Cinéma et Amérique latine : le Pérou à l’honneur
Pour une autre image du continent
Les terres sauvages d’Amérique latine n’abritent pas que des images de pauvreté photographiées pour les manuels de géographie lycéens. Leur beauté peut aussi être transcendée dans des Å“uvres artistiques encore méconnues. Le 3ème festival du cinéma péruvien répare cette confusion en offrant un large panorama de ce septième art en plein essor au Pérou. L’un des longs métrages proposés, « La Prueba  » (L’épreuve) de Judith Velez, a suscité un débat sur les conditions de production d’un film dans ce cadre national particulier. Flash back sur une rencontre et anticipation sur un développement artistique conséquent.
Raconter le Pérou dans ses blessures et ses joies : le film de Judith Vasquez relève brillamment ce défi. Le scénario se révèle simple et efficace : Miranda va parcourir son pays, de Lima à Arequipa pour retrouver son père, seul donneur de sang susceptible de sauver la vie de son frère. Des rencontres classiques, fruits de l’amour et de l’amitié, ponctuent ce voyage en quête de son identité. L’essentiel dans ce road movie ne se situe pas dans les personnages relativement conventionnels. Il se situerait plus tôt dans la finesse de Judith Vasquez, dans le regard porté sur les problèmes du Pérou. Sans dramatiser, ni réveiller le moindre pathos, elle esquisse le contexte de corruption qui nuit à l’entourage familial de l’héroïne. Elle évoque la sécheresse qui brûle le paysage, détruit les cultures, laisse des cicatrices dans la vie des habitants. L’or bleu, richesse asséchée, fait couler le sang des villageois dans une lutte permanente pour le contrôle de quelques gouttes de la rivière. Dans ce climat, l’ingénieur hydraulique qui séduit Miranda est doté d’un pouvoir démiurgique. Il incarne le seul espoir de cette histoire mélancolique où les larmes, comme la pluie, libèrent le cœur des hommes.
Le combat de la production
Quatre ans auront été nécessaires pour mener le projet de « La Prueba » à son terme. La réalisatrice a dû déployer autant de talents dans le tournage de son film que dans la recherche de subventions, une étape périlleuse dans un Etat où le cinéma n’est pas encore totalement au centre des préoccupations. Deux institutions tentent néanmoins de faciliter l’accès aux financements : le CONACINE (Centre de national de cinématographie) et IBERMEDIA, fond né en 1997 pour encourager la production cinématographique en Amérique Latine. Mais les aides restent modestes ; pour un film comme « La Prueba » coûtant 300 000 dollars, 10 000 dollars est la somme maximum accordée. « Produire en France et au Pérou sont deux opérations différentes » explique Judith Vasquez. « Dans mon pays, il n’existe pas de producteur spécialisé en financement. Le réalisateur doit lui-même exécuter le travail exigeant qui consiste à chercher de l’argent ».
Nous luttons tellement pour parvenir à réaliser nos rêves que les spectateurs ressentent cet enthousiasme. Ces films sont réellement et uniquement les produits de notre passion et de notre volonté.
Une autre difficulté s’ajoute à ce parcours du combattant. Quand 30 projets naissent par an, seuls 2 pourront réellement atteindre les salles de cinéma, IBERMEDIA et CONACINE choisissant chacun une proposition à soutenir. « Actuellement la production se développe progressivement. J’observe un intérêt croissant autour de moi pour les jeunes réalisateurs mais tourner reste un luxe. Après un premier film, une seule interrogation subsiste : pourrai-je réaliser un second ? ». Néanmoins, les nouvelles technologies ouvrent de nouvelles possibilités telles que le choix du format (35mm, super 16, video digital) dont dépend la qualité de l’image et donc le budget. Les jeunes provinciaux n’ayant pas accès à la capitale Lima ont maintenant ces outils à leur portée.
Le tournage est ensuite une affaire de solidarité. Les pays du continent s’entraident, Cuba ou l’Argentine viennent ainsi aider le Pérou pour des coproductions. Les équipes techniques acceptent souvent d’être sous payées pour contribuer au film. « Pour couvrir nos frais, nous essayons également de faire baisser les budgets de transport, d’alimentation, d’électricité et de logement. Quand un film est terminé, nous n’avons généralement plus d’argent pour la post-production. De nombreuses œuvres sont ainsi laissées au bord du chemin ».
La diffusion est donc l’ultime obstacle à franchir. Les douanes péruviennes imposent des taxes sur toutes les productions entrant et sortant du territoire. Certains organisent une diffusion marginale en transportant le projecteur de villages en villages. D’autres comptent sur les 12 complexes de cinéma de Lima. Un film commercial réalise en général 100 000 entrées, un film d’art et d’essai attire rarement plus de 40 000 cinéphiles. Ces derniers souffrent de la pression du distributeur réclamant un minimum de billets pour ne pas décrocher l’affiche au bout d’une semaine. Certains réalisateurs, comme dans le cas de notre interlocutrice, choisissent d’être leur propre distributeur. « Le producteur prend 30% du prix du billet, le distributeur 15%. En déduisant ses parts nous touchons 80 centimes sur chaque place, revenu insuffisant pour vivre ». Les festivals apparaissent donc comme la bouée de secours qui jette un regard international sur les œuvres en réunissant des publics à l’écoute de ces démarches généreuses. Judith Vasquez résume : « Nous luttons tellement pour parvenir à réaliser nos rêves que les spectateurs ressentent cet enthousiasme. Ces films sont réellement et uniquement les produits de notre passion et de notre volonté. »
Chloé Vigneau
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