Le Théâtre des Cerises et sa Nonne Sanglante
Musique, Grand guignol et queues de cerises...
Si vous ne connaissez pas encore le Théâtre des Cerises, il est grand temps de vous y mettre. Génial, musical, infernal, chantant, roulant, dansant, sanguinolent, grinçant, tordant, fantaisiste, hétéroclite, savoureux, délicieux, subversif et drôlissime ... Les adjectifs se bousculent. Courez donc voir La Nonne Sanglante au Théâtre Universitaire. Ce n’est qu’ainsi que vous pourrez découvrir LA jeune troupe nantaise qui gravit les échelons et gagne ses galons aussi sà »rement qu’elle a du talent.
Après le génial opéra Le Moine (qui sera repris au théâtre Graslin les 16, 17 et 18 mars) et l’ubuesque vélodrame Je vous salue Jarry, voici la très attendue Nonne Sanglante, dernier volet du triptyque l’Enfer des Cerises. Aidé et soutenu de toutes parts (résidence au TU, costumes d’Angers-Nantes Opéra, décors par les ateliers de la MCLA, excusez du peu !), les Cerises voient enfin leur travail récompensé et reconnu. Ce nouveau spectacle semble être la quintessence de l’esprit cerisien, génial autant que passionnant, qui s’attache à faire du « théâtre musical » une marque de fabrique qui a rarement été aussi bien portée.
Rencontre avec Thomas Canonne, auteur, metteur en scène et comédien, et Lisa Paul, assistante à la mise en scène et comédienne :
Comment est né le Théâtre des Cerises ?
Lisa : Ça a commencé au lycée, on était en terminale tous les deux.
Thomas : On a fusionné : on avait deux troupes chacun de notre côté, on a décidé de faire un truc ensemble. C’était une sorte de collectif d’amis et d’artistes pluridisciplinaire : on jouait tous, on faisait déjà de la musique, mais aucun de nous n’était comédien , ni ne voulait le devenir d’ailleurs. On voulait faire un truc assez riche et fantaisiste.
On a monté quelques pièces pour faire nos armes, et un parti pris est arrivé assez vite : c’était de faire la musique nous-mêmes. Comme il y avait déjà pas mal de gens qui étaient musiciens, on a d’abord décidé de jouer la musique, et ensuite de la composer, tant qu’à faire ! Donc on s’est vite lancé dans le théâtre musical en fait. Un univers a commencé à se créer, et comme on avait un peu la folie des grandeurs, on a décidé de faire un opéra ; et ça a donné Le Moine. Je l’ai écrit en 2000. Ensuite on l’a répété un mois, et on l’a joué.
Comment travailliez-vous à l’époque ?
Thomas : Au début on faisait des espèces de résidences d’été au Pouliguen, c’était un peu notre labo. Et puis on est parti faire du théâtre de rue.
Lisa : On est parti à quinze, à vélo, pendant un mois, avec des carrioles ! On a fait toute la côte entre Royan et St Nazaire. On a monté le spectacle en dix jours, sur la plage et sous la pluie ! Et puis on a pris les vélos, on est parti et on jouait là où on arrivait. C’était bien.
Thomas : Depuis il y a toujours beaucoup de choses qui roulent dans nos spectacles... ! C’était la première mouture de Je vous salue Jarry.
Un univers a commencé à se créer, et comme on avait un peu la folie des grandeurs, on a décidé de faire un opéra
Que s’est-il passé ensuite ?
Lisa : On était tous étudiants et comme Le Moine marchait, on a été confronté un jour au choix de la professionnalisation. Ca nous demandait plus de temps et certains faisaient leurs études dans d’autres villes. Donc il y a eu un jour où le choix a dû se faire pour chacun. Moi à ce moment-là j’étais au conservatoire à Nantes, et plein de gens avaient très envie de venir jouer dans Le Moine ! Donc les gens se sont remplacés au fur et à mesure.
