Le fromage et les vers récompensé au Festival des 3 Continents
Un documentaire d’une fille sur la fin de vie de sa mère
Montgolfière d’or au dernier Festival des 3 Continents, le documentaire « Le Fromage et les vers  » de la réalisatrice japonaise Kato Haruyo est le récit touchant et sensible d’une fille à l’égard de sa mère à l’orée de sa vie. Tendrement et avec justesse, Kato Haruyo aborde sans détour la vie et la mort pour saisir les instants fragiles.
« Au tout début, quand j’ai commencé à filmer, j’avais une caméra pas très chère. On se rend compte au tout début du film que l’image n’est pas très bonne et le cadrage pas très bien défini, la prise de son est assez médiocre car je ne pensais la filmer que lorsqu’elle allait bien car elle était lourdement malade. Je profitais de ses instants de répit pour la filmer et garder quelques images d’elle. »
« La maladie a pendant un long moment été insupportable, pour elle comme pour moi. Il y avait beaucoup de choses que je ne pouvais filmer car cela faisait beaucoup trop mal. Les quatre premières années, je n’ai pas filmé grand-chose et puis au fur et à mesure, l’expérience aidant, je me suis fortifié pour pouvoir la filmer. Ma mère s’est habituée à la présence de la caméra, cependant j’ai eu plus de matière vers la fin, peu de temps avant son décès. Puis à sa mort, il me fallait quelque chose à filmer, mon personnage n’était plus là. »
« Au début ma mère était très gênée et supportait très mal la présence de la caméra et en général lorsque je la filmais, elle détournait la tête, baissais les yeux et avait tendance à rire un peu nerveusement. Cela se sent au début du film puis au fur et à mesure elle s’est habituée à la présence de la caméra et elle a eu envie de construire ce film avec moi. Elle voulait participer à part entière au film. Elle a du se dire que si elle ne collaborait, cela me mettait un peu en difficulté. C’est pourquoi la seconde partie du film a été beaucoup plus directe, beaucoup plus spontanée et beaucoup plus intime, la caméra est donc devenue un jeu entre nous, c’est pourquoi il y a des plans où ma mère me filme. La caméra a trouvé sa place à force d’expérience. »
Un univers féminin
« On est une famille où il y a beaucoup de femmes puisque mon père est décédé quand j’étais toute petite. Le seul homme de ma famille, c’est mon frère mais il ne vit plus avec nous. Dans les grandes métropoles comme Tokyo, les familles sont plutôt éclatées, les habitats sont petitement constitués alors que moi je vis à la campagne et il reste encore de grandes maisons familiales où cohabitent plusieurs générations. Mais avec l’urbanité, ce phénomène a tendance à se dissiper. »
Cet univers féminin est brillamment retranscrit dans le film par de petites choses partagées au quotidien. « Sur le moment, je n’ai pas trop fait attention à ça mais je crois que j’avais déjà conscience à l’époque à quel point vivre avec ma mère était quelque chose de précieux. Ce que je partageais surtout avec ma mère, c’était de petites choses comme manger ensemble, faire les courses, aller au jardin ensemble... Ce sont des choses quotidiennes que je savais que je ne partagerais pas toute ma vie avec elle. C’est pourquoi, il y a beaucoup de plans fixes sur les choses que je voyais et que l’on voyait ensemble ».
Le Fromage et les vers
« Pour ce qui est du titre du film, ‘le Fromage et les Vers », je me suis rendu compte que ma famille évoluait dans un très petit cycle : on prépare nos repas, on mange, il y a des restes et ils servent à nourrir les vers qui serviront d’engrais. L’engrais fertilisera la terre qui nous donnera les légumes que nous mangerons à nouveau. Dans ce cycle, je me suis rendu compte que le rôle des vers était très important, même si le vers en soi n’est pas très beau, ni très désirable, ni très enviable et en même temps il a un rôle essentiel dans la bonne marche de ce cycle là. Par extension, je me suis dit que le vers était important et qu’il fallait accepter de le voir et de le regarder en face. J’ai mis en parallèle la présence de ce vers dont l’aspect n’est pas très beau et la mort de ma mère que j’aurai pu refuser de voir en face et dans la même démarche, je me suis dit qu’il fallait que j’acceptes de voir ma mère mourir. Il faut que je comprenne pourquoi elle est morte et quel sens cela va prendre dans ma vie. Au même titre que les vers ont un rôle essentiel dans le cycle de vie de notre famille, la mort de ma mère aura joué un rôle déterminant dans ma vie et celle de ma famille. C’est un peu le parallèle entre le vers et la mort ».
Propos recueillis par Pascal COUFFIN
Avec l’aimable participation de la traductrice.
Montgolfière d’or documentaire : "The Cheese and the Worms" (Le fromage et les vers) de Kato Haruyo.
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