Rencontre
Jean François Sivadier met en scène "Madame Butterfly"
Jean François Sivadier reprend sa mise en scène de « Madame Butterfly  » de Giacomo Puccini à L’opéra de Dijon à partir du 24 septembre. Ce spectacle a été créé à l’opéra de Lille en mars 2004, avant d’être repris la même année à Angers Nantes Opéra. Jean François Sivadier répond à nos questions sur cette reprise, de ce qui fut sa première mise en scène d’opéra.
Fragil : « Madame Butterfly » est le premier opéra que vous avez mis en scène en 2004 à Lille, Nantes puis Nancy. Vous reprenez ce spectacle à Dijon, avec une distribution entièrement renouvelée. Comment aborde-t-on une œuvre pour la seconde fois, à plusieurs années d’intervalle ?
Jean-François Sivadier : Liliana Mattei, qui interprète Suzuki, était déjà là en 2004. C’est à la fois le même spectacle et en même temps, c’est très différent. J’ai monté depuis trois opéras et j’ai forcément un peu changé. Ce n’est pas vraiment une nouvelle création mais j’essaie de corriger ce que je pensais n’avoir pas totalement accompli il y a six ans. C’était ma première mise en scène d’opéra et je découvrais les chanteurs. J’ai le sentiment de mieux savoir aujourd’hui comment ils fonctionnent. C’est comme quand on relit un livre six ans après. C’est toujours le même livre mais nous ne sommes plus les mêmes.
C'est un opéra qui parle de la puissance de ce à quoi on peut croire. L’héroïne porte en elle un absolu qui fait presque peur.
Fragil : Que représente pour vous cet opéra de Puccini ?
J-F-S : Il ne débute pas comme une tragédie mais Madame Butterfly est une figure tragique, une figure de l’attente comparable à Electre face à Oreste. Quand elle cesse d’attendre, elle se tue. C’est un opéra qui parle de la puissance de ce à quoi on peut croire. L’héroïne porte en elle un absolu qui fait presque peur. A l’acte II, elle chante un air plein d’espérance et parvient à inverser l’atmosphère du plateau. Ce n’est pas un mélodrame et il faut gommer tout pathétique. Il y a en revanche une brutalité très forte des comportements. Par delà le défi de l’Amérique face au Japon, l’œuvre illustre deux façons de voir le monde à travers deux personnes.
Fragil : Comment envisagez vous la direction d’acteurs à l’opéra ?
J-F-S : C’est comme au théâtre et en même temps très différent. Je mets en scène la musique, la confrontation du corps de l’acteur avec la musique. Au théâtre, le corps est traversé par une écriture. L’expérience d’une musique peut être inhumaine, une forme de transcendance. En tous cas, c’est un acte théâtral très fort. Je ne demande jamais aux interprètes de jouer à côté de ce qu’ils chantent, tout est dans la partition et je ne veux surtout pas faire de psychologie. Je les dirige parfois comme des danseurs mais pas comme des personnages de théâtre. C’est un travail de groupe où chacun est porteur de la totalité du plateau, même les plus petits rôles. J’essaie de retirer certains clichés en demandant aux chanteurs de ne surtout pas chercher à jouer un personnage différent d’eux mêmes. C’est à partir du moment où ils sont eux mêmes, dans le temps présent de la représentation, qu’on peut voir le personnage.
Fragil : Vous êtes vous même comédien. En quoi cela a-t-il une influence sur vos mises en scène ?
J-F-S : Cela a une influence énorme. Je m’imagine à la place des interprètes. Je connais les difficultés et le bonheur de jouer. J’ai également un peu chanté, je sais donc les problèmes liés à la respiration. J’essaie de faire en sorte que l’on voie chaque protagoniste du spectacle, j’essaie de travailler tout le temps sur le plaisir. S’il y a théâtre, c’est toujours grâce à chaque personne sur le plateau. Le trouble vient du corps du chanteur.
Fragil : Pouvez vous citer un souvenir de mise en scène particulièrement précieux ?
J-F-S : Dans chaque mise en scène, il y a un moment très fort. Je pense en particulier à la fin de « Wozzeck » en 2007 à Lille, à certains passages des « Noces de Figaro » aussi ou de la récente « Carmen ». Le troisième acte de « Madame Butterfly » me touche toujours autant. Parfois, on atteint un moment de grâce, il se passe quelque chose que tout l’opéra a préparé. C’est une espèce d’osmose, un instant de poésie qu’on n’avait pas forcément prévu. On cherche un tel absolu et tout à coup, grâce à la musique, cela arrive.
Fragil : Quels sont les projets qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
J-F-S : Je vais monter « Traviata » au prochain festival d’Aix en Provence. Tout me touche dans ce projet, c’est un formidable cadeau. De plus, « Italienne avec orchestre », le texte que j’ai écrit et qui a été joué à plusieurs reprises, ne parlait que de « Traviata », d’une répétition d’opéra et des rapports entre les artistes sur le plateau. Je vais enfin le mettre en scène !
Entretien avec Jean-François Sivadier : Christophe Gervot, le 5 septembre 2010
Photo : DR
« Madame Butterfly » mis en scène par Jean-François Sivadier. Une coproduction de l’Opéra de Lille, l’Opéra National de Lorraine et Angers-Nantes Opéra
Représentations à l’Opéra de Dijon, les 24, 26, 28, 30 septembre et 2 octobre 2010 (Auditorium)
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