Gatlif : " On ne revient pas d’une rencontre avec le peuple gitan"
C’est peut-être ça la méthode Gatlif. Une caravane d’acteurs sur des routes cabossées, quelques litres de vodka au fond du coffre et sur la banquette arrière, des musiciens. C’est peut-être ça : engager une poignée d’écorchés vifs dans le tourbillon de la vie et laisser le talent opérer. Car une nouvelle fois, le dernier long-métrage du réalisateur français ne brille pas par son scénario. Transylvania suit les errances de Zingarina, une jeune européenne partie en Roumanie à la recherche de celui qu’elle aime. Histoire classique, parfois prévisible mais toujours envoà »tante. Transylvania est un nouvel hymne à la liberté, magnifié par une musique omniprésente et des acteurs impétueux. Le style Gatlif, en somme, raconté par lui-même.
Transylvania est un nouveau film sur la route. Quel rapport entretenez-vous avec le road-movie ?
Quand j’étais gamin, on devait sortir de la maison, sinon on était six ou sept dans un petit espace. Et jamais notre mère ne s’inquiétait parce qu’on était parti. Je suis de la route et le road-movie, c’est mes origines. Mais les voitures, les autoroutes et les paysages ne m’intéressent pas.
Le voyage est un prétexte à la rencontre... Zingarina n’est pas allée en Roumanie parce que c’était jolie mais parce qu’elle cherchait elle-même. Rester dans une pièce quand on déprime, c’est se suicider, partir, c’est déjà la vie. Zingarina a trouvé sa voie avec son fils et Biröl : une fois la rencontre faite avec le peuple gitan, on n’en revient pas.
Pourquoi avoir choisi Asia Argento dans le rôle de Zingarina ?
J’avais besoin d’un personnage qui ne fait pas semblant. Quelqu’un qui n’a pas peur et ne fait pas l’économie de ses émotions. Il n’y a pas eu de casting. J’ai rencontré Asia dans un café. J’étais sûr que c’était la bonne actrice.
Vous attendez des émotions d’un acteur. Comment le dirigez-vous ?
Je corrige les déplacements du personnage dans l’espace. Je lui explique où il est, comment il doit s’envoler, mais pas ses attitudes. Quand on dirige un acteur, c’est que l’on est sûr qu’il est mauvais. Je me vois plus comme un maître spirituel qui crée l’atmosphère et laisse les acteurs s’exprimer sans être prisonnier d’un texte.
Je me vois plus comme un maître spirituel qui crée l'atmosphère et laisse les acteurs s'exprimer sans être prisonnier d'un texte
J’ai vraiment travaillé comme avec les musiciens. Je fais l’accompagnement, un peu comme une transe, un train. La mélodie arrive après. Sinon, elle vampirise la musique. Elle ne laisse plus de place au tempo et à l’accompagnement de s’exprimer. Or dans un film, c’est le plus beau. Avec les acteurs, c’est pareil.
Vous vous autorisez une grande souplesse avec le scénario...
C’est bien si je ne le donne pas. Non que je sois le seul à le posséder, mais plutôt qu’il est possible qu’il soit libre. Dans mes histoires, il ne faut surtout pas être prisonnier. Et se permettre de changer de lieux. Pour la scène de l’accouchement, par exemple, il devait y avoir de la neige. Nous avons roulé 300 km vers la frontière moldave à la recherche de la neige, avant de dire à toute l’équipe : « Maintenant, vous pouvez venir ». Ç’a été une pagaille formidable de trouver les hôtels, demander les autorisations de tourner. Cette liberté, on ne peut pas l’avoir si le scénario est figé.
C’est votre troisième film tourné en Roumanie. Comment sont-ils perçus par les Tziganes ?
Toutes les communautés ont vu Gadjo Dilo. Ils adorent apprendre la langue rom qu’ils commencent à perdre. Les enfants adorent les gros mots. C’est presque pédagogique (rires). Mes films ne leur disent pas qui ils sont, mais d’où ils viennent. Lorsque j’ai fait Latcho Drom, les Tziganes sortaient du communisme. J’expliquais que j’allais faire un film qui retrace la vie des Gitans, de l’Inde à l’Espagne. Et ils me demandaient : « Pourquoi ? » Personne ne savait que les Gitans venaient d’Inde. J’ai fait le film avec eux. Ils l’ont tous vu. Six ans plus tard, j’ai tourné Gadjo Dilo, quasiment dans le même quartier, un village très dur où chaque famille a un de ses fils en prison. Je voulais tourner avec la famille Radu. J’avais demandé qu’on passe les voir, leur donner de l’argent, avant le tournage. Et on s’est fait arnaquer par une autre famille qui s’est fait passé pour les Radu. Ça a créé une zone incroyable. J’avais deux clans contre moi quand je suis arrivé. J’ai décidé de tourner avec les miens. Les autres ont saboté le décor, ils ont pissé sur les tentes. Aucun autre Gitan ne voulait revenir sur les lieux parce que le décor avait été blasphémé. Quand je leur ai demandé pourquoi ils avaient fait ça, ils m’ont répondu, « c’est comme ça chez nous en Inde, on a vu ça dans Latcho drom ». L’histoire s’était retournée contre moi.
Des projets ?
Je pars dans des endroits qui m’inspirent. La Méditerranée, Séville et ses alentours. Quand je vois mes copains qui jouent du flamenco et s’éclatent, je me dis : à quoi ça sert de faire un autre film. J’aimerais beaucoup vivre avec les copains. C’est une ambiance superbe. Mon rêve ? Qu’un mécène donne de quoi partir avec une caravane et des acteurs, on reviendrait avec un scénario magnifique.
Propos recueillis par David Prochasson.
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