Publié le 23 octobre 2003

Pascal Couffin


Les artistes, techniciens du spectacle vivant, intermittents, permanents, professionnels de l’action culturelle et de la diffusion, proposèrent une série de rencontres débats lors de la semaine morte pour une culture vivante. Ces moments, qui se voulaient cadre d’échange avec les publics, ont le plus souvent été fréquenté par les acteurs culturels.

La conférence sur « la marchandisation de la culture », n’a pas échappé à ce constat. Le sujet aurait pu mobiliser un public plus large. Pourtant l’intervenant, Patrick Daniel, adjoint à la culture de Lorient, a présenté de manière très pédagogue l’AGCS (Accord Général sur le Commerce et les Services) qui menace le secteur audiovisuel européen.

L’AGCS fait partie des négociations qui interviennent régulièrement au sein de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). Le contenu de l’AGCS envisage la libération continue, progressive et transparente de tous les services (excepté la police, la justice, la défense). Des questions se soulèvent pour envisager le sort réservé aux services liés à l’audiovisuel.

Selon le principe de la nation la plus favorisée, les avantages qui bénéficient à quelques pays, seront appliqués à tous ceux membres de l’OMC. Le traitement national tombera pour faciliter l’intégration au marché. Concrètement, cela se traduirait par l’abandon du système d’aide privilégiée en vigueur en France ou en Europe, la suppression de la politique des quotas (par exemple, le quota de diffusion de musique française sur les ondes), mais encore la suppression de tout financement ciblé sur une action particulière. Serait ainsi remis en cause, le prix unique du livre qui permet de maintenir un réseau de libraire, et voir comme en Grande Bretagne, une concentration des lieux de vente de l’écrit.

En suscitant la libéralisation, l’OMC vise à supprimer l’intervention publique bien souvent considérée comme du dumping. L’OMC ne demande pas la privatisation de certains services mais s’interroge sur leurs modes de fournitures. L’AGCS appliqué au secteur culturel provoquerait, en France, les conséquences suivantes : la disparition du système de financement du CNC (l’investissement audiovisuel ne devrait plus subir aucune discrimination), aucune entrave à la réception et diffusion de la radio/télé. Le plus choquant est sans nul doute, la possibilité de recruter des personnes travaillant dans des structures culturelles à l’étranger et les employer en France mais aux conditions de leur pays d’origine ! Les règles de protection sociale se verraient remises en causes !

Pour l’instant, ces modalités n’ont pas été discutées puisque les professionnels du secteur audiovisuel ont refusé toute négociation sur l’AGCS en 94. De ce blocage naquit une « exemption » de 10 ans, dont est issue la notion d’ « exception » culturelle. La fin de l’exemption est proche, et devront commencer de nouvelles négociations. Cependant, au niveau de l’Union européenne, toutes les questions relevant de l’exception culturelle sont soumises à la règle de l’unanimité. A priori, pas de dangers immédiats, mais « il faut rester vigilant » conclut Patrick Daniel ».

« La logique de l’OMC est d’arriver à homogénéiser les marchés et ses acteurs. En réaction s’élèvent des mouvements hétérogènes parfois très forts ». Les altermondialistes d’ATTAC, ont d’ores et déjà lancé un appel à la création de zone non AGCS dans les villes. Cette action n’a, certes, qu’une valeur symbolique, car si un accord est signé, il s’appliquera uniformément à tout le territoire.