Avignon, les bonnes surprises du festival off : Dans la solitude des champs de coton
A l’écoute d’un texte
Parmi les centaines et les centaines de spectacles du festival d’Avignon off, il n’est pas toujours facile de s’y retrouver, et encore moins de dénicher des pièces de qualité. « Dans la solitude des champs de coton  », pièce de Bernard-Marie Koltès mise en scène par la compagnie de la Soufflerie, figure au nombre de ces dernières : le texte, d’une beauté et d’une force exceptionnelles, est servi par une mise en scène efficace et des acteurs magistraux. Rencontre avec des artistes audacieux...
Essayez de résumer Dans la solitude des champs de coton : vous n’y arriverez pas. Dire qu’il s’agit d’un dialogue tendu entre un dealer et un client, c’est paraphraser le texte, c’est passer à côté. Car ce texte est fait, comme le souligne Nicolas Dérieux, le metteur en scène, d’une « accumulation d’images, de métaphores » ; et, de fait, cette relation dealer - client peut être interprétée comme la métaphore de toute relation humaine. A cette difficulté de sens, il faut en ajouter une autre, de forme : les répliques sont très longues, elle s’étendent souvent sur plusieurs pages. On comprend dès lors que la tâche du metteur en scène - comme celle des comédiens, est ardue...
le metteur en scène est là pour éclairer les choses
Une mise en scène au service du texte
Pour restituer toute la force d’un tel texte, Nicolas Dérieux, le metteur en scène, a choisi de « laisser parler le texte ». Cela rejoint d’ailleurs sa conception de la mise en scène : pour lui, « le metteur en scène doit s’effacer pour laisser la place au texte ; le metteur en scène est là pour éclairer les choses ». Cette façon de penser la mise en scène se retrouve sur le plateau : les deux comédiens - le client et le dealer - se donnent la réplique dans une voiture pendant toute la pièce. Pour N. Dérieux, cela permet de concentrer toute l’attention des spectateurs sur le texte. Même si un tel dispositif scénique demande beaucoup de concentration de la part du spectateur, il faut reconnaître que l’idée est plutôt efficace : la lutte engagée entre ces deux personnages enfermés dans une voiture acquiert une efficacité, une violence particulièrement intenses.
Le dur métier de comédien
Les comédiens enfermés dans une voiture : cela implique une quasi absence de mouvements physiques - ce qui, au théâtre, n’est pas toujours facile à accepter, aussi bien pour le metteur en scène et les acteurs que pour les spectateurs ; pour Nicolas Dérieux, cette position statique des acteurs est un élément précieux de la mise en scène : « cela fait bouger les choses dans l’imaginaire », explique-t-il. Pour les comédiens, cette situation n’est pas très facile à vivre : « Nous sommes dans une bulle, témoigne Philippe Sivy (le dealer). Nous ne voyons rien et n’entendons rien. ». Face à cette étrange situation, ils doivent « trouver d’autres repères, intégrer le fait d’être enfermés », poursuit le comédien. « Nous devons avoir notre propre façon de bouger, de trouver l’aisance physiquement. »
Alors, quelle arme ?
« Alors, quelle arme ? » : c’est par cette question du client au dealer, à la fois énigmatique et terriblement lourde de sens, que se termine la lutte verbale tendue, violente, qui oppose les deux personnages de la pièce. Un puissant vrombissement, signifiant le bruit d’une voiture qui démarre, emplit l’espace sonore. Le rideau se ferme, les comédiens viennent saluer le public - lequel ne se montre pas avare en applaudissements. Le long du couloir qui mène à la sortie du théâtre, les commentaires des spectateurs montrent qu’ils ont été vivement impressionnés par la force du texte de Koltès, le jeu des acteurs et la mise en scène de Nicolas Dérieux - et c’est là, sans doute, la preuve la plus marquante de la réussite du spectacle.
Gaël Montandon
Bloc-Notes
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