Inventer de nouvelles solidarités

Inventer de nouvelles solidarités

Métro, boulot, dodo ! C'est fini, partageons tous ensemble de riches moments de convivialité lors de repas de quartiers. Le citadin en aurait-il marre d'être seul dans son appart ? penserait-il que la vraie richesse serait les rencontres ? Au moment où de nombreuses initiatives naissent dans les quartiers pour renforcer les liens entre les générations, Fragil a enquêté sur le renouveau des solidarités.

Tisser de nouvelles formes de solidarité, créer du lien social… Un florilège d'expressions ont surgi récemment dans les news magazines et émaillent régulièrement les discours des politiques. Un ministère de la cohésion sociale a même été créée dans le dernier gouvernement Raffarin. Tandis que les bases d'une nouvelle mode se fabriquent, des habitants, des citoyens, des associations ont décidé de s'organiser pour créer de réels et sincères moments de convivialité.

Repas de quartiers Impulsé par Claude Sicre, un des deux Fabulous Trobadors, les repas de quartiers naquirent au début des années 90 sur la place des Tiercerettes dans l'un des derniers quartiers du centre ancien de Toulouse, le quartier Arnaud Bernard, magnifiquement encensés par les deux hérauts troubadours. Face " au déclin des liens traditionnels entre les gens, le repas de quartier apparaît comme un des meilleurs antidotes à la montée de l'indifférence, de l'exclusion. " Ces repas s'installent sur la place publique à chaque fois que le désir des habitants du quartiers de se fait sentir. Chacun apporte sa contribution à la création d'un tel moment : faire participer ses voisins, préparer le repas, contrôler le bruit et gérer les éventuels conflits avec des riverains hostiles ou les pouvoirs publics. Jean Vilotte, président du Comité de Quartier Arnaud Bernard précise le principe du repas de quartier qui " est d'inviter le voisinage, c'est-à-dire les gens d'un même quartier. Des gens différents : socialement, culturellement, politiquement, qui se retrouvent pour créer (recréer) une communauté éphémère : la communauté de quartier " Ces rencontres festives sont alors l'occasion de réenchanter les discussions socratiques entre convives.

Les participants à ses repas sont avant tout acteurs et organisateurs et décident de s'autogérer, indépendamment de toute structure étatique, sans reprendre un quelconque mot d'ordre institutionnel. Organiser un repas de quartier n'est pas si simple : les habitants doivent obtenir les autorisations auprès de la mairie afin de réinvestir la place publique, partager les tâches, prévoir tables, nappes, chaises, couverts et contrôler collectivement le bruit passé une certaine heure. Claude Sicre, théoricien de la concitoyenneté, voit donc là le moyen de rendre toute autonomie au citoyen. Le repas remplit une mission de contre pouvoir civique promue par les seuls citoyens pour lutter contre toutes formes d'exclusion. Contrairement aux repas de village, aux repas entre collègues construits autour d'un groupe prédéfini, le repas de quartier s'établit en communauté éphémère, toujours à actualiser, à réinventer. Afin que cette noble idée soit partagée par le plus grand nombre de citoyens, a lieu désormais tous les 1er vendredi du mois de juin, un jour de repas dans toute la France.

Une chanson du dernier album des Fabulous Trobadors, décrit l'esprit qui anime les participants aux repas : " on s'en fout des pseudo-révolutions, des faux débats qui font les beaux, des marchands de grands idéaux. Des repas sur la place, ah oui, ça, ça nous séduit, avec tous les gens qui passent…rendre service aux voisins…prendre nos affaires en main, ah oui, oui ça aussi. " Se dessine alors la volonté de changer durablement les rapports entre voisins. Ce moment de rencontres est un tremplin vers d'autres actions concrétisées par et pour les habitants. Des initiatives qui, comme à Toulouse, voient le jour dans un Comité de Quartier, composé de citoyens associés, en charge du cadre de vie mais aussi de l'esprit du quartier : comme réinventer les notions de voisinages et de solidarités tout en rassemblant les habitants quelque soit leurs différences.

Immeubles en fête Se retrouvant sur le même constat de l'exclusion générée par nos sociétés actuelles, l'événement " Immeubles en fête " propose à tous les voisins d'immeubles de se réunir une fois l'an autour d'un pot, d'un repas, et comme l'initiative des repas de quartiers, il s'agit, au-delà de la fête de redonner le goût de l'échange entre voisins. Ce moment de " fraternité " retrouvée est une formidable possibilité de changer l'ambiance de l'immeuble.

