Danse
Métissage de cendre et de poussière
La compagnie Kossiwa débarque au Théâtre Universitaire avec son nouveau spectacle, « Tant la cendre que la poussière  ». Un spectacle né d’une rencontre entre deux cultures : celles de la danseuse togolaise Flora Théfaine et du chanteur basque Beñat Achiary.
Flora Théfaine est togolaise d’origine. Elle est considérée comme l’une des pionnières de la danse contemporaine africaine. Elle arrive en France en 1969 avec, dans ses bagages, toute la danse et la musique de son pays. Elle va alors s’inspirer des traditions ethniques de l’Afrique pour concevoir des chorégraphies contemporaines dont l’originalité est de mettre en scène essentiellement des européens, en intégrant leurs racines à sa propre démarche de métissage. Tout cela l’amène à Nantes en 1990 où elle crée la compagnie de danse professionnelle « Kossiwa ».
Beñat Achiary n’est pas un inconnu lui non plus : c’est un chanteur et poète qui s’est placé depuis de nombreuses années au service de la langue et de la culture basque. Improvisateur, sa voix peut se faire à la fois ample, torturée et sereine. Pour lui, le chant traditionnel basque est une manière de s’ouvrir à d’autres cultures. Il a travaillé entres autre auprès de Michel Portal, Le Quan Ninh, Michel Doneda, Kent Karter… (Et bien d’autres encore). Son but est de combiner ses racines avec celles d’une autre culture. C’est en ce sens qu’il se trouve en symbiose avec Flora Théfaine.
Ce spectacle est tout d’abord l’histoire d’une rencontre entre deux artistes
L’initiateur de ce spectacle est Beñat Achiary. Tout est parti du recueil de la poétesse Itxaro Borda Tant la cendre que la poussière. « Elle habite dans la même ville que moi et quand je la croisais, je n’imaginais pas ce qu’elle écrivait. » nous raconte le chanteur. A la lecture de ces poèmes, c’est « comme une résonance avec la vie ». Créer et réaliser ce spectacle s’est « imposé, car ça me parle » révèle Beñat Achiary. La rencontre avec Flora s’est faite par l’intermédiaire d’une amie, Anne-Marie Reynaud. Aussi chorégraphe, elle connaissait le travail de Flora Théfaine et elle a pensé à elle quand le chanteur basque lui a fait part de son projet. La chorégraphe togolaise a immédiatement accepté.
Accompagné par Pierre Vissler, électroacousticien, Beñat Achiary et Flora Théfaine ont travaillé pendant deux longues années. Le spectacle existe en plusieurs versions. Celle, présentée au T.U est la petite forme. « Petite », car il n’y a que deux personnes sur scène. L’autre version comprend en plus un pianiste et un percussionniste. Entre les deux, quelques différences, mais l’atmosphère est toujours la même : le spectacle est en constante évolution.
Telle une femme qui renaît de ses cendres
La renaissance d’une femme, telle est l’histoire de « Tant la cendre que la poussière ». Flora Théfaine, joue cette femme, qui marche le long du fleuve Adour et entame une discussion intime avec elle-même. Tout au long de cette « marche », la voix du chanteur basque, Beñat Achiary, l’accompagne et illustre ses sentiments. La vie n’est qu’un cycle qui se forme et se déforme. Toute personne meurt et renaît de ses cendres, comme si la vie était sans fin, sans limites. On a là une véritable réflexion sur la vie et sur la manière de la vivre. Ensemble, ils vont construire un corps à corps danse, chant.
Nous n’avons pas de messages obligés, nous voulons laisser la liberté au spectateur
Mise en scène intime
C’est sur une scène presque vide que vont jouer Flora Théfaine et Beñat Achiary. Juste un peu de sable posés sur le plateau… De simples jeux de lumière, éclairant les deux protagonistes, pas de costumes, lui dans des vêtements neutres comme s’il ne voulait pas être remarqué, comme si seule sa voix faisait corps. Elle, dans une robe blanche, fluide, telle un spectre revenant sur terre. Flora Théfaine est remarquable. Elle joue avec son corps et parvient à faire comprendre ses sentiments, à toucher. Son corps est tantôt léger, comme si elle flottait dans les airs, ce qui donne une impression de douceur, de sérénité, tantôt lourd, comme si elle ne pouvait plus bouger.
Le spectateur est souvent pris à parti. Flora Théfaine s’adresse à lui et le pousse à entamer une réflexion sur nous-mêmes. Pas de superflu, pas d’artifices, une simple invitation au voyage. Tout doit se créer par notre propre imagination. Plus qu’un message, la volonté des artistes est de nous guider, de nous aider à méditer sur nous-même. Comme le dit Beñat Achiary, « Nous n’avons pas de messages obligés, nous voulons laisser la liberté au spectateur ». Un spectacle envoûtant.
Marie Delhaye et Céline Anton.
Photo : DR
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