FOCUS
Ouverture à Nantes d’une zone de libre-échange franco-japonaise
L’actualité au Japon est telle que les mouvements de solidarité se multiplient. Mais gare à ne pas assimiler tous les projets, liés au Japon, à ces événements dramatiques. Dans ce contexte, l’association Jeunesse France Japon ouvre son local, en plein centre-ville de Nantes et refuse de surfer sur ce climat. Il s’agit d’un espace de libre-échange, en projet depuis plusieurs mois déjà et qui aboutit aujourd’hui. État des lieux.
Les mangas sont déjà là, alignés, comme sacrés, les chaussures, laissées à l’entrée, quelques coussins sont dispersés au sol : deux salles, une à la nippone, une autre plus occidentale, "classique". Ce nouveau local, à la double nationalité et dédié à l’association Jeunesse France Japon, se veut "un espace de libre-échange" entre ces deux cultures. "Cela doit être vu comme un lieu de dialogue où les gens viennent avec leurs projets, leurs idées et envies", commente Lionel Ackah, président de l’association, fraîchement installée.
L'association Jeunesse France Japon se veut un espace de libre-échange entre ces deux cultures
Même si le local paraît encore un peu vide, les idées, elles, ne manquent pas. S’entassent même. Dans les cartons : des ateliers découverte seront proposés tous les samedis avec comme premier rendez-vous, origami. Suivront des tournois de jeux vidéos, de la calligraphie, des cours de japonais, de l’ikebana ou art floral... Mais aussi la création d’un manga café, ou kissaten en japonais. "Notre objectif est de rester accessible afin d’attirer le maximum de personnes, c’est pourquoi nos ateliers seront soit gratuits, soit à un prix abordable comme 5 €, par exemple", souligne le jeune président. Une cinquantaine de personnes est d’ores et déjà mobilisée.
Tout a commencé par une très forte émotion
Mais pourquoi un tel espace ? "Il y a bien sûr l’association historique, Atlantique Japon, installée à Nantes depuis 20 ans et qui a énormément contribué à la création de projets mais aussi au jumelage avec la ville de Niigata. Le problème est qu’ils n’ont pas de local fixe donc pas de lieu de rencontre. On a ainsi pu observer une réelle demande de la part des gens d’avoir un espace comme celui-ci, ouvert".
Tout a commencé par une très forte émotion, suscitée par un échange interculturel entre deux troupes de danse. En octobre dernier, dans le cadre d’Itinéraires Nantes Japon, la troupe Soh-Odori, venue de Niigata, rencontre la troupe nantaise Alliance Crew. "Tous les jeunes ont été très émus par cette rencontre, sans pouvoir réellement échanger". La barrière de la langue n’a pas suffit et les jeunes Nantais, devenus Odori Unity ou l’union par la danse, sont restés en contact, via Skype, avec leurs homologues Japonais. "Un vrai lien s’est tissé". L’idée d’un espace de rencontre et de diffusion des deux cultures germent, soutenu par le producteur de Soh-Odori, Takeshi Noto, qui finance alors le local.
Génération Club Dorothée
Même si l’association touche, comme tout bon jeu de société, de 7 à 77 ans, la majorité des bénévoles sont étudiants ou jeunes actifs. Et tous entretiennent, plus ou moins, une relation personnelle au Japon. "Je qualifierais cette relation d’indirecte : je suis de la génération Club Dorothée. Tout ce que je faisais, alors, avait trait à la culture japonaise, du karaté, dès 7 ans, aux jeux vidéos", commente Lionel Ackah. "Il y a quelques années, j’ai participé à un stage de Go (échecs japonais), en France, avec de grands maîtres japonais et j’ai été extrêmement frustré de ne pas pouvoir leur parler, d’échanger avec eux. Donc, j’ai décidé de me mettre au japonais en passant l’option au bac". Et depuis, l’étudiant de 22 ans a profité du jumelage Nantes-Niigata pour y passer un an.
Non loin, en pleine lecture d’un manga - bien sûr -, Ludovic, 25 ans, avoue ne pas parler un mot de japonais. Enfin, peut-être un mot ou deux... Pour lui, le Japon rime avec jeux vidéos. "J’ai eu, très jeune, plusieurs consoles de jeux entre les mains. C’est une véritable passion que je souhaite partager". Il endosse alors, en toute logique, le costume de responsable de la section jeux vidéos, au sein de l’association. Attention, le sujet est sérieux. "80 % des développeurs de bons jeux vidéos sont japonais, dont Namco, Capcom ou Konami pour les principaux." Et de citer, comme références, Street Fighter 4 ou encore Super Mario. "Il y a une forte communauté de gamers à Nantes à rassembler autour de soirées vintage, avec de vieilles consoles type Gameboy, ou dernier cri avec la technologie Kinect". Un véritable voyage dans le temps.
Geoffrey, lui, est là pour voir ce qu’il peut apporter à l’association. Étudiant en LEA anglais/japonais à l’Université, il aimerait s’impliquer au niveau artistique et faire s’intéresser un maximum de personnes au théâtre ou encore à la musique japonaise. Parmi ses envies, pouvoir jouer du Shamisen, cette petite guitare utilisée par les Geishas, à l’ère Edo. "Le Japon est aujourd’hui essentiellement connu pour sa langue, ses jeux vidéos et ses mangas. Il faut savoir que la France est le premier pays consommateur de mangas. Des stéréotypes que certaines personnes n’’arrivent pas à dépasser alors que la culture nippone est très riche", explique-t-il.
On ne veut pas profiter de la catastrophe au Japon pour se faire de la pub gratuite sur notre association.
Actualité oblige
Même s’ils refusent de surfer sur l’actualité et faire un "bon coup de pub gratuit", ces jeunes ne sont bien évidemment pas indifférents à ce qui secoue le Japon. "Je pense aux Japonais, qui doivent être très stressés, sans savoir si demain ils pourront toujours boire de l’eau du robinet, manger... Ils ont besoin de soutien", commente Lionel Ackah. Ludovic, lui, est lucide par rapport à sa capacité d’action : "Je ne vais pas pouvoir faire grand chose avec mes jeux vidéos". Mais demeure surpris par la mobilisation des Nantais depuis la catastrophe. "Et c’est loin d’être terminé puisque nous nous dirigeons vers une catastrophe écologique sur le long terme..."
Depuis Nantes, cela donne un espace ouvert à tous, symbole de l’amitié franco-japonaise. Si précieuse actuellement.
Caroline Dubois
Infos
Local de l’association au 5, place du Commerce, Nantes (deuxième étage) ; Espace France Japon ouvert de 10h à 18h du lundi au vendredi. Weekends réservés aux ateliers et autres activités.
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses