Le renouveau de la chanson française.
Katel : "Vous savez, c’est de la contrebande !"
16 mars 2007 : Katel était à l’Olympic en première partie de Nosfell.
Loin des inepties de la nouvelle scène française, KATEL allie la conviction vocale de Barbara à la guitare d’une protest-singer. Dialogue avec une femme dont la gentillesse le dispute à l’assurance, et qui place le chant avant toute chose.
Aussi raide quand elle chante à la scène que douce quand elle parle à la ville, Katel n’emprunte pas les sentiers rebattus de la fabulette inepte : ses chansons sont des alcools forts et fins, qui nous s’enivre et nous maintiennent debout. "Sous les voûtes de mon cortex /où je chante, le coeur à la barre / je me déleste de mes réflexes..."
A l’instar d’un Dick Annegarn, elle défend la primauté de la voix dans ses titres qui ambitionnent discrètement de transformer le laid en beau. Elle y dessine le monde des autres à la première personne (One Day), élève la nostalgie future au rang de la beauté du combat (Le Voyage impossible) ou magnifie les rides brutales des vieilles faméliques (La Vieille). Elle sait aussi évoquer la souffrance cruelle de l’enfance (Tigres en papier) ou les repères aléatoires de la vie (Quel animal vit ?).
Ses chansons font leur office : elles nous accompagnent, pharmacopée disponible pour les aléas de la vie.
Quant à Raides à la Ville... " Depuis que tu es là, on me ferait bien courir des kilomètres pour me faire goûter à des rédemptions crades, mais la bouche cousue pour que plus jamais je n’en ricane avec mon diable..." Nosfell et Pierre Le Bourgeois ont reconnu son talent, et lui ont offert carte blanche et première partie.
Gant de fer, dame de velours
Il faut dire qu’elle n’est pas à son coup d’essai. Elle, qui a décidé par conviction de ne pas rentrer dans les cases, se consacre depuis dix ans à la musique. Autrefois en compagnie de sa comparse Skye, elle est aujourd’hui en solo, parfois en quatuor. "J’ai commencé ici le voyage impossible, partie de rien ! (...) ‘Il n’y a rien ici’ me dit l’homme. ‘Accélère’ !"
Il faut la voir seule sur scène, campée sans fard, avec l’élégance revêche de ceux qui savent que la fierté ne se mime pas. Lorsqu’elle matraque compulsivement sa guitare d’une poignée d’accords asséchés à force d’être repassés, ceux qui ne connaissent que le rock anglophone citent PJ Harvey, ou Cat Power.
La comparaison s’arrête ici, aux premiers élans d’une voix blanchie sous le harnais de sa télécaster noire : tessiture d’alto, octosyllabes, notes tenues, obsédantes, envolées retenues, force vocale, distillation de textes d’artisan. Le rappel de ses collaborations avec Tiersen est inutile ; l’allusion à Bertrand Cantat superflue.
En une douzaine de titres live, Katel convainc les indécis que la force de l’interprétation ne réside pas dans la virtuosité. Toute sa retenue scénique trouve son apogée dans une cover improbable. On attend Shannon Wright, ce sera Björk. Un Human Behaviour dégraissé des atours baroques de la diva boréale, ferme et néanmoins aérien.
La chanson : un bagage léger
Trois quarts d’heure d’un tête-à- tête trop fugace avec le public suffisent pour passer en revue tous les morceaux de son unique album. Elevée à la soul, Katel a su soigner sur ce huit-titres sobre un son travaillé aux allures spontanés. Si c’est le rock anglais qui guide ces préoccupations pour la production, c’est largement la chanson française qui l’inspire, Colette Magny, Piaf...chanteuses à voix, chanteuses à texte.
Pourtant formée à l‘école littéraire, Katel appréhende instinctivement la chanson pour ce qu’elle est : un bagage léger qu’on emporte avec soi. Elle compose d’abord la musique, puis pose dessus ces textes ciselés et sensés. De là, la sensation combinée de profondeur et d’accessibilité qui se dégage des phrases, qui s’imposent à l’oreille.
On s’approprie pleinement ses métaphores, parfois avant de les comprendre : les mots se fondent dans la mélodie, au point que l’on ne sait plus si l’un précède l’autre. Alors, on se surprend à les reprendre : "Tombées du haut des dunes, aux lits des ministères, ces frivoles fortunes se juraient de nous plaire".
Les chansons de Katel ont fait leur office, elles nous accompagnent, pharmacopée désormais à disposition pour les aléas de la vie.
"De la musique...avant toute chose !" disait Verlaine le buveur d’absinthe. Le météore Rimbaud lui répondait : "Vous savez, c’est de la contrebande !".
Renaud CERTIN
Photo : Alizée QUELIER
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