Atanase Périfan, fondateur de l'association, agit, depuis son adolescence passée chez les scouts, avec l'envie d'aider. Il y a quelques années, il se lance avec quelques amis dans un projet un peu fou " Paris d'amis " avec pour slogan " pas de quartiers pour l'indifférence ". Cette action a permis de développer des services à la population comme la création de halte garderie à domicile, des aides de recherche d'emploi, des noëls pour les sans famille…

En 1999, un nouveau pari est lancé avec la création d'une fête des voisins qui poursuit comme pieux objectif de recréer du lien social de façon désintéressée. Là où les repas de quartiers relevait de la seule initiative des habitants, " Immeubles en fête " bénéficie de l'appui de partenaires comme les mairies, les offices publics d'HLM, la associations en charge du logement et un magasin de grande distribution, Monoprix. Mais " ceux qui organisent sont les habitants " tient à souligner Atanase Périfan. " Nous réutilisons simplement les codes de la société de consommation pour faire passer nos idées pour un monde plus solidaire ". Aux habitants donc de se munir, s'ils le souhaitent, d' " un kit de communication de mobilisation " comprenant tracts et affiches et de convaincre les voisins de se joindre à eux. Le succès est chaque année au rendez-vous puisque " 3 millions de voisins ont répondu à l'appel pour la dernière édition, mais 57 millions de français n'y étaient pas ", souligne Atanase Périfan. Le principe s'étend désormais à l'Europe pour une " journée européenne des voisins et montrer que l'Europe n'est pas qu'une machine économique ".

Récupérations Immeubles en fête a été soutenu pour la dernière édition par 230 mairies et offices HLM. Toute l'année les membres de l'association sillonnent les routes de France à la recherche de villes qui souhaitent soutenir le projet. Si Nantes a répondu positivement aux premiers contacts, la mairie a souhaité faire cavalier seul, et a lancé le même jour, le printemps des voisins. Un fait qui pointe le désir de récupération par les municipalités de ces actions porteuses de solidarités. Pour " Immeubles en fête ", l'objectif final est de récréer du lien social et qu'il faut en finir avec les clivages politiques pour aborder frontalement nos problèmes de société .

C'est aussi d'un œil positif que Jean Vilotte, du comité de quartier Arnaud Bernard, voit les mairies soutenir la citoyenneté : " que cette idée soit reprise par d'autres est une bonne chose. Qu'elle soit reprise par des pouvoirs publics l'est aussi. Cependant on ne peut instrumentaliser les repas de quartiers car c'est l'ensemble des gens qui se retrouvent dans le repas de quartier qui fait événement : il ne s'agit pas de recréer du lien social, y aurait-il du social sans lien ? Ici ce qui est à l'œuvre, c'est le civique (et pas le politique), c'est-à-dire l'organisation de voisins/voisines d'un même quartier. Ce n'est donc pas récupérable. "

Les repas de quartiers ont été théorisés comme un outil citoyen de libre expression qui s'est érigé en contre pouvoir civique. Mais tout comme " immeubles en fête ", ces initiatives participent au renouvellement des solidarités. Citoyens, ne soyons plus consommateurs de la ville, prenons nous en main pour comprendre nos différences, régler nos petits litiges et apprendre à vivre ensemble.

Numéro 5

Jeanne Cherhal

Finie les allures de chipie aux tresses délurées, Jeanne a désormais les cheveux au vent et ses chansons semblent plus légères mais toujours délicieusement piquantes. Ces saynètes de la vraie vie, sous un voile charmant, égratignent nombre de nos certitudes.

Initiatives de quartiers

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Mardi Gras B.B.

Bien loin des marches militaires où les soldats marchaient au son des clairons et caisses en tout genre, la fanfare de Mardi Gras B.B aux influences New Orleans, nous emmène dans une autre dimension entre strass et étoiles filantes...

M | Double face

Cheveux en bataille, veste en velours, c'est autour de Mathieu Chédid que les journalistes locaux s'assoient sagement en rond. Les carnets se déplient, les stylos cliquètent, les câbles des micros s'entremêlent, et l'entretien commence.