Théâtre
O cruelle famille, je suis ton enfant
Le Théâtre Universitaire de Nantes accueillait "Cet enfant". L’auteur et metteur en scène, Joë l Pommerat écartèle dans cette pièce-vérité, les relations parent-enfant et dévoile la cruauté des liens familiaux.
« Les enfants commencent par aimer leurs parents. En grandissant, il les jugent et quelquefois ils leur pardonnent » disait Oscar Wilde. Enfants, adolescents ou même adultes, les relations que chacun peut entretenir avec ses parents sont complexes. Pour Cet Enfant, le metteur en scène Joël Pommerat, mais aussi auteur de la pièce, a choisi de parler de ces confrontations familiales, de la cruauté des rapports qui peuvent en découler.
Familles en hautes tensions
« Je n’ai pas choisi d’avoir un père comme toi » hurle l’enfant et « Moi d’avoir un enfant comme toi » réplique le père. Le ton est donné et il n’est pas joyeux. Un enfant, ce n’est pas un cadeau du ciel, c’est une responsabilité qui vous tombe dessus, volontairement ou non, et qu’il faut assumer malgré soi. Les parents qui se présentent sur scène sont dépassés par leurs progénitures. Les enfants, eux, ne se reconnaissent pas dans les modèles qu’on leur proposent. Ils se révoltent, ou encore se taisent. Un silence insoutenable pour des parents qui ne comprennent pas toujours les choix de leurs progénitures. Entre une mère qui dit à son enfant : « Tu es grise ma fille. Et ça me fait mal de te voir comme ça » et un père qui ne saisit pas pourquoi son fils refuse de suivre sa voie, il y a une absence de communication. Et quand elle réussit malgré tout à exister, elle ne sait être que violente.
« Un enfant, ce n’est pas un cadeau du ciel, c’est une responsabilité qui vous tombe dessus, volontairement ou non, et qu’il faut assumer malgré soi »
Un spectacle en clair-obscur
A l’origine de ce spectacle, il y a toute une série de rencontres avec des femmes vivant dans une cité en Normandie. C’était en 2002. Pendant plusieurs jours, Joël Pommerat, accompagné des acteurs la compagnie Louis Brouillard qu’il a crée en 1990, ont échangé sur ce qu’est être parent. Suite à ces discussions, Joël Pommerat, inspiré par ce qu’il avait entendu, a imaginé différentes visions du rapport de l’enfant à son père ou sa mère et vice-versa.
« Le réel, ça ne se manipule pas. Il faut donc le transposer, c’est la fonction du théâtre ».
Le style de l’écriture, volontiers onirique, parfois même un peu trop, amplifie les tensions. Tout est dans l’émotion, accentué sur scène par le jeu de l’éclairage. L’effet de clair-obscur est abrupt, les visages sont souvent dans l’ombre. Les dialogues prennent alors vie dans cette atmosphère bleutée, froide. Les séquences se suivent, entrecoupées par des intermèdes musicaux et montrent tour à tour des personnages durs et fragiles.
Promotion d’un théâtre-vérité
Cet enfant est le premier opus d’une trilogie d’un théâtre, qui se veut sociétal. En effet, avec la compagnie Louis Brouillard, Joël Pommerat en résidence aux Bouffes du Nord à Paris, a mis en scène trois pièces qui appréhendent chacune à sa manière la société d’aujourd’hui. Après la famille dans Cet Enfant, Au Monde, il explore les faces paradoxales du pouvoir et dans Les Marchands, la perte de la valeur du « travail » aujourd’hui. Présentées toutes les trois à Nantes en cette fin d’hiver, elles forment une vision du monde désenchantée.
Le travail contemporain de la mise en scène bouscule les convenances, afin de mieux faire éclater une vérité que souvent, on préférait taire. Avec Cet enfant, la réalité est brusque, dure, mais telle est la volonté de l’auteur : « Le réel, ça ne se manipule pas. Il faut donc le transposer, c’est la fonction du théâtre »*.
La révélation de Cet enfant, ce n’est pas que les liens filiaux n’existent plus, mais qu’au contraire, ils sont là, bien présents et qu’il faut vivre avec. Et cela même si c’est difficile.
Marie Delhaye
"Au Monde" est joué du 25 au 27 mars et "Les Marchands" du 28 mars au 1er avril 2008 au Grand T, à Nantes.
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