Le retour barbant de Tim Burton
"Sweeney Todd" : le cul entre deux chaises musicales
La musique adoucit les meurtres
La sixième collaboration entre Tim Burton et Johnny Depp risque fort de diviser encore un peu plus les fans du réalisateur de Beetlejuice. Adaptée d’une pièce jouée à Broadway, Sweeney Todd est un film qui a malheureusement le cul entre deux chaises (musicales).
On attendait Tim Burton au tournant. Après un douteux CDD (Coup Double Décevant) en 2005, où s’étaient enchaînés le trop acidulé Charlie et la chocolaterie suivi des moribondes Noces Funèbres, le petit génie de Burbank avait fort à faire pour retrouver du crédit auprès de ses premiers fans – dont l’auteur de ces lignes fait partie depuis qu’il découvrit, sous le choc, Batman à l’âge de 5 ans. Sweeney Todd devait être le film de la rédemption, et au vu de son sujet - la vengeance impitoyable d’un barbier égorgeur dans le Londres du XIXe siècle- l’espoir était permis. Peine perdue.
Et je coupe le son !
Stephen Sondheim. Ne cherchez plus le coupable du massacre : c’est lui. Auteur-compositeur de la comédie musicale montée à Broadway en 1979, il est responsable du point noir du film, à savoir ses chansons, insupportables et omniprésentes (elles constituent près de 80% du métrage !). Interprétée par des acteurs qui font ce qu’ils peuvent, autant dire pas grand-chose, la bande originale gangrène le film du début à la fin. Absence totale de mélodie valable, paroles affligeantes à faire passer Mylène Farmer pour Marguerite Duras : la bande n’a d’original que sa médiocrité. Une triste première pour Burton, qui n’a pas pu compter sur le génie de son compositeur habituel, Dany Elfman, dont le talent permettait à un film moyen comme Charlie et la chocolaterie de se distinguer par sa bande-son jubilatoire.
Interprétée par des acteurs qui font ce qu’ils peuvent, autant dire pas grand-chose, la bande originale gangrène le film du début à la fin.
Compétences gâchées
La vision du film est d’autant plus rageante que Sweeney Todd n’est pas un total ratage, loin s’en faut. Les décors gothiques de Dante Ferretti (Casino, de Scorsese) sont une totale réussite, magnifiée par la photographie sombre de Dariusz Wolski. La violence graphique élève au rang d’œuvres d’art les fontaines d’hémoglobine giclant de carotides tranchées, à la manière des geysers sanguins qui parsèment le Kill Bill de Tarantino. Sur l’écran, le casting a fière allure, mené par un Johnny Depp halluciné, effrayant comme jamais. A ses côtés, Alan Rickman (Die Hard) est parfait en juge méprisable, tout en retenue, délaissant l’habituelle surenchère des acteurs incarnant les bad guys. Autant de talents gaspillés pour ce treizième film de Tim Burton saboté par son matériau de base. Sweeney Todd n’en reste pas moins parsemé d’éclairs de pur génie, dont une scène finale magistralement mise en scène qui laisse entrevoir ce qu’aurait pu donner le film libéré de son handicap sonore. Aux dernières nouvelles, Burton aurait délaissé les paillettes de Broadway pour l’onirisme de Lewis Caroll. Déçus ou pas par ses derniers opus, c’est de pied ferme que l’on attend malgré tout sa virée au pays des Merveilles.
Alexandre Hervaud
Bloc-Notes
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