Digital Slaves à Scopitone
Esclaves de la Technique et Maîtres des Arts
Festival des Arts Numériques, à Nantes, du 17 au 21 Sept. 2008
"Ni l’art pour l’art, ni la techno pour la techno" : c’est la profession de foi du collectif d’artistes-programmeurs nantais Digital Slaves. Pour leur cinquième venue à Scopitone, ils présentent autant d’expériences sensorielles futuristes. Plongée dans un art technologique, immersif et hallucinant, qui semble annoncer le monde de demain.
Ils sont nés de l’union de Pac Man et d’un Amiga 500 ; Yo, Sylvain, Zuki, Guillaume, Anthony, Vinz, Maguelone et Z.7 se définissent comme de joyeux accros de technologie numérique et des passionnés d’art audiovisuel. L’histoire de ces Nantais commence en 1997. Rassemblés sous le nom imprononçable de :
en référence à la console dont ils sont épris, ils mixent à tour de bras tout ce que la techno compte de variantes dans le simple but de "Faire danser le public !". La boutade de potaches se transforment en activité viable et les concerts s’enchainent, jusque sur le continent nord-américain.
Do it yourself
Comme Wolf Ka, le collectif effectue sa mutation vers le tout digital et l’art multimédia en 2004, quand de nouvelles innovations informatiques mettent à leur portée la création d’un spectacle audiovisuel massif et complet. La bande de geeks se perfectionne alors en programmation, développement, graphisme, scénographie et design. Scopitone est parmi les premiers à les programmer. En 2007, ce fut l’instal’ Artefact, prélude à collaboration approfondie qui verra Digital Slaves présenter cette année une projection hallucinatoire avec Robonom sous le dôme du Planétarium, l’installation permanente Table Cubedans la friche des chantiers Alsthom, et pas moins de trois scénographies de bâtiments (du Mapping) en live (LC Club, Olympic, Hangar Alsthom).
Artefact à Scopitone 2007
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"Notre but est de créer une expérience onirique et immersive. D’ailleurs le public perçoit instinctivement le sens que l’on veut donner à l’événement"
Table Cube à Scopitone 2008
Le Table Cube est une table numérique interactive qui réagit aux objets déplacés à sa surface en générant des systèmes sonores, géométriques, ondulatoires et colorés.
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L’art monumental du Mapping
Le collectif Digital Slaves diversifie ses créations : ils s’attellent au mapping, la projection animée, symboliste et polymorphique sur des bâtiments, utilisant les formes d’une architecture comme autant de partie d’un écran. Au moyen du logiciel VVVV et de prises de tête aussi rigoureuses qu’une procédure algorithmique, ils génèrent de gigantesques projections, multiples, simultanés, spatialisées. L’aléatoire artistique s’y greffe par des modifications en temps réel. "On désire sculpter les lieux. Le public n’imagine pas la complexité de la technique, et imagine souvent que nous utilisons plusieurs projecteur ou même un système de cache. Notre but est de créer une expérience onirique et immersive. On constate d’ailleurs que le public perçoit instinctivement le sens que l’on veut donner à l’événement." Ces installations monumentales constituent le deuxième volet d’exploration de Digital Slaves, qui complète les interactions homme-machine individualisées. "La prochaine étape ? Des combinaisons sensorielles, comme cela se fait déjà au Japon. Techniquement, c’est possible ; ce qui nous retient ce sont les moyens financiers."
Vidéo Mapping à Francfort :
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Vidéo Mapping à Bristol :
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Faux nerds, vrais critiques
Ces créations artistiques suscitent l’engouement, mais, justement, nécessitent d’être financées. Où trouver des sous ? Parfois en France -et partout ailleurs dans les pays développés- ce ne sont pas les collectivités territoriales ou les assos qui financent ces opérations, mais les fondations des institutions privées ou des multinationales, évidemment dans un but promotionnel. "On pourrait accepter un contrat de commande, mais on le détournerait de toute manière. Ce qui est certain, c’est qu’on ne pourrait pas travailler pour la politique."
Plutôt profonds, les programmeurs, et sans choper le melon. De prime abord, les membres du collectif se caricaturent volontiers en geeks -sans tomber dans les travers des nerds [1]. Derrière cette identité de façade, ils alimentent leurs réflexions par des références à Philip K. Dick [2] ou à William Gibson [3].
Anatomie, banane, et schéma systémique
Nantais un jour et visiblement pour toujours, le septet devait croiser le chemin du vidéaste from outerspace Charlie Mars (qui présentera à la rentrée Les Films fait à la Maison). Avec Mortelle Banane, le 04 octobre 2008 à Amiens, il reprendront les choses là les avait laissé Anatomie et Cacahuètes.
Anatomie et Cacahuètes, à Clermont Ferrand 2007
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...à moins qu’il ne s’agissent d’autre chose : l’annonce d’un corps humain totalement imprégné de technologie numérique
Science-fiction arty ou avènement de la techno-science ?
Les installations de Digital Slaves font pressentir un monde sensoriel et numérique virtuel, aussi excitant qu’inquiétant. Leur travail induit le même questionnement que le Moving by Numbers de Wolf Ka, présent à Scopitone. N’est-il pas aberrant que ce soit la fascination exercée par la technologie qui réactive, en le faisant passer pour innovant, un sentiment aussi simple que la contemplation d’une architecture ou l’interaction avec un réel complexe ? A moins qu’il ne s’agissent d’autre chose, à savoir l’annonce d’un corps humain aussi imprégné de technologie numérique que le monde contemporain l’est de technologie, de communication et de médiatisation. A charge pour d’autres artistes d’en dénoncer les travers et d’en pointer les dangers.
Renaud Certin
Toutes les vidéos de Digital Slaves.
La prog’ de l’édition 2008 de Scopitone
Charlie Mars, et un peu plus sur Les Films faits à la Maison.
[1] Geek : passionné de nouvelles technologies, de sciences et de mondes virtuels ; le nerd en est la version pathologique et asociale
[2] Philip K. Dick (1928-1982) Ce romancier de Science-Fiction étasunien est à l’origine de nombreux blockbuster du cinéma d’anticipation : Blade Runner, Minority Report, Total Recall, qui placent tous l’être humain face aux monstruosités des créations techno-scientifiques.
[3] William Gibson (1948 -) Cet autre romancier de Science-Fiction étasunien fut un visionnaire technologique : alors que l’internet n’existait pas encore, ils écrivit plusieurs nouvelles -Fragment de Rose en Hologram (1977) , Johnny Mnemonic (1981)- dont les actions se déroulent dans des mondes informatiques virtuels. De nombreuses scènes de Matrix sont extraites de son chef d’oeuvre Neuromancer (1987).
Bloc-Notes
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