Thomas : Il fallait quand même qu’ils soient musiciens et c’était important dans l’idée de troupe qu’il y ait des affinités sympathiques et artistiques.
Lisa : Il fallait que les comédiens soient convaincus du truc parce qu’on a pas tout de suite été payé, il y a plein de choses qu’on fait bénévolement et ça demande des personnes engagées.
Comment avez-vous fonctionné pour l’écriture musicale sur La Nonne Sanglante ?
Thomas : Ca reste une musique de théâtre qui ne s’écouterait pas sur disque, donc d’un spectacle à l’autre elle est complètement différente, et nous aussi nos envies évoluent ; là on avait envie de sons plus rock, plus électriques. On s’est amusé à jouer avec les codes musicaux des films d’horreur, avec le cliché du hard rock pour le diable...
Lisa : Il y a vraiment un équilibre entre le collectif et la direction ; tant dans le jeu que pour la musique, les comédiens ont une énorme part de liberté, on est avide de tout ce qu’ils proposent. Pour la composition de la musique, on a commencé par une impro sur le thème de l’épouvante : chacun y va de sa sensibilité et c’est très important. La musique a énormément évolué tout au long de la création, et elle a posé problème au niveau de la distribution des rôles puisque les comédiens sont les musiciens. La distribution a vraiment été un problème mathématique !
Thomas : La musique est aussi une contrainte et il faut faire avec. Et si à un moment on a plus qu’une batterie et un piano, on doit faire avec, et ça peut donner des choses géniales.
Pourquoi avoir fait un triptyque, « L’Enfer des Cerises » ?
Thomas : Le triptyque, c’était un peu notre manifeste formel d’exploration de tout ce qu’on pouvait faire en théâtre et musique : on a fait un opéra (Le Moine), un vélodrame (Je vous salue Jarry) qui était plutôt d’ailleurs une comédie musicale à la Brecht, avec des songs, et puis là avec La Nonne, on explore : parfois on a une vraie chanson, puis du texte et de la musique en fond... C’est à la fois une recherche thématique et une recherche sur la forme ; c’est un peu comme si chaque spectacle était notre réflexion critique sur le spectacle d’avant : il y a des clins d’oeils, ça se parodie, et ça montre aussi notre évolution par rapport à la musique. Dans les trois volets on a l’image de la croix, on a l’ascension ou la chute - la descente aux enfers ! - d’un personnage, ainsi que des récurrences dans la structure dramaturgique. Comme en musique, on fait une suite, puis on s’amuse à faire des variations.
Et quelles sont les variations sur La Nonne Sanglante ?
Thomas : Pour La Nonne, dès le départ on avait des envies ; moi j’avais envie d’explorer le fantastique : le théâtre c’est d’abord le lieu de tous les possibles, plein de magie, où on raconte des histoires. Et avec les comédiens on avait envie de dépasser le schéma musical qu’on avait eu jusqu’alors. A force, la musique devient une béquille, elle nous évite de nous mettre en danger et d’aller plus loin dans le rapport au texte...
Lisa : Et dans la sincérité du jeu.
Thomas : Du coup, dans La Nonne, on a un texte plus dense avec des personnages plus complexes, moins marionnettes ou fanfare de rue.
Nous sommes au lendemain de la première, comment avez vous ressenti les choses ?
Thomas : On a toujours de grosses surprises sur les réactions du public : on redécouvre une facette du spectacle. Par exemple - et à chaque fois on se fait un peu avoir là-dessus - c’est que... c’est drôle. Alors que nous on part sur une tragédie ! Mais on est ravi, les gens ont aimé.
Un peu qu’ils ont aimé ! Mais au fait, pourquoi les Cerises ? Je me suis bien gardée de le leur demander car Lisa Paul et Thomas Canonne auraient sans doute repris une réplique de La Nonne Sanglante : « Parce qu’on chante toute la journée et qu’on nous paye des queues de cerises ! »...
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