Surnatural Orchestra voit la vie en cuivre
Des fanfarons qui ne s’essoufflent jamais
« 3 trompettes, 1 synthétiseur, 2 flà »tes, 6 saxophones, 2 soubassophones, 3 trombones, 2 percussionnistes, 2 illumineurs  » : une vingtaine de musiciens. Le Surnatural Orchestra au complet est une famille hétérogène, un serpent qui se déploie sur la scène, siffle, se débat et improvise. Du soutien à la coopérative d’édition Co-errances au ciné-concert du film « La Nouvelle Babylone  », il charme le public, fait sa mue d’un spectacle à l’autre. Entre musique populaire, jazz et repertoire kletzmer, quelle est donc la vie de cet animal atypique ?
Une semaine dans la vie de Surnatural Orchestra se déroule à un rythme trépidant. A l’occasion du concert de soutien à Co-errances, Fabrice Theuillon (saxophone baryton) et Adrien Amey (saxophone soprano) ont accepté de faire claquer les mots après avoir fait résonner les sons.
Comment organisez vous votre groupe composé de d’une vingtaine de musiciens ?
Nous nous entendons comme les doigts de la main et les orteils (rires). En réalité, il y a une grande écoute et un profond respect. La création est toujours collective. Parfois certains rôles, (compositeurs, arrangeurs) sont partagés. Nous nous relayons pour amener des idées nouvelles. Chaque personne influe, offre une énergie que l’orchestre entier s’approprie. Malgré les différences de statuts entre professionnels et bénévoles, nous arrivons tous à nous rassembler autour d’un projet commun.
Vous avez par ailleurs un collectif dit « collectif surnatural ». Comment s’articule-t-il à votre troupe initiale ?
Le collectif est une association avec un bureau extérieur à l’orchestre. Autour du centre, du Surnatural Orchestra, gravitent quatre groupes satellites : Momo Erectus (septet de jazz), Nuit sans Lune (sextet de jazz acoustique), TTPKC et le marin (jazz animal d’occasion) et Sibiel (trio à cordes atypique). Dans un espace plus élargi d’autres noms s’ajoutent à ce noyau. Les musiciens voyagent de formations en formations pour éviter de rester dans un seul ensemble. Nous voulons créer un véritable réseau alternatif.
Pourquoi avoir choisi de soutenir Co-errances ?
Nous travaillons avec eux depuis un an et demi. La rencontre s’est effectuée autour de trois personnes : Jeannot Salvatori, Lorca Renoux et Vincent Glenn. Au-delà de ce rapprochement artistique, nous appuyons surtout leur volonté de trouver d’autres modes de diffusion, de soutenir des réalisations décalées.
Christelle de Co-errances intervient pour expliciter cette vision : Nous sommes à la fois autonomes et liés par notre démarche, notre conviction. Les gens doivent pouvoir se partager la culture de manière dynamique. Nous croisons nos méthodes d’expérimentation par frottements, par le dialogue et les activités faites ensemble. Une démarche artistique à long terme est toujours une histoire de désirs qui se rencontrent.
L’improvisation est-elle une manière alternative de faire de la musique ?
Pour ces soirées à la librairie éphémère organisée par Christelle, nous avions envie de faire autre chose ensemble, de nous détacher de Surnatural Orchestra. Un scénario a été préparé, quelques passages ont été écrits, d’autres improvisés. Dans cette approche, le travail de mise en forme se fait directement pendant le concert. Jouer dans un endroit intimiste consiste à ne partir avec aucune idée préconçue, à se laisser surprendre. Dans ce lieu, les spectateurs se connaissent : aux musiciens d’organiser des rencontres impromptues !
Deux yeux pour trois spectacles
Le Cinéma du Monde (75010 Paris) accueille Surnatural Orchestra pour éclairer le film « La Nouvelle Babylone » de Kazintsev et Trauberg (1929). Pour se distinguer dans la vogue des ciné-concerts, le défi réside dans l’orchestration du film. Quand, en 1870, le peuple de Paris se soulève et écrit l’histoire de La Commune, en 2006 Surnatural Orchestra réveille ses instruments tonitruants pour réécrire la musique qui accompagne la révolte. Ce classique du cinéma muet soviétique prend le point de vue de Louise, vendeuse dans le grand magasin « la nouvelle Babylone ». L’orchestre décide de lutter avec les insurgés pour restituer cette atmosphère.
La pellicule en noir et blanc semble s’accommoder de l’or des trompettes. Les trombones en trombe soulignent l’espoir radicalement opposé aux roulements de tambour des combats. La machine de guerre Surnatural Orchestra n’a rien à envier aux tirs muets, à la violence de certaines scènes. Les instruments sont résolument tournés vers la mise en scène. Ils laissent l’histoire se dérouler au profit de la dimension visuelle. Chaque saxophone devient une caméra qui hante le film et accompagne les mouvements de l’œil. Le groupe a choisi de construire une tour de Babel sonore, une montée en puissance de sons. Sans cacophonie mais dans un capharnaüm de voix, la musique se prolonge cinq minutes après la fin des images, un épilogue éloquent qui recrée une fin imaginaire pour l’oeuvre.
Un troisième spectacle se déroule aux côtés de ce duel film/musique. Surnatural Orchestra utilise la méthode de l’improvisation dirigée, dite Sound Painting, inventée par le musicien et chef d’orchestre américain Walter Thomson. En apparence, elle se rapproche de la langue des sourds et muets. Mais ce langage expressif convoque le corps entier. Un musicien devient chef d’orchestre et sélectionne parmi les 800 signes de ce langage celui qui signifie l’action, le genre musical ou la tonalité qu’il souhaite faire appliquer au groupe. Les possibilités d’improvisation sont infiniment étendues, enrichissent et développent le répertoire écrit dans un vrai dialogue entre les musiciens et leur guide.
Selon la personnalité de celui qui prend la parole avec ses mains, les gestes sont plus ou moins véhéments. Pour tous, les bras s’agitent, les doigts s’expriment en chiffres, montent et descendent, esquissent cette peinture musicale sur cette toile invisible. Il constitue une expérience à part entière à voir et à vivre comme l’explique Fabien : « Le chef d’orchestre peut emmener tout le monde ailleurs. De temps en temps nous changeons de conducteurs de l’orchestre. Nous avons un réservoir de signes qui compte autant que nos compositions pour partir à l’aventure ». Surnatural Orchestra compte étoffer ce parcours, à grands coups de compositions prévues en 2007. Le serpent n’a pas fini de slalomer entre les créations pour nous surprendre et piquer notre curiosité de son venin festif.
Prochaines dates de concert de Surnatural Orchestra : Le 16 janvier 2007 au Studio de l’Hermitage (Paris) Le 21 janvier au Cinéma du Monde pour le ciné-concert « La Nouvelle Babylone »
site de Surnatural Orchestra
site du collectif
Sur le Sound Painting : site de Walter Thomson
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