Le livre à l’ère du numérique
Terreur concrète à l’heure de l’e-matériel
Fragil prépare un dossier sur l’avenir du livre qui sera publié dans le sixième numéro. Le hasard fait bien les choses puisqu’une conférence sur le thème « le livre à l’ère du numérique  » se tenait justement le 27 avril au Lieu Unique. Alors, qu’en pensent les professionnels ?
Qu’est-ce que le papier électronique ? Le livre est-il voué à disparaître ? Les acteurs de la distribution du livre sont-ils menacés ? Telles ont été les questions abordées lors du colloque sur l’avenir du livre à l’ère du numérique. Le 27 avril, l’association Impression d’Europe organisait au Lieu Unique une rencontre sur le thème du livre. A l’ordre du jour : ses mutations technologiques, culturelles et économiques au sein de l’Europe.
Pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, un débat violent fait rage depuis quelques années entre les partisans des nouvelles technologies et les acteurs traditionnels du marché du livre (éditeurs, bibliothécaires, libraires). Le sujet du contentieux ? Le e-paper - « papier électronique » en français -, le e-book et, plus largement, l’Internet et l’indexation numérique.
On s’attendait donc à un dialogue des plus constructifs tant le sujet était riche et les intervenants bien choisis. Songez un peu : Bruno Rives, président de Tebaldo et « the » spécialiste du papier électronique en France ; le sulfureux Christian Thorel, directeur de la librairie Ombres blanches à Toulouse, responsable des Cahiers de la librairie et qui a récemment provoqué un tollé en démissionnant de la vice-présidence du SLF (Syndicat de la librairie française) ; l’atypique Michel Valensi, directeur des Éditions de l’éclat à Paris, créateur du « lyber » et partenaire de Google ; Stavros Petsopoulos, directeur des éditions Agra en Grèce, qui apportait au débat un point de vue extérieur ; et enfin, dans le rôle du modérateur, Hervé Hugueny, journaliste à Livres Hebdo.
La fin du papier ?
Après la projection du court métrage d’Alain Resnais Toute la mémoire du monde (1956), au ton aussi vernien que kafkaïen, Bruno Rives abordait son thème de prédilection qui rompait, pour le coup, totalement avec l’univers mythique du film. L’ère n’est dorénavant plus aux bibliothécaires en blouse grise et en képi - prophétise-t-il - mais au papier électronique. D’abord réticente, la salle se laissait peu à peu séduire à mesure que Rives expliquait comment cette technologie pourrait remplacer à terme le papier.
L'ère n'est dorénavant plus aux bibliothécaires en blouse grise et en képi mais au papier électronique
L’e-paper est semi-rigide, presque aussi fin qu’une feuille traditionnelle mais plastifiée, réinscriptible, communicant, résistant à l’eau, écologique (sa capacité mémorielle est de cinq cents romans soit dix hectares de papier), durable (sa longévité est égale voire supérieure au papier). Ses applications semblent infinies, autant dans le domaine de la grande distribution, de la presse que de l’affichage publicitaire.
Rives donnait les exemples d’une encyclopédie d’ornithologie électronique, capable d’émettre les chants des oiseaux, mais aussi d’enregistrer les sons environnants et de repérer à quels oiseaux ils correspondent ; de cartes routières reliées à un système GPS ; ou encore d’un livre de partition intelligent qui change de page en fonction de la musique. Le papier électronique est pourvu d’une batterie dotée d’une autonomie de quatre cents heures et peut être mis à jour par l’Internet, en wifi, ou par la téléphonie mobile. Le président de Tebaldo présentait également le e-book, ordinateur au format poche qui utilise soit la technologie classique, soit celle du papier électronique.
Débats et ... des bas
Levée de boucliers chez les libraires et les éditeurs qui avouaient d’emblée « ne pas faire partie de ce monde ». Christian Thorel réaffirmait le rôle de « passeur » culturel du libraire et menaçait d’une crise de la diversité de l’offre s’il venait à disparaître. Plus modéré, Stavros Petsopoulos soulignait que la mutation du livre est dans l’ordre des choses : « Après Homère et l’invention de l’écriture on a perdu l’oralité, le chant ; quand on a inventé la typographie, on a perdu quelque chose dans la calligraphie. Malgré ces pertes, il y a tout de même eu de bonnes choses... ».
Michel Valensi, était, quant à lui, persuadé que l’avenir du livre réside dans le numérique mais que, paradoxalement, ce dernier n’est d’aucun danger pour l’édition. En 2000, l’éditeur inventait le « lyber », « un projet de mise en ligne intégrale et gratuite d’un certain nombre de titres des Éditions de l’éclat ». En 2005, Michel Valensi signait un partenariat avec le projet de numérisation de Google. Conspué par ses pairs, Valensi avait en réalité osé le gratuit. Pari qui s’est finalement révélé payant : « j’étais persuadé que la consultation du texte sur le net ne pouvait nuire à la commercialisation des livres, mais pouvait au contraire être très bénéfique. Pour moi, payer pour lire sur un écran c’était une absurdité ». Editeur de livres rares, l’indexation Google lui a ainsi donné une visibilité sur le net.
Oublié, le papier électronique ! Oubliés, Bruno Rives et sa technologie innovante ! Les intervenants, par nature hostiles à ces nouvelles technologies, ont débattu parfois dans le vide. Ils ont confondu papier électronique et écran d’ordinateur, littérature et livres d’usage... Car bien loin d’être une ultime réplique du e-book ou du Cybook, le papier électronique offre une lisibilité identique à celle du papier. C’est bien parce que le sujet est complexe et passionnant que Fragil se chargera de prolonger le débat en proposant un dossier complet sur l’avenir du livre en juin dans le sixième numéro, et sur le site.
Voir aussi l’interview de Lorenzo Soccavo, ainsi que l’article consacré aux éditions Abicia.
Nicolas Corbard/Florence Garnier
Pour en savoir plus :
Le livre à l’ère du numérique, les cahiers de la librairie, SLF,numéro 5, novembre 2006.
Le site d’Ombres blanches
Le site des Editions de l’éclat
Le site de Livres Hebdo
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