
Politiques culturelles
Vent de panique sur les salles de cinéma indé
Etat des lieux à l’occasion des 100 ans du Cinématographe à Nantes
Le Cinématographe est devenu centenaire le 19 mars 2008. Cet anniversaire en d’autres temps aurait pu être une fête. Mais l’heure est grave. Catherine Cavelier, sa directrice, a réuni plusieurs intervenants pour une table ronde qui s’inscrit dans le cadre d’une journée de mobilisation nationale des acteurs de la diffusion culturelle et de l’éducation artistique.
Le Cinématographe à Nantes s’est d’emblé inscrit dans une dynamique de « cinémathèque », en permettant au public d’accéder à des films peu ou jamais programmés et d’accompagner ces films de rencontres et d’écrits. Comme d’autres cinémas qui s’inscrivent dans cette démarche, le Cinématographe craint pour l’avenir après l’annonce faite en octobre par le ministère de la Culture et de la Communication et le Centre national de la cinématographie (CNC) d’une baisse des subventions de l’Etat via les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC). C’est pourquoi s’est imposé un état des lieux de l’action cinématographique.
Cette journée de débat est l’occasion de donner suite à la rencontre qui a eu lieu le 11 janvier au cinéma le Saint-André des Arts à Paris, à l’initiative des signataires de l’appel à la mobilisation « Cinéma et audiovisuel : vers le démantèlement de la diversité culturelle ». Cette journée a donné naissance au Collectif national de l’action cinématographique et à une demande auprès du Ministre de la Culture, Christine Albanel, de voir les divers professionnels des filières de l’action culturelle cinématographique présents aux entretiens de la rue de Valois.
De nombreuses actions décentralisées des salles de proximité dépendent aujourd’hui de ces subventions de l’Etat. Or, le ministère a laissé entendre une réorientation de ce budget.
De nombreuses actions décentralisées des salles de proximité dépendent aujourd’hui de ces subventions de l’Etat. Or, le ministère a laissé entendre une réorientation de ce budget. En outre, il souhaite confier les activités culturelles liées au cinéma au CNC, qui sera forcément obligé de faire des choix, violents pour beaucoup. Alors que le passage au numérique représente une charge lourde, beaucoup ne pourront pas suivre. Les cinémas indépendants d’Art et Essai, non subventionnés par les municipalités et regroupés sous le sigle ISF (Indépendants, Solidaires et Fédérés) contestent également ce scénario, où les multiplexes, bien souvent financés par le privé, sont privilégiés.
Le rapport du Club des 13
C’est dans ce contexte que la réalisatrice Pascale Ferran, accompagnée de treize personnalités dont Jacques Audiard et Claude Miller, ont constitué un rapport de 190 pages qui se veut alarmant : les films dits « du milieu », c’est-à-dire ceux qui sont à la fois populaires et esthétiques, sont aujourd’hui de plus en plus difficiles à produire. Mais ce rapport n’est pas que critique, car il a l’audace de faire 13 propositions pour que le système de financement puisse surmonter cette crise (Lire l’article de Rue 89). L’objectif : remettre la qualité des films comme critère premier, et ne plus s’appuyer que sur l’aspect commercial qui tend à prédominer aujourd’hui, redonner au producteur une part d’indépendance et lutter contre le formatage des scénarios. Ce rapport intitulé "le milieu n’est plus un pont mais une faille" a été remis sur le bureau de Christine Albanel le 4 avril 2008.
La présence de tous les acteurs est esssentielle
Ces inquiétudes sont partagées par l’ensemble des acteurs présents lors de la table-ronde organisée par le Cinématograhe. Olivier Meneux, le directeur de l’ACAP-Pôle Image Picardie, rappelle l’importance de la mobilisation de « TOUS les acteurs liés aux actions culturelles », ceux qui se retrouvent dans les actions de recherche, d’émergence et d’éducation artistique.
Membre de l’Association des Cinémas de l’Ouest pour la Recherche (ACOR), Catherine Bailhache déclare comprendre que le citoyen ne se sent pas forcément concerné, tant les questions semblent complexes. Pourtant, tous les secteurs culturels sont aujourd’hui touchés par ce désengagement de l’Etat. Elle reconnait que la particularité de la France est d’avoir, jusqu’à maintenant, favorisé le maintien du cinéma français mais désormais l’édifice semble menacé.
Olivier Bitoun, actif au sein de l’association de réseau de salle du Finistère, Cinéphare, met en lumière l’effet pervers du désengagement de l’Etat, qui demande une étude plus approfondie pour évaluer les petites structures en 2009-2010, alors que la baisse des subventions aux DRAC (Directions régionales des Affaires Culturelles), prévues dès 2009, aura déjà fait un tri sévère... Il sera certainement trop tard pour la plupart des cinémas indépendants.
"On luttait pour survivre, aujourd'hui, on lutte pour ne pas mourir"
Rafael Maestro, qui milite à travers l’ Association des Cinémas de Proximité en Aquitaine (ACPA) et Cinépassion en Périgord, souligne la nécessité de s’entraider et de trouver, ensemble, des solutions. « Si l’Etat ne veut plus nous financer, ça va être à nous de chercher et de trouver des solutions. On luttait pour survivre, aujourd’hui, on lutte pour ne pas mourir ». « Maintenant, il faut savoir ce que l’on veut », ajoute Olivier Meneux.
Eugène Andréansky, des Enfants du Cinéma, qui a participé au débat du 11 janvier (le rassemblement national des acteurs de la diffusion culturelle et de l’éducation artistique), témoigne de la détermination portée peu à peu par tous les acteurs alors présents. Il appelle à une prise de conscience générale afin de préserver la richesse de la diffusion culturelle et la diversité des actions d’éducation artistique.
Charlène Lechat
Voir le communiqué "Cinéma et audiovisuel : vers le démantèlement de la diversité culturelle ?"
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