Pause musicale entre primates engagés
Rencontre avec les groupes Pause et Freedom for King Kong
En janvier dernier, les groupes Pause et Freedom for King Kong ont fait escale à Nantes dans le cadre de leur tournée conjointe, le Bonobo Tour. Hip-hop, reggae, métal, rock...les deux groupes ne s’ imposent pas de limite de style. Rencontre quelques heures avant le concert avec Guizmo et Negoos, chanteurs de Pause, et Ton’s, clavier des FFKK.
« Hey, les man, faut faire la part des choses / Il est grand temps de faire une pause ». Ces quelques mots vous disent peut-être quelque chose, ils sont tirés de l’Hymne de nos campagnes, un des titres du premier album de Tryo. Leur chanteur, Guizmo, semble avoir suivi ses propres conseils en s’aventurant dans divers projets musicaux hors-Tryo, dont le groupe Pause, justement. Leur premier album éponyme est sorti en septembre dernier.
Originaire de Lorient, le groupe Freedom For King Kong poursuit actuellement la tournée initiée après la sortie de leur dernier album, Issue de ce Corps, sorti en avril 2006. Une tournée assez spéciale, puisqu’elle sera vraisemblablement la dernière. La bande de Brings, le charismatique chanteur au phrasé inimitable, se sépare en effet après 12 ans d’activité, 4 albums sortis, et plusieurs centaines de concerts survoltés.
Pause, FFKK : deux groupes aux trajectoires différentes mais pourtant réunis dans une même tournée. Guizmo nous éclaire : « On était venu faire une résidence à Lorient pour les débuts de Pause, notre premier concert s’est fait là-bas. On y a revu nos copains de Freedom, on s’était déjà croisé avec Tryo en 99. Il y a eu une envie de se retrouver, de faire un plateau ensemble. Le nom de bonobo, c’est une petite dédicace à ce singe menacé. »
Elire un épouvantail
A part la mauvaise qualité du son dans la salle de concert, rien ne menace vraiment Guizmo et ses comparses pour l’instant, si ce n’est une descente de gendarmes et de leur toutou renifleur pas franchement bienvenue. Le Ministre de l’Intérieur en prend d’ailleurs pour son grade dans l’album de Pause, et n’apparaît pas non plus en odeur de sainteté chez les FFKK.
Les élections prochaines tracassent les musiciens. « On ne se sent pas très bien représentés, le problème c’est qu’il y a peu d’alternatives à la pensée unique. Pour toute une catégorie de la population, c’est pourtant une grande période pour exprimer son mécontentement, propice au changement. », explique Negoos. Son voisin de canapé, Ton’s, enfonce le clou : « le président c’est un peu un épouvantail, c’est plus les gens qui l’entourent qui pourront créer l’évènement. »
Pour ne pas voir n’importe qui dans le rôle de l’épouvantail, les musiciens ont conscience que le chemin des urnes reste inévitable. Tryo avait écrit une chanson efficace pour appeler au vote, Les Extrêmes, toujours d’actualité même 7 ans après, et que Guizmo pense reprendre d’ici peu. D’ailleurs, on peut constater que bon nombre des chansons du groupe semblent toujours dans l’air du temps, même des années plus tard. Comme si les noms changeaient, mais pas les problèmes. « C’est lassant. On actualise en remplaçant Nagui par Star academy, Clinton par Bush. En même temps, on a encore utilité à les chanter avec conviction. Regarde Hexagone, de Renaud, ça a 25 ou 30 ans. J’aimerais bien écrire des chansons d’amour, mais j’ai du mal... », confesse Guizmo.
(Super)marché de la musique
Bien que suivis par un public fidèle, les groupes ne sont pas vraiment habitués aux médias traditionnels, par choix...ou pas. « On a quelques diffusions sur le réseau Férarock... On est passé sur Inter à 1h du mat, mais on est plus sur les radios indépendantes, c’est vrai », admet Ton’s.
Même topo pour Pause, mais on ne peut pas en dire autant pour Tryo, l’autre groupe de Guizmo, qui a connu une médiatisation aussi large que tardive l’an dernier. Et quand on demande à l’intéressé comment la chanson L’hymne de nos campagnes s’est retrouvée matraquée sur les ondes plus de 10 ans après sa sortie, la réponse a de quoi surprendre : « On a eu un phénomène intéressant. Quand on a commencé à bien marcher en concert, on n’a plus été diffusé sur la Férarock...et comme on ne passait pas non plus sur les radios nationales, on n’était diffusé nulle part ! Un jour, il y a 2 ans, le boss de NRJ vient à une remise de disque d’or, on y joue L’hymne de nos campagne. Il apprend ce jour là qu’on a vendu 1 million d’albums, il connaissait pas le groupe...Il la passe en blind-test sur l’antenne, et se fait défoncer son standard téléphonique. Le lendemain, la chanson passe, avec 7 rotations par jour ! Du coup, toutes les radios s’y mettent. On est passé du néant total à la surexposition. Je le vis un peu bizarrement ce passage. J’aurais préféré qu’on ait le soutien du réseau Férarock sur le long terme. » Et Guizmo de comprendre l’intérêt des chanteurs à passer le plus possible à la radio, car les royalties, ça vous booste un compte bancaire.
Sur la route, encore
Pour FFKK, l’aventure s’achève bientôt. Comme c’est plutôt triste, autant se souvenir des meilleurs moments de l’histoire du groupe. Exercice difficile pour Ton’s, qui semble avoir l’embarras du choix : « C’était que du bon ! Franchement je ne serais pas resté si je ne m’étais pas éclaté. Je prends du bon temps, je me suis épanoui là dedans. Ça fait 8 ans pour moi, je ne suis pas arrivé au tout début. Un souvenir délirant, c’est quand on jouait avec Tryo sous le chapiteau, avec des plantes partout, c’était dingue. Le public était à fond. »
Avec un tank à l'entrée de l'amphi, si les gens dansent, ils se font latter
Un public chaud bouillant n’est pas indispensable pour marquer les esprits des musiciens, la preuve avec ce souvenir émouvant de Guizmo, alors en tournée à l’étranger avec Tryo. « On jouait au Soudan. C’était hyper strict pour les gens, ils n’avaient pas le droit de danser. Avec un tank à l’entrée de l’amphi, si les gens dansent, ils se font latter. Tu viens jouer là, et les gens se sentent mieux, tu sens que la musique est précieuse dans ces moments là. Le public est là sur sa chaise, il ne bouge pas, mais il est dedans, il prend tout, chaque note... »
L’entretien s’achève comme il a commencé, tranquillement. Les musiciens, des copains d’abord, papotent entre eux. Guizmo évoque le concert militant organisé par la Phaze à Corsept, Colère Noire (c’était le 3 mars dernier). « Quoi, il refait ça ? Mais on veut jouer ! », s’exclame Ton’s. Un coup de fil plus tard, les FFKK sont ajoutés à l’affiche de la soirée engagée. Aucun doute que dans le cas contraire, nos primates nerveux auraient été vexés. Difficile à ce moment là de ne pas repenser au refrain de la chanson À fleur de peau, qui ouvre le dernier album des Freedom : « À fleur de peau, toujours sur le qui vive / Jamais pot de fleurs, face aux liberticides / La tête haute, la pensée active / Pour ne pas devenir un putain d’androïde. »
Alexandre Hervaud
Le site de FFKK : www.ffkk.com
Le site de Pause : www.pause-muzik.com
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