Zone Fertile brouille volontairement les pistes ; et si l’art était simplement une rencontre, un échange, où rien n’est figé, tout se recrée et se passe aussi dans les quartiers!

Un projet "Art en partage"

Depuis mai 2004, l’association nantaiseLOLAB développe une démarche artistique collective basée sur la participation active du public et sur l’interactivité entre publics et artistes, cela au sein d’un projet ou d’un territoire. A travers des actions transdisciplinaires à dominante multimédia, l’objectif de Lolab est d’interroger les pratiques d’intervention artistique et de développer du lien social et une dynamique de revitalisation des territoires par la culture. « C’est à l’occasion de notre relogement par la ville de Nantes en 2008 au Pôle associatif du Breil-Malville que nous avons décidé de monter le projet Zone Fertile. » commente José Cerclet, représentant de Lolab, « l’occasion pour Lolab et le Pôle Associatif de mieux s’intégrer au quartier »

Car si le projet a été pensé par Lolab, sa réalisation a bien été le fruit d’un travail collectif mené pendant un an et demi, de janvier 2009 à juin 2010. Il s’inscrit dans le dispositif « Art en partage » et a été financé, en grande partie, par des subventions publiques. Habitants, associations du quartier, artistes du quartier et d’ailleurs ont participé à cette création, ou plutôt, cette recréation du quartier Breil-Malville. Le projet Zone Fertile s’articule en trois étapes qui ont donné lieu à trois performances. Dans un jeu de recréation et de manipulation de témoignages, d’archives sonores et vidéo et de matériaux collectés sur le quartier, Zone Fertile nous conte une histoire nouvelle du Breil-Malville. Le passé, le présent et le futur sont manipulés, oubliés, fantasmés, et les représentations de chacun sont sans cesse bouleversées. Lolab veut générer des « pensées créatives » et changer les usages chez un public co-acteur.

Être programmé au LU a permis au projet d'exister en tant que projet culturel artistique

Zone Fertile#1 ou Archéologie musicale et architechture anachronique propose de recréer à l’infini la naissance et les mutations du quartier sur une table lumineuse et musicale où des maquettes d’immeubles du quartier sont déplaçables au gré de commentaires d’habitants et au rythme de morceaux de guinguette ou de coupé décalé.

La réciprocité permanente comme règle d’or

Lolab a effectué un travail de collecte de témoignages personnels auprès des habitants. K7, vinyles, bobines super 8, lettres, interviews, autant de souvenirs intimes qui ont été la matière première de cette création, ensuite retravaillée par les gens du quartier (notamment des jeunes) aidés des associations du quartier dans des ateliers de numérisation, de vidéo ou de MAO (Musique Assistée par Ordinateur). Un principe de base régissait le projet : la réciprocité permanente. Cette collecte s’est réalisée dans une démarche de don, contre-don, matériel ou immatériel, où chacun trouvait un intérêt à participer. Contre leurs souvenirs, les habitants recevaient une numérisation de leurs films, de leurs photos ou de leur musique. « Ca pouvait aussi prendre la forme d’éducation aux médias à travers les ateliers de MAO par exemple. Parfois, simplement, de l’éducation musicale, quand les jeunes travaillaient sur un vinyle de Jacques Brel. » précise José Cerclet.

Zone Fertile#2 ou La mémoire en mouvement plonge le spectateur dans l’intimité d’inconnus à travers la diffusion de vieux films de famille sur des écrans. Des voix de femmes commentent les images, mais les versions divergent, se répètent, évoluent...et les histoires sont sans cesse réinventées. Libre à chacun de croire ce qu’il veut !

Un projet de quartier qui sort du quartier

Zone Fertile s’inscrit dans la lignée de beaucoup de projets réalisés par des associations dans les quartiers. Son originalité réside en ce qu’il est destiné à sortir des « frontières » du quartier pour ne pas être « ghéttoïsé » et étiqueté « projet de quartier ». Dans cette optique, Lolab a fait intervenir des acteurs extérieurs. Sur Zone Fertile#1, l’artiste technicien Pierre Commenge a collaboré pour la construction de la table réactive. Le chorégraphe David Rolland, connu pour ses spectacles participatifs, a contribué sur Zone Fertile#3 et a mis en scène les « interviews mimées » par ce groupe de femmes du quartier. « On a choisi de travailler avec David Rolland pour son rapport aux arts et au public. Il est dans la « manipulation volontaire », alors qu’avec nous, la participation est plus libre » précise José Cerclet.

C’est dans ce même objectif que la représentation finale a été programmée au Lieu Unique : « Pour Zone Fertile#2, ce sont les gens du centre qui sont venus au Breil, là c’est l’inverse. La plupart des participants ne connaissaient pas le LU. » De plus, « Être programmé au LU a permis au projet d’exister en tant que projet culturel artistique » et de bénéficier de la reconnaissance qu’il méritait ! Autre preuve de son succès : Zone Fertile a fait l’effet d’une traînée de poudre : actuellement, plusieurs projets sont en cours au 38 rue du Breil. Quant à Lolab, forts de leur succès, ils projètent déjà de se lancer dans un nouveau projet plus important, toujours au Breil. La suite en 2011 !

Zone Fertile#3 ou Playtime Des mots en vrac sur un buffet, des archives du quartier sur un bureau, un ordinateur où chacun, grâce à une interface peut créer et enregistrer une sélection des samples souvenirs des habitants. En parallèle, un groupe de femmes interprètent en une chorégraphie de gestes et d’expressions les paroles de personnes du quartier interviewées, diffusées en off.

Elsa Briand