Compagnie KLP : la danse hip-hop sans oeillère
Battle internationale de danse pour clore Hip-Opsession 2007
Le hip-hop, plus qu’une danse : un art de vivre. Rencontre avec Brice Bernier de la compagnie KLP, directeur artistique de la battle finale de Hipopssession 2007.
Fragil’ a rencontré une de ces équipes : KLP. Originaires de Nantes ils ont été jusqu’en finale contre l’équipe vainqueur Mind 180 des USA. Brice Bernier est le directeur de KLP.
Fragil : Peux-tu nous raconter ton parcours en tant que danseur ?
KLP : J’ai commencé vers l’âge de 10 ans, un jour avec des potes je me suis mis à danser de façon bizarre autour du scratch. Plus tard, j’ai su qu’il y avait plein de monde qui dansaient comme ça. Ensuite en 96, j’ai été à l’école HB2, il y a trois ans une section hip hop ,"C’ west", y a été fondée. Comme on progressait bien, on a pris notre indépendance et fondé notre propre asso. Avec les gars on danse maintenant ensemble depuis dix ans environ.
La danse hip hop : du sensitif.
F : La volonté de faire de la danse hip hop vient-elle de la culture hip hop, du rap par exemple, où est-ce à l’origine indépendant, juste un amour de la danse en général ?
KLP : Non, tu vois on est tous des enfants du ghetto, donc c’est notre milieu. La danse hip hop c’est incohérent à la base : regarde ! (Il se lève et met en pratique ce qu’il dit) Si je te fais ce mouvement là et que j’enlève le sautillement, c’est de la salsa. On dénature une danse et on se l’approprie : tout ça c’est sensitif.
F : Y a-t-il un enjeu dans ce genre de rencontre où l’état d’esprit est-il essentiellement dans le partage ?
KLP : Un battle c’est du spontané. C’est l’écriture en direct de ce que tu viens de voir. Rien n’est préparé, tu vois un mouvement et tu réponds. A l’origine, ce n’est pas du spectacle, mais un dialogue entre gars qui ont un crew. KLP est directeur artistique de cette battle, donc on a instauré le dancefloor au lieu de la scène. Ainsi cette année, la battle était plus en adéquation avec l’esprit de nos "cercles". Si nous dansons c’est pour kiffer, pas pour exécuter. L’enjeu il est avant et après la battle : je m’assure que les danseurs soient bien accueillis, qu’ils soient à l’aise ; et après on s’éclatent dans les cercles en freestyle.
C’est à nous de parler !
F : Le problème de la formation des profs de danse est au cœur des débats hip hop, notamment dans le cadre de hip-opsession. Penses-tu qu’au-delà de l’expérience il faille un diplôme pour enseigner ?
KLP : Je ne suis ni pour ni contre. Je pense qu’il ne faut pas de diplôme d’état, comme pour le modern jazz par exemple . On a une asso’ qui s’appelle "premier pas", notre but est de déceler les différentes énergies des danses hip hop (BBoying, funk, voguin’, poping etc), ensuite on pose leurs fondamentaux. Il y a tellement de styles différents dans la danse hip hop que faire un diplôme d’état "danse hip hop" est une aberration. Après, qu’on soit suivi ou non dans notre projet on s’en fout complètement, c’est à nous de parler. Le problème en France c’est qu’on a connu le hip hop grâce à son mouvement, pas par sa culture comme aux USA. Là-bas c’est une façon de vivre avant d’être une mode. Il y a ceux qui réalisent les prouesses, sans aucune musicalité ni sensibilité, nous ne sommes pas ce genre de danseurs. La danse n’est pas une exécution, mais c’est du sensitif. Sourire, chauffer, c’est une culture qui vient petit à petit.
"La danse n'est pas une exécution, mais c'est du sensitif."
F : Le hip hop est connu comme étant un art festif et surtout revendicatif. A votre niveau, comment transmettez-vous les valeurs du hip hop ?
KLP : A la différence des USA où le hip hop est resté ghetto, la France n’a pas de famille hip hop. Ici,c’est un mouvement avec des passionnées, d’autres moins, mais cependant avec toujours de nombreuses d’associations. KRS-one disait "le rap c’est ce tu dis, le hip hop c’est ce que tu vis". A l’origine c’est une culture. Une de nos associations "Back2Basics", a pour but de créer des liens avec les pionniers de la danse hip hop, c’est à dire New York.
Pas de limites, no limites.
F : Peux-tu nous parler de votre nouvelle création « Sissa » ?
KLP : On voulait traiter du jeu, or le roi du jeu c’est les échecs. Un danseur (Jérôme Monar) prend le pouvoir représenté sur scène et s‘en empare, l’échiquier convulse, puis se ressaisit. Notre représentation se fait sur de la musique mandoline. Il y a un réel travail de réflexion derrière, ce qui nous a permis d’obtenir le prix Beaumarchais des jeunes créateurs. Dans ce genre d’exercice on dénature notre danse avec un propos : c’est la réalité, le battle c’est du kiff.
F : Et quel serait votre objectif premier dans tout ce brassage d’activités ?
KLP : Continuer ce combat de vie, s’attaquer aux tabous et respecter notre lutte. La création contemporaine n’est pas du hip hop, on me permet de ne pas avoir de limites, alors on je fonce ! Pour ce qui est d’un projet plus concret, on aimerait avoir notre loft à Nantes pour créer notre chantier de vie et avoir un lieu de rencontres hip hop.
Photos et interview : Alizée QUELIER
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