Publié le 14 décembre 2004

Gautier Lamy


Dans le cadre d’un cycle de débats sur l’Europe, le centre culturel européen organisait àl’espace Cosmopolis le jeudi 9 décembre une conférence-débat avec pour principal intervenant Mr Rolands Lappuke, ambassadeur de Lettonie en France.

La Lettonie est un petit pays… aussi petit qu’il est méconnu. Particule très récemment détachée du bloc soviétique, candidat discret, inattendu à l’entrée dans l’union européenne et noyée dans la grande vague d’adhésion de 2002. Son entrée dans le club fermé de l’union n’aura pourtant soulevé aucune opposition formelle, si ce ne sont des réticences vite effacées. Paradoxe ou évidence ? Que signifie la notion d’identité européenne ? Existe-t-il plusieurs identités européennes conciliables ?

Pourquoi la France serait-elle plus européenne que la Lettonie ?

Idée qui peut paraître singulière voire provocatrice. C’est pourtant en ces termes que Mr l’ambassadeur entame son exposé. « La Lettonie est un pays géographiquement extra-européen qui a tout au long de son Histoire développé et entretenu ses réseaux de communication avec l’Europe occidentale ». Explications historiques… Les Lettons ont occupé les rives de la Baltique depuis 4000 ans. Ils ont subit des influences diverses au fil des siècle, qu’elles soient suédoise, allemande, russe et plus tard soviétique, comme autant de dominations. Mais c’est bien la christianisation des pays baltes et de l’Europe de l’Est par les ordres chevaliers, en l’occurrence les chevaliers Porte-Glaive, le point de départ du lien entre l’Europe et la Lettonie. C’est ensuite la ligue hanséatique, de 1241 à 1630, confédération commerciale comprenant Hambourg, Lubeck, Bruges, Dantzig, entre autres et … Riga. Puis le temps de la réforme et du Luthéranisme au 16e siècle, là aussi Riga suit le train européen et édifie même l’une des premières des églises réformée, preuve de « son caractère multiculturel et multiconfessionnel ». Elle participera plus tard aux grands mouvements d’idées du 18e et sera notamment la première province russe à abolir le servage.

La plus occidentale des provinces soviétiques

« La Lettonie est un pays de tradition germanique, le droit romain s’y est toujours exercé », commente Mr Lappuke, et ce « même sous la domination soviétique ». Le pays acquiert son autonomie en 1918, se tourne spontanément vers l’ouest à la recherche d’une reconnaissance et intègre la SDN des premières heures. Mais le pacte germano-soviétique de 1939, rompant l’indépendance balte, consacre le « Le viol de la conscience d’une nation, ressenti au plus profond de notre chair ». C’est un partage contre-nature pour les Lettons, car il signifie l’annexion par la force à un voisin dont ils ne voulaient pas. Les relations perdurent pourtant malgré l’opposition des autorités et la fermeture des frontières. Ainsi ne fallut-il qu’une dizaine d’années après l’implosion de l’URSS en 1991 pour que la Lettonie obtiennent l’adhésion à l’Union européenne, « au prix de longs efforts et d’une grande détermination ».

La plus belle des adhésions par la force des idées

C’est en ces termes que Mr l’ambassadeur illustre l’adhésion de 2002, en reprenant les paroles de Jean-Bernard Raimond, ministre français des affaires étrangères de 1986 à 1988. Il poursuit même en affirmant que la longue tradition des relations culturelles a permis « le triomphe de l’autodétermination d’une nation ». Relations culturelles ou affectives ? L’appui de la France et l’Allemagne dans ces heures capitales a en tout cas été ressenti de ce côté de la baltique comme la preuve d’un lien fort avec l’Europe, à laquelle les Lettons n’imaginent en aucun cas être étrangers. Modèle d’intégration d’un nouveau genre et image d’une autre Europe néanmoins légitime, c’est tout ce que la Lettonie veut représenter. La transposition avec le débat actuel sur la Turquie est bien palpable.

Gautier Lamy