Art lyrique
Les 30 ans du festival lyrique de Saint Cèré : entretien avec son directeur, Olivier Desbordes
Le festival de Saint Cèré fête cet été ses 30 ans en osant une programmation qui fait un grand écart artistique. On va en effet d’une "belle de Cadix" de Francis Lopez version Almodavar à une "Bohème" de Puccini profondément humaine en passant par une "Carmen andalouse", variation arabisante du chef d’oeuvre de Bizet. Nous avons rencontré le directeur de ce festival, d’une franche convivialité.
Fragil : Le festival de Saint Cèré , que vous avez créé, fête cette année ses 30 ans. Pouvez vous nous raconter l’origine de ce festival ?
Olivier Desbordes : Dans les années 60 et 70, il y avait un festival de chant choral. Adolescent, j’y avais participé. J’ai pris la succession du président en 1980. J’ai effectué des études de théâtre, dont je suis passionné, à Nanterre. L’opéra est une synthèse entre théâtre et musique. J’ai découvert ce genre en le pratiquant. Ma première idée, lorsque j’ai pris la tête du festival, était de faire appel à de jeunes chanteurs, de découvrir des talents et d’aller vers des publics diversifiés. En 1985, nous avons créé, grâce au soutien de la région Midi-Pyrénées, Opéra éclaté. Il s’agit d’une structure qui permet de partir sur les routes avec nos productions et d’aller à la rencontre de spectateurs qui, à l’époque, étaient particulièrement sevrés d’opéra.
Fragil : Quelle a été, d’emblée, l’originalité de ce festival par rapport à d’autres ?
O.D. : La première originalité était de concevoir les spectacles pour des lieux différents comme des châteaux, des villes moyennes, de petits théâtres et même des gymnases. Il fallait de plus penser aux reprises ailleurs, à Rodez, Fougères ou Laval. L’idée était de faire découvrir l’opéra à ceux qui n’en avaient pas l’habitude. De plus, nos productions n’ont pas la vocation d’être jouées dans de grands espaces. Nous nous sommes très vite intéressés à de nouvelles orchestrations, comme Verdi ou Puccini l’ont fait pour de petites villes d’Italie. Nous avons transposé Mozart pour de petites formes , afin de nous adapter à nos contingences.
Fragil : Pouvez vous citer quelques temps forts qui ont marqué ces trente années ?
O.D. : L’une des premières belles aventures a été « Carmen » dans une mise en scène de Jean Luc Boutté et de Richard Fontana. Richard est revenu pour régler la reprise. Nous avons eu des rapports merveilleux avec ces deux artistes de la comédie française, hélas disparus. J’adorais Richard. Il a été un Hamlet exceptionnel dans la mise en scène de Antoine Vitez. Un autre grand comédien a marqué l’histoire du festival. Il s’agit de Ariel Garcia Valdès qui a signé un sublime « Don Quichotte » de Massenet, en 1991. Nous avons donné ce spectacle, qui est une grande fierté artistique, en Espagne. Un autre souvenir fabuleux remonte à une dizaine d’années. Nous avons monté « Une carmen andalouse » (que nous reprenons cette année) à Marachech, en réécrivant la partition de l’opéra de Bizet avec des rythmes et des sonorités arabisantes. Je pense que les partitions ne sont pas un tabernacle sacré. On peut travailler dessus, faire d’autres propositions comme l’a fait Peter Brook avec sa « Tragédie de Carmen » ou ses « Impressions de Pelléas »
Fragil : Le programme de cette année est particulièrement éclectique puisqu’il va de « La belle de Cadix » à « La bohème ». Quelles sont les raisons de ces choix et pouvez vous nous dire quelques mots de ces spectacles ?
O.D. : Pour fêter les 30 ans du festival, j’ai eu envie d’aller un peu dans tous les sens. Je déteste être mono colore et je suis curieux de tout. Ainsi, ce sera, je l’espère, un feu d’artifices avec différentes palettes d’émotions. C’est aussi un grand écart artistique.
«La belle de Cadix» est la reprise d'un spectacle que j'ai monté à Montpellier. On y trouve une équipe de cinéma branché. Cette œuvre, au sujet amusant, permet de tourner en dérision le milieu du cinéma. Elle nous montre aussi une Espagne très sincère.
« La belle de Cadix » est la reprise d’un spectacle que j’ai monté à Montpellier. On y trouve une équipe de cinéma branché. C’est comme si on envoyait cette équipe une journée en banlieue. Cette œuvre, au sujet amusant, permet de tourner en dérision le milieu du cinéma. Elle nous montre aussi une Espagne très sincère. C’est une parodie du cinéma avec beaucoup d’amour pour l’Espagne, et quelques traces de Almodovar, qui porte un certain regard sur ce pays, aujourd’hui. C’est de la confrontation des deux que nait le comique. Les vêtements ont été achetés aux puces de Madrid. Ainsi, ce n’est pas seulement une carte postale.
Pour « La bohème » en revanche, la mise en scène est une création. Je vois dans cet opéra des réminiscences des « Illusions perdues » de Balzac. On y rencontre des jeunes qui passent à l’age adulte en étant confrontés à la réalité, la fin des rêves et à la mort. Puccini affirmait qu’en « écoutant la dernière scène de « la bohème », on a l’impression d’avoir perdu sa jeunesse ». On peut toutefois raconter autre chose qu’une histoire psychologique, avec des images plus colorées , ce qui n’empêche pas le drame. La vie, c’est un cadeau et c’est une fête. Le dénouement de cet opéra plein d’humanité est le revers de cette fête mais le tragique de la vie n’empêche pas de vivre !
Fragil : Quels sont vos rêves et vos projets pour les années à venir ?
O.D. : Je sais ce que je ne veux pas faire ! Quand je suis absorbé par un projet, je ne rebondis pas tout de suite sur autre chose. J’ai envie de faire beaucoup de théâtre musical. J’ai découvert la dernière œuvre de Kurt Weil. Il s’agit de « Lost in the stars », créé aux états unis en 1949. L’action se passe en Afrique du sud, durant l’apartheid. J’aimerais, en revanche passer la main sur le grand opéra. Eric Pérez s’en charge régulièrement. Ce qui ne nous empêchera pas de programmer à Saint Cèré « Eugène Onéguine » de Tchaikovski en 2011 et « Madame Butterfly » en 2012. J’aime me surprendre, sinon je m’ennuie. J’ai monté les « nouvelles du jour » de Hindemith l’hiver dernier à Dijon. C’est une œuvre pleine d’ironie et j’ai adoré monter ça.
Fragil : Si vous aviez à donner une définition de l’opéra, quelle serait-elle ?
O.D. : Il ne faut pas se fier aux apparences. L’opéra a souvent l’air d’une vieille dame mais beaucoup plus farfelue qu’on ne le pense. C’est une vieille dame indigne et si on a la curiosité de regarder sous ses jupes, c’est passionnant !
Propos recueillis par Christophe Gervot
Photo : Nelly Blaya
Festival d’art lyrique de Saint-Cèré, du 23 juillet au 14 août 2010. Plus d’infos sur le site de la Compagnie Opéra Eclaté.
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