Molière
Ah les femmes !
Les Femmes savantes de Molière mise en scène par Jean-Luc Terrade
Les femmes savantes, tout le monde connait : étudiée à l’école, la pièce de Molière passe souvent pour rébarbative. A tort ! Lorsque Jean-Luc Terrade s’empare de la mise en scène, la pièce, présentée au Théâtre Universitaire de Nantes le 4 mars dernier, prend une dimension inédite, moderne et farfelue. En effet, pour le metteur en scène, Les femmes savantes se pense, se joue et mène à des interrogations différentes selon les époques. Il nous en parle.
Fragil : Vous alternez création et adaptation, pourquoi avoir choisi de mettre en scène les femmes savantes ?
Jean-Luc Terrade : C’est vrai que je fais essentiellement du théâtre contemporain. Et puis, tous les 6, 7 ans environ, je me consacre à un classique. J’ai fait Marivaux, Feydeau et aujourd’hui, Molière.
F:Vous vous tournez essentiellement vers le théâtre contemporain. Que représente, pour vous, le fait de mettre en scène, de temps à autre, un classique ?
JL T : Je me fais une peur. Les classiques, ce sont des challenges. Il faut les interroger différemment : comment les faire redécouvrir, qu’ils surprennent et amènent le public à la réflexion... Je préfère tout de même mettre en scène des créations contemporaines mais il y a aussi une sorte de pression insidieuse qui pousse à continuer de mettre en scène des classiques…
Tout est à repositionner, questionner, perturber, sinon on perpétue les mêmes rapports et ça, c’est la mort.
F : Si Molière avait vécu en 2008, pensez-vous que c’est ainsi qu’il aurait créé les femmes savantes ?
JL T : Je ne sais pas mais il n’en reste pas moins un parallèle de nos situations. Molière vivait et créait grâce à l’argent de la Cour tout en la critiquant. Aujourd’hui, la situation est identique. C’est l’argent de l’Etat qui permet de dénoncer ce qui se passe.
F : Votre vision de la pièce est assez éloignée de l’original de Molière…
JL T : Oui et non. J’ai gardé la vision de Molière concernant le rapport hommes / femmes. Celles-ci ont la volonté de se trouver une place et les hommes, eux, sont manipulateurs et manipulés. Il est vrai que les échos d’un texte sont différents selon les époques. C’est aussi pour cela que je préfère les textes actuels qui collent plus à notre société mais il est aussi intéressant de voir ce que l’on peut justement faire de ce théâtre dit classique que l’on a tendance à considérer comme chiant. J’essaie d’emmener les gens vers un ailleurs notamment dans les dernières scènes.
F : Cette lecture du texte est très personnelle, savez vous ce qu’en pense le public ?
JL T : Je ne sais pas seulement elle ne laisse pas indifférent et c’est le but ! Il y a des gens qui refusent : on ne peut pas faire ça à Molière ! Certaines personnes sont scandalisées notamment par le côté sexuel de certaines scènes mais je n’invente rien, c’est dans le texte ! C’est quitte ou double en quelque sorte.
F : La mise en scène peut également perturber le spectateur, est-ce le but recherché ?
JL T : Les deux sœurs se cherchent, elles sont dans la nuit. C’est donc le point de départ. Ensuite, il faut fixer l’attention du public et puis changer ses habitudes de regard et d’écoute. En effet, de nos jours, la tendance est de tout mâcher alors j’essaie de tout renettoyer : les oreilles, les yeux ! Tout est à repositionner, questionner, perturber, sinon on perpétue les mêmes rapports et ça, c’est la mort. Et puis, on peut écouter un texte sans forcément tout comprendre, faire une sorte d’écoute globale… Au théâtre, les gens ont tendance à trop vouloir tout entendre et tout comprendre.
F : La fin est brutale. C’est une façon, pour vous, de déranger de nouveau le public dans ses habitudes ?
JL T : Oui, j’essaie d’amener les gens vers un ailleurs à partir de la faiblesse d’un auteur, ici, Molière. C’est un retour sur le travail des comédiens. Finalement, tous ces gens sont des fantômes, sauf les deux femmes, qui ne sont pas dans les masques. Je défends ces femmes qui défendent quelque chose.
Propos recueillis par Aurore de Souza Dias
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