Avoir 30 ans en 2011
Emilie : « Le conte du comptoir  »
De la Westminster University au Bistro de Troyes
Ce n’était pas prévu. J’ai même tout fait pour que cela n’arrive jamais et pourtant j’ai repris « Le Bistrot  » de mes parents. Grâce à moi, la tradition familiale continue, et ce, à mon plus grand bonheur.
Dans ma famille ils sont tous tenancier de bars, de génération en génération. Je m’étais jurée, tout comme mon père l’avait fait à l’époque, de ne jamais reprendre « Le Bistrot » ou tout autre bar. Pour échapper à la caste familiale, j’avais fait un point d’honneur à suivre des études et travailler dur pour avoir un poste à responsabilité et devenir une « business woman ».
La vie à Troyes, c’est pas pour moi !
J’ai quitté réellement Troyes pour ma licence. Après celle-ci, je suis partie à Londres. Ma vie à Londres et mes voyages précédents étaient comme un pied de nez au destin. Non ! Je n’allais pas rester cloîtrée à Troyes derrière un comptoir ! J’y habitais depuis plus de 4 ans quand j’ai décidé de reprendre mes études en cours du soir. Mon poste dans l’administration anglo-saxonne me le permettait. J’étudiais pour préparer mon diplôme en marketing et communication à la « Westminster University ».
Au moment de choisir le sujet de mon mémoire, « Le Bistrot » m’a paru être une évidence... A chaque fois que je retournais voir mes parents sur Troyes, je voyais cet établissement dans lequel j’ai grandi (et qui à l’époque marchait du « feu de Dieu »), s’ensevelir année après année. Pourtant, il y avait un potentiel évident ! Un potentiel qui s’est confirmé quand mes parents m’ont annoncé que nos voisins photographes avaient fait faillite et qu’ils revendaient le fond de commerce à un prix défiant toute concurrence. J’ai travaillé corps et âme sur mon mémoire et parallèlement, depuis Londres, je commençais à aider concrètement mes parents, au travers d’actions de communication, en créant de nouvelles cartes... Je me suis prise au jeu, jusqu’au jour où mes parents nous ont proposé à mon ami et moi de reprendre l’établissement.
« J’ai dis oui presque instantanément »
Malgré mes fortes convictions et le sentiment de faire marche arrière en revenant en Champagne-Ardenne, je n’ai pas le souvenir d’avoir hésité. J’ai dit "oui" presque instantanément en ayant quand même très peur et en me demandant régulièrement si nous avions pris la bonne décision.
Au revoir les copains ! Adieu la sécurité de l’administration et les 40 jours de congés payés ! Fini les boites de nuit londoniennes !... Une page allait se tourner. Pour moi, c’est là que c’est fini l’insouciance de ma jeunesse, les choses sérieuses allaient commencer…
Comment redynamiser le lieu ? Par où commencer ? La culture bar évoluait. En France, les bars fermaient les uns derrières les autres (170 000 licences perdues en 10 ans) mais j’y croyais ! « Le Bistrot » était différent, ce n’était pas qu’un bar. C’était aussi un restaurant, avec une équipe compétente et surtout une position géographique stratégique et un cadre défiant toute concurrence : un immense jardin exposé plein sud à l’abri du vent : l’ « Eden » du « Bistrot ».
On a retroussé nos manches pour amorcer le « relooking ». On a commencé par le nom (« Le Bistrot » avec sa typo classique devient « Au Bistro » au design plus arrondi avec une mappemonde en guise de "O"). Les choses se sont enchainées plus au moins rapidement : la charte graphique, le concept avec des programmations de concerts, la décoration avec des travaux et l’agrandissement via l’ancien magasin de photos. On a revisité les menus : on voulait une cuisine traditionnelle mais aussi des recettes plus modernes aux saveurs du monde…
Le talon d’Achille du « Bistrot » était la fréquentation les soirs de week-end. Pour redynamiser le bar et le restaurant, nous programmions des concerts tous les week-ends en investissant parfois de grosses sommes d’argent sans savoir si nous allions rentabiliser la soirée. C’est une période pendant laquelle j’ai perdu beaucoup de poids, j’angoissais énormément et j’avais peur du bar vide, de la « loose » quoi ! Les débuts ont été durs. Je me souviens d’un samedi soir de juillet 2008 : 2 couverts au restaurant, 3 piliers au bout d’un bar jauni par 20 années de cigarettes : je suis devenue serveuse et mon ami barman... On se croirait dans un polar !
Au revoir les copains ! Adieu la sécurité de l'administration et les 40 jours de congés payés ! Fini les boites de nuit londoniennes !
La communication a été pour beaucoup dans notre réussite : Internet avec le site http://www.tousaubistro.com (mis à jour régulièrement avec vidéos, newsletters, envoi des menus…), les prémices du réseau social « Facebook » que j’utilisais déjà sur Londres et le référencement, le plus souvent possible, de nos concerts sur la toile. Je me chargeais de la communication : création des affiches, flyers…
« J’avais juste hâte de montrer à tout le monde ce que « Le bistrot » allait devenir »
La conjoncture n’a pas facilité notre travail. C’était le début de la "crise". Nous avions acheté le local adjacent mais n’avions pas les financements pour réaliser les travaux et pourtant le loyer devait être payé tous les mois. C’était dur ! A l’époque, nous pensions qu’il y en avait que pour quelques mois, au final cela a pris 2 ans avant que l’agrandissement prenne forme. Au bout d’un an de travail acharné, ne voyant aucun financement arriver, nous avons pris le taureau par les cornes et avec l’aide d’une bonne bande de potes nous avons décidé de rénover le bar nous même pendant la semaine de fermeture annuelle au mois d’août. La façade était toujours la même, l’établissement n’étais pas plus grand mais au moins le cadre nous correspondait. Ça a fait du bien au moral !
Malgré certains moments de doutes, nous sommes restés confiants. J’ai toujours porté le concept en moi. J’avais juste hâte de montrer à tout le monde ce que « Le bistrot » allait devenir. Tout cet investissement personnel et cette ligne directrice nous ont permis de garder la tête en dehors de l’eau. Nous sommes passés du petit bar de quartier à un endroit en vogue. Aujourd’hui le « Bistro » est un lieu connu et reconnu. C’est un restaurant design et chaleureux et une des plus belles scènes musicales à Troyes. Nous avons 700 abonnés à la newsletter sur notre site internet. Les médias locaux ont affiché un grand intérêt pour notre parcours. Nous sommes une équipe de 8 employés, soudée et dynamique !
Je suis complètement passionnée par mon travail et heureuse de pouvoir continuellement créer et innover.
L’avenir je l’envisage avec de nombreux projets tant professionnels que personnels. Constamment améliorer et renouveler le « Bistro », ouvrir d’autres affaires dans le domaine de la restauration et le plus gros défi qu’il soit : devenir une maman !
Lucie Bouchereau
Bloc-Notes
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