
Indigènes
Les oubliés de 45...
Des hommes égarés entre France et Maghreb
A l’heure ou Guy Môquet déclenche les passions, les chibanis, silencieusement, apprivoisent la vie d’ici rêvant de casbahs et d’orangeraies. Aujourd’hui c’est avec force de conviction qu’une jeune association nantaise s’est engagée dans un mouvement de solidarité intergénérationelle envers leurs ainés.
Ils sont marocains, algériens et c’est avec les valises chargées d’un français bancal qu’ils sont arrivés, il y a quelques années, en France. L’histoire de ces hommes, très affectueusement appelés "chibanis" (personnes agées en arabe) a commencée il y a près d’un siècle, "nés en 1925" vous préciseront certains.
Carte de combattant à l’appui un peu jaunie par le temps, leur jeunesse s’est envolée à la guerre : Indochine, 39-45..."Engagés pour la France", souligne M.Dib, chibani poète de l’association. Les chibanis, bien loin des tabous de la guerre vous raconteront aussi leurs batailles : forêts d’Indochine ou villes allemandes au nom imprononçables. Les chibanis sont fiers mais désenchantés.
une pension de 600 euros à condition qu'ils viennent vivre en France !
Après la guerre, Mohamed, Hacine et les autres sont rentrés au pays. Bon an mal an, ils se sont construits une vie, une famille, des habitudes faisant fi du passé. Pourtant, 50 ans plus tard la France les rappellent. L’heure est à la reconnaissance, "une pension de 600 euros à condition qu’ils viennent vivre en France !", expliquent Jamila Guetib et Loubna Ennassiri membres de l’association. En bon père de famille, pour que les enfants aillent à l’école et que les plus grands se marient, les voila revenus en France il y a maintenant 7 ans.
Choc des cultures
9 mètres carré, une cuisine commune, on est bien loin des maisons de retraites et autres résidences trois étoiles. Ici on passe le temps comme on peut "plus de jardin, plus de pêche, plus de famille", désespèrent les chibanis. Pourtant, leur vie est là. Deux ou trois fois par an quand même, ils s’autorisent un voyage au Maroc en car où la famille les attendent.
Si vous les interrogez, les chibanis, sourire aux lèvres, vous diront que "ça va bien". Puis, paradoxalement, vous montreront les dizaines de lettres administratives et autres formulaires qu’ils n’arrivent pas à remplir. Aujourd’hui désarmés face à un système complexe, les chibanis mènent un combat quotidien : difficultés linguistiques, barrières culturelles, obstacles financiers...
Créée en avril dernier, l’association "les chibanis" rassemble une vingtaine de membres, pour la plupart étudiants (fac, BTS, écoles d’ingénieurs), et jeunes actifs. Une permanence d’aide et d’accueil est organisée tous les samedis après-midi dans le quartier Bottière/Doulon. L’action de ces jeunes ? Accompagner leurs ainés dans les démarches administratives en leur donnant les moyens de comprendre les organismes et autres institutions franco-françaises.
Ici, on rit de bon coeur en parlant selon l’humeur, arabe ou français. "Ici, on se retrouvent en famille", sourit Loubna Ennassiri, trésorière de l’association. Mais c’est avant tout un temps pour livrer ses petits tracas du quotidien et retrouver l’ambiance chaleureuse du pays, un espace ou loin devant l’engagement solidaire, l’amour et l’écoute a franchi les frontières.
Une permanence d’aide et d’accueil est organisée tous les samedis après-midi 24 boulevard Henri Dunant, quartier Bottière/Doulon dans une salle municipale.
Informations complémentaires : loubna-marokain(at)hotmail.fr et sur le site de l’association Chibanis.
Article, photos et prise de son : Anne-Line Crochet
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses