EFFEUILLAGE HIVERNAL

ANVERS A LA COTE, DE TALENTUEUX CREATEURS ONT FORGE LEUR STYLE A LA PRESTIGIEUSE ACADEMIE DES BEAUX ARTS, RAYON MODE. PARMI EUX, ANKE LOH. NOUS L'AVONS RENCONTREE AU PIED DE LA TOUR LU.

Anvers, petite ville flamande, se la joue jeune top model en se frottant avec succès aux Paris, Londres, New York, Milan et Tokyo. Mais quel est ce souffle créateur qui enchante cette ville où paradoxalement le tiers de la population s'oublie dans les bras du Vlams Block (parti nationaliste flamand). Suite à une déshérence de l'industrie textile belge, un plan de relance en 1986 la plaça sur le devant de la scène internationale. En Martin Margiela, les fashionnistes (victimes de la mode) voient le chef de file d'une, désormais qualifiée, mode belge aux côtés de la bande des six : Walter van Beirendonck, Marina Yee, Dirk Bilkembergs, Dries van Noten, Dirk van Saene, Ann Demeulemeester. Le style austère prévaut. Grises, noires ou kaki sont les gardes robes en lainage. Talons plats et jupes longues. L'influence japonaise affirmée, le style anversois s'affranchit, soutenu par les fabricants. Mais ces illustres noms ne sauraient éclipser une relève fraîche émoulue de la section mode de l'Académie dirigée par Linda Loppa. Anke Loh, d'origine allemande en sortit diplômée en 1999 et a été lauréate du grand prix du festival international des arts et de la mode de Hyères 2000.

TENDANCE ART RELATIONNEL.

La Tour du Lieu Unique est bien ce phare protecteur qui guide nos nuits les plus blanches. A l'intérieur du monument industriel nantais, la créatrice Anke Loh s'apprête à redéfinir ce lieu. Du sous sol où les modèles revêtent les tenues de la collection hiver 2002, intitulée " Hors des convenances ", le monte-charge les hisse au sommet de la tour. La déambulation parmi les spectateurs peut commencer dans l'escalier enroulant l'ascenseur métallique. La scénographie joue de la tension verticale qui oppose les deux pôles : un mouvement d'aller-retour se crée. Massé à la rambarde, le public pouvait apercevoir en plongée l'habillage et le déshabillage. Une invite malicieuse à pénétrer l'intimité des coulisses. Cette volonté de transparence dans le jeu de la présentation est un concept actuel clairement affiché par les artistes. Au mois de mars pour la première apparition de " Hors des Convenances ", Anke Loh bénéficia de conditions semblables au Centre Pompidou. Les silhouettes qui traversent cet espace circulatoire semblent fragiles. Les jupes sont positionnées avec justesse sur les hanches. Les vestes ne sont revêtus que par les hommes. La femme d'Anke Loh est habillée de petits haut-parleurs librement placés sur un buste dénudé. Le petit mini disc, calé dans la main, diffuse de bien étranges sons. Le spectateur-acteur en vient à partager une micro expérience. Elle sera un jeu de regard franc soutenu par le modèle ou une écoute incitée par les mannequins de bruits diffus. Ne laissant rien échapper de l'anatomie, les vêtements conçus par Anke Loh relèvent plus d'une apporche plastique que du prêt à porter. Jouant avec l'asymétrie, Anke Loh détourne les codes vestimentaires pour les retraduire. Doublure sur le haut du corps, les autres parties sont alors reléguées au niveau inférieur.
Un constat : la mode actuelle fricote ostensiblement avec l'art contemporain et se porte au niveau de l'art, du design, de l'architecture ou de la danse.

OUVERTURE A D'AUTRES DISCIPLINES

AnkeLoh oriente ses recherches à d'autres champs de la création. La créatrice a réalisé des costumes pour la chorégraphe Anna Teresa de Keersmaeker. Anke Loh a demandé l'aide de danseurs, acteurs pour comprendre leurs désirs, n'ayant connu la même formation artistique. Une expérience réussie qui en a appelée une autre à Berlin. Lors d'une improvisation de la jeune chorégraphe Sasha Waltz, Anke Loh a découvert sur quatre soirées les possibilités offertes entre la danse, la musique, le mouvement et les costumes par l'intermédiaire de deux danseurs et deux musiciens. Sasha Waltz, codirectrice de la Schaubühne de Berlin, refuse la focalisation sur le médium danse. Toutes deux s'efforcent à leur façon de décloisonner les disciplines. " Tout semble à la fois lié et complètement indépendant ", déclare par ailleurs Sasha Waltz. Ces collaborations instaurent des frontières toujours plus floues et Anke Loh l'a bien compris pour sa récente collection.
Présente à l'affiche de la semaine de présentation des collections printemps-été 2002, Anke Loh a accompli un défilé performance plus expérimental. Sa chorégraphie évoquait avec délices les visions balnéaires. Le maillot de bain est décliné dans des bustiers plissés et asymétriques portés sur des pantalons évasés et des jupes portefeuilles déconstruites. Des pièces uniques qui sont à découvrir sous sa griffe dans une nouvelle boutique parisienne.

art | Pascal Couffin | pascal@fragil.org