LES ACTIVISTES DU DANCEFLOOR

C'EST L'HISTOIRE D'UN GROUPE... DES ADOS, PASSIONNES PAR LE ROCK, EMPOIGNENT MICROS, GUITARES, BAGUETTES ET REPRENNENT, LES AMPLIS MONTES AU MAXIMUM, LES HYMNES SCANDES PAR LEURS IDOLES.

C’est l’histoire de Spook And The Guay…

Plaisirs et tracas de l'autoproduction

Influencés par la sacro-sainte scène alternative des années 80, sept potes s’essayent au vrillage de tympans. Alors qu’ils n’envisageaient pas cette aventure dans le long terme, les voici désormais membres notables de la famille du ska français. Une rencontre avec les deux chanteurs du groupe, Xavier et Niko, quelques heures avant un concert qu’ils donnèrent par un frais mois de février nous permit d’en savoir davantage sur le combo toulousain.

L’aventure a commencé, il y a plus d’une décennie dans cette chaleureuse ville qu’est Toulouse. On ne peut pas pour autant affirmer que tout fut rose. Spook And The Guay a connu les joies et les affres de l’autoproduction. Au plaisir de la liberté artistique s’ajoutaient les galères liées à l’organisation de concerts ou aux séances d’enregistrement et l’envie de privilégier la musique se fit sentir. Désir légitime après dix années passées à bourlinguer dans le réseau indépendant soit plusieurs centaines de concerts et trois albums ( dont un enregistré en concert ) de très bonne facture.

Que musica sueno ?

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme et Spook And The Guay reste Spook And The Guay. On ne peut leur reprocher d’avoir vendu l’âme du groupe en pactisant avec le diable VirginMusic. A la sortie du troisième album, fruit de cette improbable union selon certains, Spook And The Guay a essuyé de multiples critiques les accusant d’avoir opéré un changement de style. Mais quel style ? Ecoutez attentivement leurs albums : sur des sonorités rock mâtinées de ragga apparaissent des touches électro, des nuances latino ou encore des flows délibérément rap. A ceux qui regrettent l’époque où le groupe était plus ska, qu’ils sachent que celui-ci se demandent encore si elle a jamais existé. Spook And The Guay fait partie de ces groupes astucieux qui jonglent avec de multiples influences. Niko : “ On a évolué, on a essayé de nouveaux trucs mais le groupe est le même et on voit toujours les choses de la même manière ”. Xavier, de son côté, affirme : “ la diversité musicale du groupe est une condition sine qua non dans la mesure où il n’y règne pas de leadership. Les idées fusent de partout et il faut donc contenter tout le monde ”.

Concernant leur entrée chez une major, ne la considérons pas comme la recherche d’un confort douillet. Les membres de Spook And The Guay ne sont pas d’anciens combattants usés par dix ans d’autoproduction. La porte à l’expérimentation leur était enfin ouverte. Des oreilles extérieures, en l’occurrence celles de Dimitri Tikovoï ( collaborateur de Placebo ), se sont jointes à leur travail et, avec le recul nécessaire, ont pu fondre habilement toutes les influences et sonorités du groupe. Cette production plus léchée n’a pas éclipsé leur énergie qui, sur scène, n’est plus à prouver.

L'école de la route

Voir les Spook And The Guay en concert est un passage obligé pour tout fan qui se respecte. Nos huit gaillards se démènent comme de beaux diables sur scène et l’osmose y est reine. Le secret de cette énergie sautillante et contagieuse ? Des kilomètres de route au compteur. Depuis ses débuts, le groupe a écumé toutes les salles de l’Hexagone et s’est même permis des incursions chez nos voisins européens ( Espagne, Italie, Suisse, Belgique, Allemagne ) ou chez nos cousins de l’Ile de la Réunion. Les Spook And The Guay bouffent la route mais reconnaissent que celle-ci les bouffe aussi. Xavier : “ Elle te bouffe et elle te fortifie aussi. Elle t’enrichit de rencontres ”. Malgré la fatigue, les galères, nos deux tchatcheurs n’oublient pas de rappeller le bonheur qu’ils ont à faire “ le plus beau métier du monde ”. Les années passent, les kilomètres s’ajoutent aux kilomètres, les play-lists se remplissent et l’enthousiasme est toujours là. Leur mot d’ordre reste le même : “ Au taquet ! ”.

Protests songs

Mieux vaut cependant ne pas retenir que l’énergie de Spook And The Guay. L’engagement fait partie de leurs priorités. “ Music is a weapon ” affirment-ils ( “ La musique est une arme ” ). On peut prôner l’esprit d’ouverture, l’éveil de la conscience, le respect de chacun et dénoncer les abus de pouvoir, l’hyper-sécurité, les excès de notre société tout en faisant danser le public. Spook And The Guay en est une preuve parfaite. A l’heure où la dignité humaine s’étiole et que la société civile se morcelle face à une consommation obèse et écœurante, il est rassurant de pouvoir se fier à des artistes de cette trempe. Comme quoi divertissement peut rimer avec engagement. On espère que Spook And The Guay nous fera danser encore longtemps.

art. | Olivier Roussel | olivier@fragil.org