L’Olympic, Nantes, 17 mars 2007
Nosfell : l’ombre de la voix humaine
Rencontre avec Pierre Le Bourgeois, violoncelliste de Nosfell.
Violoncelliste, bassiste, réalisateur et arrangeur, l’impassible Pierre Le Bourgeois évolue aux côtés du flamboyant NOSFELL. Eclairage sur ce créateur de l’ombre.
"Un Opéra de quatre Sous, qui vaut l’Or du Rhin" : une des mille et une manières de décrire une rencontre scénique avec Nosfell. Conçu à quatre mains et à quatre têtes, le spectacle sidérant du faune chantant ravive la flamme du chant et de la musique (ici, en photos).
Avant un second passage du duo à l’Olympic, en compagnie de Katel, Pierre Le Bourgeois a pris le temps de répondre à quelques questions. Tandis que Nosfell se réservait pour une long entretien, qui aura lieu quelques semaines plus tard, Pierre apportait un éclairage sur les hommes de l’ombre.
La famille Nosfell
Ils se nomment Edouard Bonan, ingénieur du son et irremplaçable conseiller musical, Julien Bony, maître des ombres et lumières, William Lopez, batteur nouveau venu. Avec Pierre, ils élaborent la part cachée de l’univers nosfélien : sur scène, leur contribution prend toute son ampleur.
Mais qui est Labyala Nosfell ? "C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre..." répond l’homme à l’archet. Dans le monde de Klokochazia, dont il détient les clés, le vrai nom de ’Nos’ est ’Labyala Fela Da Jawid Fel’, ’celui qui marche et qui guérit’.
Dans le monde réel, il est tour-à-tour danseur halluciné, chanteur protéïforme, conteur polyglotte, démiurge linguistique, poète symboliste, guitariste hendrixien, et parfois même showman pince-sans-rire.
Bienvenue à Klokochazia
Le mystère plane encore sur la langue de Nosfell, le fameux Klokobetz. On sait qu’il s’écrit au moyen de signes qui rappellent un peu le sanskrit ; on devine, en examinant les transcriptions phonétiques, une langue agglutinante, parfois gutturale, souvent labiale.
A la lecture des textes accessibles -en anglais et désormais en français- le lecteur se trouve confronté à des fantasmes de communions exaltées (Oh, it’s been a long time), d’émerveillements cruels (Your elegant hat), d’initiation (Ta main, leur dents), d’amour révolu (Le long sac de pierre, avec Bertrand Belin), autour desquels planent des brumes mélancoliques.
Heureusement, l’univers mental de l’artiste s’ouvre à l’auditeur durant les monologues dont il ponctue son show. Nosfell y introduit les histoires tarabiscotées de son pays mental, Klokochazia, l’île qui génère elle même sa géographie ’par souci de symétrie’.
Au détour des méandres d’un fleuve doté du sens de la vue, on croise Darazdeblek, gourou rendu à l’état d’éther (Gouz Mandamaz), la famille Lybadi, assassinée par la main d’un frère criminel (The wise left hand), les chiens de Günel, Sladinji l’arbre chanteur , et des enfants qui accèdent à un savoir ésotérique -la musique (Children of Windaklo).
Plus Pierre Le Bourgeois évoque Nosfell, plus le mystère s’épaissit, et c’est très bien ainsi. On en avait oublié que c’était de leur collaboration dont il était question...
Comment définir une musique sans pareil
On dit de leur musique qu’elle rappelle Radiohead, Jeff Buckley, Björk...
Conçu à quatre mains et à quatre têtes, ce spectacle sidérant ravive la flamme du chant et de la musique.
Autant de comparaisons boiteuses, ressassées par des critiques à la culture musicale hémiplégique. Car Pierre et Nosfell l’autodidacte, eux, retrouvent la source des musiques, et y adjoignent des prouesses de human-beat-box, des rythmiques de guitares arabo-andalouses et de terribles riffs funky, qui se développent dans des chansons hypnotiques et contaminantes.
En énumérant les influences du duo, Pierre Le Bourgeois cite le folk, le free-jazz, et évoque discrètement la tradition de la parole chantée et des musiques populaires, tout en précisant "sur scène, on se considère comme un groupe de rock" ; une bonne manière de brouiller les pistes pour lui, qui, les pieds sur un tapis de pédales d’effets, prend le temps d’exposer à l’archet de longs arpèges baroques, au milieu de boucles de basse qui empruntent à la musique contemporaine.
Le chien mord, mais pas le renard
L’accord tacite des deux musiciens et de l’ingé-son Edouard Bonan donne âme et corps aux comptines et aux oraisons qui constituent les deux albums. Le son sculpté de ces ’disques qu’on écoute’, s’envole à des lieux du rock basique ; une finesse que l’on retrouve sur le DVD du concert ’Oklamindalofan’.
Kälin Bla Lemsnit Dünfel Labyanit (‘Le chien mord, mais pas le renard’) se démarque de Pomaïe Klokochazia Balek (‘Bienvenue à Klokochazia’) : peu de violoncelle sur le premier, au profit d’une basse assise ; plus de plages musicales sur le second, qui empruntent un temps au folklore irlandais, jusqu’à rappeler les chœurs d’’Atom Heart Mother’.
La tessiture du violoncelle couvre celle de la voix humaine-d’où le surnom de l’instrument. Il offre ses contrepoints aux cordes -vocales- de Nosfell, dont les capacités sont aussi étendues -pour simplifier, de la basse au soprano- que la culture musicale des trois complices.
Au fil de cinq ans de collaboration, le trio Nosfell-Le Bourgeois-Bonan a développé un univers sonore qui semble ne pas trouver de limites. Sans une once de lassitude, les explorateurs de territoires inconnus attendent la sortie du troisième album, pour poursuivre leur exploration de l’univers de Klokochazia...et de l’histoire de la musique moderne.
Renaud CERTIN
Photos : Alizée QUELIER
L’interview de Nosfell, en images, sons, et chansons
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