaut assurément le coup d’oeil. On y découvre là une œuvre collective très originale, sorte de variation à six mains autour d’un thème commun : les peurs.
On y croise toutes sortes de peurs, qui en disent long sur nous et notre monde
Peur(s) du noir réunit plusieurs caractéristiques plutôt originales : voilà un film d’animation collectif, qui fait la part belle au graphisme en noir et blanc, et qui s’adresse spécifiquement à un public adulte ou adolescent. Oeuvre collective, il nous fait entrer dans les univers graphiques de six auteurs de BD ou illustrateurs reconnus, Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre di Sciullo, Richard McGuire et Lorenzo Mattotti, qui traitent, chacun à leur façon, des peurs qui nous habitent. Et ce de façon très convaincante…
Variations sur le thème de la peur
Dès le générique, le ton est donné à l’aide d’une musique expressive et inquiétante qui souligne les effets visuels des lettres et des mots qui apparaissent et disparaissent successivement sur l’écran en nous laissant une drôle d’impression.
Toutes sortes de peurs sont illustrées par les auteurs dans ce film, et pas seulement la bonne vieille peur du noir. Bêtes féroces, insectes, métamorphose du corps, fantômes, médecins inquiétants, maison hantée, bestioles baignant dans le formol… voici un petit aperçu non exhaustif des peurs qui parcourent le film et donnent corps aux différentes histoires. Chaque auteur a ainsi choisi d’aborder une ou plusieurs peurs qui lui étaient personnelles ou qui l’inspiraient pour le film, en veillant à ne pas faire de répétitions. La multitude des peurs ainsi abordées est assez impressionnante, de quoi vous empêcher de dormir la nuit, et cela donne des histoires aussi riches que variées.
On y croise des peurs ancestrales comme celles du noir, des monstres et de l’inconnu, des peurs devenues classiques comme celle des fantômes et des maisons hantées, mais aussi des peurs plus modernes, qui toutes en disent long sur nous et notre monde. La séquence imaginée par Pierre di Sciullo aborde ainsi le thème des peurs sociales engendrées par notre société moderne et la confrontation à d’autres sociétés. On y entend une voix, celle de Nicole Garcia, nous confier ses peurs tout au long du film, en commençant par : “J’ai peur d’avoir du mal à démontrer la supériorité de la civilisation occidentale à un villageois afghan qui regarderait la télé avec moi.”
le film nous fait traverser l’univers graphique et l’imaginaire de chacun des auteurs, déclinés dans les différentes nuances du noir et blanc.
Des univers graphiques différents
Conçu dès le départ comme une œuvre à six mains, ce film est le résultat d’un gros travail d’équipe entre les auteurs, qui viennent pour beaucoup de l’univers de la BD, les scénaristes et les équipes travaillant sur l’animation.
Composé de six histoires qui se suivent ou s’entrecoupent, le film nous fait traverser l’univers graphique et l’imaginaire de chacun des auteurs, déclinés dans les différentes nuances du noir et blanc. On passe ainsi du coup de crayon sombre et agité de Blutch et d’une ambiance très XVIIIème aux effets géométriques abstraits de Pierre di Sciullo, du dessin poétique et sensible de Lorenzo Mattotti au dessin très graphique et tranché de Richard Mc Guire. Celui-ci utilise une technique de dessin qui met en valeur les formes simples et les motifs, jouant parfaitement avec le noir complet comme toile de fond, sur laquelle un rond de lumière projeté par une bougie va révéler une toute petite partie de la scène. Effet de surprise graphique garanti.
Parmi ces dessinateurs aux styles très affirmés et très différents, celui de Marie Caillou est plutôt inattendu. Son style rond et apparemment enfantin, influencé par le Japon et les Mangas, semble a priori peu adapté à une telle thématique. Ses couleurs sont aussi plus douces, peu de noirs tranchés, plutôt des dégradés de gris. Elle parvient cependant parfaitement à susciter des angoisses chez le spectateur, usant habilement du montage pour créer des effets de surprise et de personnages parfaitement inquiétants, tel le médecin à la seringue.
Avec des auteurs si différents et des histoires si variées, la difficulté était de parvenir à un ensemble cohérent et d’éviter l’effet catalogue. On en ressort avec une impression d’unité due au montage qui entrelace les histoires et met en valeur leur thématique commune. Pari gagné, donc, pour ce film d’animation à la fois personnel et collectif, qui sort des sentiers battus et procure des plaisirs aussi émotionnels que graphiques.
Emilie Le Moal
Le site du film
Le Katorza, cinéma d’Art et Essai de Nantes
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