Du bronze pour l’Age d’Or
The Queen Elisabeth prend l’eau
Tragique destin pour celui qui croise sur son chemin, la "Reine Vierge"… Le spectateur qui rencontre Elisabeth Ière devra, lui, prendre son mal en patience. Sorti le 12 décembre, "Elisabeth : l’Age d’Or", second volet d’une trilogie prévue et réalisée par Shekhar Kapur, peine à convaincre par son récit trop romancé.
Qu’il est long le règne d’Elisabeth, reine d’Angleterre et d’Irlande ! S’étendant de 1558 à 1603, la période élisabéthaine a de quoi inspirer. Dans l’intention de réaliser une trilogie, le cinéaste Shekhar Kapur a déjà dédié à la "Reine Vierge", un premier long métrage, Elisabeth, sorti en 1998. Le second film, Elisabeth : l’Age d’Or retrace la période s’étendant de 1585 à 1588.
Un film qui part dans tous les sens
En l’espace de deux heures, de nombreux grands thèmes qui ont marqué ces trois années sont évoqués : la réforme anglicane, les complots de Marie Stuart et de Philippe II d’Espagne, la piraterie, la conquête du Nouveau Monde, la défaite de l’Invincible Armada et surtout les responsabilités politiques d’une reine ne pouvant faire confiance qu’à elle-même.
Mais il y a beaucoup trop de thèmes abordés pour qu’ils soient totalement exploités, notamment la débâcle de l’Invincible Armada dont la préparation de la flotte s’étend tout le long du film et dont le combat final est réglé en quelques minutes. Le pire réside sans doute dans la relation pseudo-romantique entre la Reine et Walter Raleigh (Clive Owen), à la manière d’une Angélique et d’un Geoffrey : ils se tournent beaucoup autour mais ne se trouvent jamais. Cette relation est beaucoup trop romancée et occupe une place trop importante au regard des complots et missions politiques qui se déroulent en même temps.
C’est ici que règne la difficulté de faire revivre un personnage historique :un doute s'immisce dans l'esprit du spectateur.
Enfin, si le casting est alléchant avec Cate Blanchett, Geoffey Rush ou Clive Owen, les seconds rôles semblent disparaître, sans dégager de véritable présence à l’écran. Si la performance de Cate Blanchett est indéniable, la plupart des comédiens paraissent perdus. Clive Owen, à la proue de son bateau, part à la guerre plein d’entrain ; mais devant un décor de synthèse passable, et face à une immense flotte, il est difficile de convaincre et surtout d’y croire. Qu’on se rassure : à lui tout seul, il va faire couler une dizaine de navires.
Parti pris
Le réalisateur impose quelque peu sa lecture du règne. Certes, l’Angleterre est touchée par la prospérité qu’apportent les nouvelles conquêtes et par une activité littéraire et artistique brillante (Shakespeare, Francis Bacon [1]) qui est d’ailleurs absente du film. Le cinéaste reste focalisé sur la grandeur du règne sans de véritable interrogations sur ce que furent les répressions féroces contre l’Irlande et les révoltes populaires catholiques.
A vouloir se concentrer uniquement sur son héroïne, il finit par la sacraliser : de longs plans sur une reine en armure, telle Jeanne d’Arc, face à une mer déchaînée détruisant la flotte espagnole, ou des scènes oniriques d’Elisabeth drapée de blanc marchant au ralenti dans l’herbe. Le film tourne ‘autour de’ et ‘pour’ Elisabeth. Ainsi, les montages parallèles du complot de Philippe II et les scènes d’enfermement de Marie Stuart, déséquilibrent le récit. Difficile pour le spectateur de comprendre la totalité des enjeux du film : portrait politique ou romancé d’une reine pas comme les autres ?
C’est ici qu’apparait la difficulté de faire revivre un personnage historique. Un doute s’immisce dans l’esprit du spectateur non averti : la difficulté de distinguer, à travers ce film, qui était vraiment Elisabeth Ière , et quelle est la manière dont Shekhar Kapur souhaitait la présenter...
La phrase finale "…sous le règne d’Elisabeth, l’Angleterre connut la paix et la prospérité" ne convainc pas davantage. Au regard des choix de scénario, de réalisation, de montage, le spectateur, lui, va connaître l’ennui.
Léna Le Troadec
[1] Le philosophe anglais du 16°s bien sûr, et non pas son homonyme, le peintre irlandais du 20°.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses