Mais c’est quoi, ce bootleg ?
Rencontre avec DJ Moule et ComaR
Vous en avez certainement déjà écouté, éventuellement sans le savoir. Peut-être avez-vous pensé "tiens, je connais cette musique, mais pas avec ces paroles" (ou vice-versa). Le phénomène bootleg est donc venu jusqu’à vous, décryptons-le un peu avec DJ Moule et ComaR, figures françaises de ce mouvement.
« (...) écraser du hip-hop sur du punk garage rappelle ces discussions animées entre garçons lorsqu’ils imaginent ce qui arriverait si Spider-Man et Superman faisaient équipe. Quand on y réfléchit, le bootleg est plus démocratique que le punk. ». C’est en ces termes que l’écrivain anglais Nick Hornby évoque le bootleg dans son essai 31 Songs. L’auteur de High Fidelity a vu juste en misant sur l’aspect « fantasme de fan » qui prime dans le milieu bootleg.
Avant tout, une précision s’impose pour les profanes : un bootleg, c’est quoi ? Dans le domaine musical, le terme désignait initialement un enregistrement pirate, souvent de concert enregistré sans autorisation. Depuis plusieurs années, le terme, synonyme de mash-up, caractérise ces remix créés à partir de deux (voire plus) morceaux différents, dont on utilise soit l’instrumental, soit l’acapella. Au final, ces bidouillages s’avèrent souvent aussi improbables qu’efficaces.
le terme, synonyme de mash-up, caractérise ces remix créés à partir de deux (voire plus) morceaux différents, dont on utilise soit l'instrumental, soit l'acapella.
Rencontres improbables
Dans le genre inattendu, la rencontre forcée entre les Doors et NTM se pose là. Elle n’a pourtant pas découragé DJ Moule, reconnu par ses pairs avec ce détonnant LA Woman dans Ta Benz, lauréat de l’Award Bootleggsfr 2005 du meilleur bootleg francophone. Si entendre la voix rauque de Joey Starr remplacer celle de Jim Morrisson peut choquer les puristes, force est de reconnaître que le morceau n’a pas volé ses récompenses, loin de là !
DJ Moule, qui officie également en tant que chanteur et guitariste dans l’excellent groupe electro-rock Mouloud and the Sonic Destruction, revient sur ses débuts de bootleger. « Je suis fan de Led Zeppelin d’un côté et des Chemical Brothers de l’autre. J’ai rencontré DJ Zebra en 2004 à Berlin où je jouais avec Mouloud. On a bien aimé nos gueules respectives, il m’a passé une démo que j’ai écoutée en rentrant. J’ai pris une énorme claque ! Je me suis dit « ouais moi aussi, je veux faire ça ». Au début, j’ai fait des relectures des morceaux de Mouloud pour nous faire jouer avec des pointures. Mon premier bootleg, c’était un mix de Mouloud avec les Doors, Bowie et AC/DC. J’ai envoyé ça à Zebra, il l’a diffusé ça dans son émission sur OUI FM et m’a encouragé. Je me suis pris au jeu, sans forcément prendre mon groupe comme point de départ. »
Un autre à s’être pris au jeu, c’est Marco, alias ComaR. Informaticien le jour, bootleger et organisateur de soirée la nuit, ComaR a créé le site de référence pour les amateurs francophones de mash-ups, www.bootlegsfr.com. « A l’origine, c’était juste un blog avec des liens vers des mp3, que je triais pour faire découvrir des morceaux réussis. Puis le site devenu de plus en plus populaire. A côté de ça, j’ai commencé à mixer, à être invité à une soirée par ci, par là. Le blog s’est transformé en forum. Maintenant, on reçoit 3000 visites par jour, et 500 internautes sont inscrits sur le forum. » Et comme un bootleg s’apprécie plus sur un dancefloor que devant un écran d’ordinateur, ComaR a exporté en France le concept des Bootie Party, ces rendez-vous entre amateurs de bootlegs qui ont vu le jour aux Etats-Unis. « Ce qui me plaît, c’est de rencontrer le public, comme Moule, d’aller rencontrer d’autres bootlegers comme je l’ai fait à Boston ou à San Franciso. A Boston, on a joué dans un pub, y’avait pas grand monde mais on s’en fout, on boit des bières ensemble, on fait de la musique, c’est le principal. » La prochaine Bootie Paris aura lieu le 28 juin prochain au Bar III.
Bootleg, mode d’emploi
Au-delà de la fabrication même du bootleg, avec tout le travail que ça représente, encore faut-il trouver une bonne idée, si possible totalement improbable. Pour DJ Moule, l’inspiration arrive...au volant. « Souvent je les visualise en écoutant des morceaux. J’imagine, souvent en voiture, des combinaisons. Après viennent les problèmes d’écarts de tempo, de tonalité, de la matière première. Parfois, des idées ne marchent que sur le papier. Des fois, comme on a récupéré un accap, on se creuse la tête pour trouver un truc à faire avec. Je n’utilise que des sources qui me plaisent ou qui m’évoquent un souvenir. Comme Phil Collins, même si je ne suis pas fan de Genesis, ça représente une partie de mon adolescence, avec une valeur affective qui m’intéresse. »
Pour trouver les sons nécessaires, c’est souvent le système D qui prime, les artistes ne mettant pas forcément à la disposition leurs précieuses pistes. Mais les choses tendent à évoluer, précise ComaR : « comme le site commence à se faire connaître, on a la possibilité de contacter des artistes pour qu’il nous filent des accap. Pas mal d’artistes ont compris que c’était de la promo gratuite et que c’était débile de ne pas partager les sources ».
DJs, artistes et surtout public semblent donc y trouver leur compte. Si par hasard des velléités de bootlegers sommeillent en vous, n’hésitez pas, Bootlegsfr.com contient des tutorats permettant de s’initier à la conception de mash-up. Comme disait Nick Hornby, « tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un logiciel, d’une paire d’oreilles et d’un goût imparable : l’authentique génie qui habite l’état de fan a enfin été reconnu. »
Alexandre Hervaud
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