Un grain de rock sur une page de Sweet Moleskine
Carnet de voyage tourmenté
On ne peut atteindre le cœur des chansons de Sweet Moleskine sans la clef ouvrant la porte du nom. La moleskine, matière utilisée pour confectionner les vêtements, fait écho au célèbre moleskine, carnet de notes de Van Gogh, Picasso, Matisse, Céline et Hemingway. Féminin et masculin, corps et esprit...la musique de Sweet Moleskine est marquée par une succession de dualités qui sèment doutes, frissons mais aussi plaisir. Guillaume (chanteur et guitariste) et TeuF (guitariste), calmes et volubiles, dévoilent leur univers de création.
Chapitre 1 : A la recherche du son authentique
Sweet Moleskine est né, comme tous groupes, entre des pages blanches sur lesquelles il faut noircir les premières notes. Rapidement, cette matière devient partitions propices au premier concert à l’AJT , le 2 avril 2004. Dans l’apprentissage de l’écriture, les premières lettres se forment pour esquisser le nom de plusieurs batteurs avant de trouver Régis au printemps 2006. L’histoire de Sweet Moleskine n’est donc pas exempte de ratures, ces épreuves que tous groupes naissants connaissent. Le temps pour « jouer, réfléchir, se reposer », et l’argent. « En 2005, pour les repérages de Bouge Ta Ville, un conseiller artistique a mis le doigt sur certaines difficultés. On a pris des baffes mais on a pris conscience de nos faiblesses, des changements à faire. Nous sommes désormais plus natures, plus simples, plus fluides et moins cérébraux. Nous avons tourné une page avec le cd sorti en septembre. »
Sur ces deux titres, « Délicieuse époque » et « Intervalles », Sweet Moleskine se métamorphose en grimoire où l’alchimie entre paroles incisives et musique spleen se réalise pleinement. D’autres territoires musicaux restent encore à explorer : le groupe n’a pas encore mis le pied sur la carte de l’electro mais les samples devraient bientôt rejoindre les grilles de guitare et des basses. Le choix de la langue s’est imposé à la suite d’une expérience concrète de Guillaume : « Quand je chantais en Anglais dans les bars, les gens appréciaient ma voix mais continuaient leurs activités sans vraiment m’écouter. En Français, je n’ai jamais eu de remarques sur mon chant mais instantanément le public posait son verre et était plus attentif. L’Anglais donne la sensation d’être habillé, par opposition au Français où je suis vraiment à nu et sincère. »
Chapitre 2 : Entre les lignes du rock à fleur de peau
Sweet Moleskine navigue entre les extrêmes, « entre deux eaux » : corps et esprit, pop et rock, musique douce et amère. « Nous sommes naturellement torturés, pas vraiment comiques. Mais attention, dans nos vies respectives nous sommes en moyenne très heureux. Nous menons une vie un peu schizophrénique en alliant activité professionnelle et répétitions. » Les quatre musiciens rêvent de vivre de leur musique mais cette idée demeure encore à l’état de brouillon. « Avoir un pied dans la société permet aussi de recueillir dans le travail, dans la lecture des journaux, dans les notes personnelles, des éléments pour alimenter notre créativité, pour faire corps avec le réel dans nos tous nos morceaux. Travailler donne aussi une valeur précieuse au temps que nous consacrons au groupe. » Les surprenants Sweet Moleskine ne mènent pas des vies de musiciens et ont une vision de leur groupe à moyen terme comme « une entreprise » qui réclame de multiples apports.
Mais leur respect pour la musique les incite aussi à rechercher, loin de l’art pour l’art et de futiles lamentations, la pertinence dans les paroles pour créer des chansons utiles. Sans référence littéraire particulière, Guillaume s’empare de la plume et gratte sur son manche de guitare : « dis leur au revoir, viens voir si le paradis est un leurre, ne te laisse pas m’éloigner, je ne te laisserai pas tomber » ou « tu ne crois plus aux promesses, jour après jour elle se disperse ». Pour ce groupe singulier, la scène est un break, un moment de repos pour l’esprit et le corps. « Nous vivons alors un vrai moment d’intimité sous la lumière. Un bon concert ne dépend pas de la quantité de public, nous ne choisissons pas le moment où la performance sera bonne. La part de hasard fait partie du mystère. »
Chapitre 3 : Pour une approche complexe de la musique
Leur double vie semble leur convenir. La question de la professionnalisation est délicate car elle comporte le risque de perdre leur liberté. « Notre line up est temporaire, suit l’envie du moment. A un certain stade il faut se poser les bonnes questions et ne pas inverser les actions : la réflexion vient avant le grand saut et non après. » Sweet Moleskine se détache volontairement pour garder son indépendance et ne se revendique pas de la scène locale nantaise. « Même si nous sommes passés par des points stratégiques comme le tremplin du Jam à La Chapelle Sur Erdre ou le VIP à St Nazaire, nous ne nous servons pas de nos expérience comme d’un outil promotionnel. »
« Ce couple a quatre » revendique des influences de Placebo à The Cure, une admiration pour Noir Désir mais ces références sont à leur yeux « des racines », « des matériaux de bases » ce qui leur plaît et non ce qui leur ressemble. Leur touche personnelle, le sentiment d’être « artisan », se grave sur chacun de leurs instruments et dans leur credo de respect de l’autre. Parallèlement aux sensations et au lyrisme, leur son doit servir une cause, sans démagogie. Leurs engagements sont des concerts en faveur du tsunami ou contre la violence. Leurs mélodies dévoilent alors leur côté rassembleur, fédérateur et dénonciateur. Personne ne peut prédire le nombre de pages, d’émotions que va contenir ce carnet particulier mais les cordes des guitares semblent encore prêtes à subir longtemps cette tension à son paroxysme avant de signer le mot « fin ».
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