Festival Cable# 2008
Deux soirées avec Cable#
La Barakason, Rezé, et Fichtre, Nantes, 15 et 16 février 2008
Folk déglingué, chanson trash, free-noise et d’autres réjouissances encore étaient au programme de la première édition du Festival Cable#, à Nantes. Compte-rendu de ses deux dernières soirées.
Depuis quatre ans, les bénévoles de l’association Cable# consacrent leur énergie à dénicher les expérimentateurs sonores et visuels les plus audacieux, dans le but d’organiser des soirées… branchées ! Pour la première édition de leur festival, se sont croisés dans l’agglomération nantaise pas moins d’une quinzaines d’artistes, locaux comme invités, pointures comme nouveaux venus sur la scène expérimentale. Pléthore de fortes têtes, pour des sets le plus souvent passionnants, parfois… étonnants.
Jean-Louis Costes, grand-guignolesque
Le 15 février à La Barakason de Rezé, c’est Noël Akchoté qui ouvre le feu. Guitariste de jazz renommé et improvisateur de talent, il relève le défi d’interpréter le dernier album de Kylie Minogue dans un style mélodique et expressif à la Hank Martin. Et il réussit au point qu’on doit me glisser à l’oreille qu’il s’agit là des tubes pop de Kylie Minogue pour que je m’en rende compte.
Stefan Neville, alias Pumice prend le relais. Homme-orchestre low-fi, grosse caisse au pied droit, caisse claire au pied gauche, dans les mains une guitare-jouet déglinguée, amplifiée par un Fender Twin luxueux – celui loué pour la soirée, certainement –, Pumice nous démontre qu’il n’a besoin de personne pour assurer. Le résultat : un set crade, bordélique et sensible.
Enfin, le mystère Jean-Louis Costes entre en scène. Annoncé en tête d’affiche, il devient bientôt évident qu’une bonne partie du public est venu pour lui. Alors qu’il s’installe, le bar se vide et le silence se fait. C’est que Jean-Louis Costes est une figure de l’underground français. Un artiste culte, connu et reconnu pour ses opéras “porno-sociaux”. Ce qui est certain, c’est qu’il a un sacré talent de performer. Une énergie très punk. Un catalogue d’obscénités qui feraient rougir Céline lui-même. Mais à vrai dire, on ne voit pas très bien pourquoi il fait des chansons ou, du moins, on ne voit pas très bien pourquoi il prend désormais le parti de ne faire que des chansons. Sorties du contexte visuel cru et violent qui pouvait être celui des opéras et comédies musicales qui ont fait son succès, elles perdent une grande partie de leur force, et se révèlent d’une pauvreté musicale désolante. Il y a ceux qui aiment. Ceux qui sont venus pour cela, et que cette logorrhée jubilatoire quelque peu malsaine amuse. Et puis il y a les autres. Ceux qui ne peuvent s’empêcher de penser que Jean-Louis Costes, à défaut d’un talent de musicien, a, comme son t-shirt le proclame, un véritable talent de “Grand Guignol”.
Le projet solo d’Andy : jouer de son instrument sans en jouer. Jouer de la guitare sans jamais poser les mains là où un guitariste les pose habituellement.
Andy Moor réinvente la guitare électrique
Le lendemain, quai des Antilles, on a pu entendre beaucoup de bruit, les architectes de Fichtre ayant bien voulu accueillir en leurs locaux, à leurs risques et périls, trois sets de free-noise échevelé. C’est Pylone, trio nantais, qui ouvre le feu. Julien Ottavi, bas de pantalon dans les chaussettes et têtes de morts à paillettes sur son sweat, se pique d’une perfomance vocale à la Mike Patton. En hurlant. En gesticulant. En bouffant son micro. Le tout sur les beats éclatés et les textures sonores sophistiquées qu’élaborent Will Guthrie à la batterie et Erell Latimier à l’électronique. Du “hip-hop débile”, certes (dixit les membres du groupes eux-mêmes), mais terriblement efficace.
Après Pylone, on a beau avoir les oreilles qui bourdonnent un peu, on les dresse toutes grandes quand Andy Moor, guitariste du groupe punk hollandais The Ex, attrape sa guitare pour un des sets les plus réussis du festival. Le projet solo d’Andy : jouer de son instrument sans en jouer. Jouer de la guitare sans jamais poser les mains là où un guitariste les pose habituellement. Pincer les cordes à leurs extrémités, là où elles ne résonnent quasiment plus, taper le dos de l’instrument du plat de la main pour en faire rugir les entrailles, accorder et désaccorder successivement ses cordes à un volume très élevé pour jouer des battements, ce phénomène acoustique de “wawa” qui se produit lorsque deux fréquences se désynchronisent, les techniques de jeu employées sont nombreuses et parfois surprenantes. Comme John Cage l’avait fait à son époque, avec son fameux Concert pour piano préparé, Andy Moor invente au fil de sa performance un nouvel instrument, la guitare électrique comme totalité, bien différent de l’instrument traditionnel.
Pour clore cette soirée free-noise, et pour clore cette première édition du Festival Cable#, L’Échelle de Mohs entre en scène. Fabrice Favriou à la batterie et à la guitare, Thomas Tilly à l’électronique et Claire Bergerault à l’accordéon et à la voix délivrent un set noise explosif, fougueux par moments, introspectif à d’autres. Un set de qualité, mais qui se révèle un peu fatiguant après toute cette agitation moorienne. Le public accuse le coup et ne salue pas autant qu’il l’aurait dû cette formation poitevine talentueuse.
En attendant l’année prochaine, et une nouvelle pléiade d’artistes pour une deuxième édition du festival, Cable# a d’autres projets. À commencer par une performance du compositeur, musicien et vidéaste multimédia Phill Niblock au Musée des Beaux-Arts de Nantes le 3 avril prochain. Espérons que le public sera aussi nombreux et enthousiaste que lors de ces soirées.
Sophie Pécaud
Photos : Pascal Couffin et Rémi Goulet
À écouter :
Noël Akchoté, So Lucky, Winter & Winter, 2007.
Pumice, Pebbles, Soft Abuse, 2008.
Andy Moor, Marker, Unsounds, 2007.
L’échelle de Mohs, Orkesme, 2006.
Lien :
Des vidéos du festival sur Daily Motion
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