« Les précieuses ridicules and co  » : beau parler, rire et poésie
Quand Valmer rencontre Molière
Quand « Les précieuses ridicules  » de Molière sont revues par Michel Valmer et Françoise Thyrion (de la cie Science 89), cela donne « Les précieuses ridicules and co  ». Un spectacle haut en couleurs qui sait allier plaisir des oreilles, des yeux et engagement intellectuel.
Lire ou entendre le texte des Précieuses ridicules, c’est avant tout savourer la langue française dans ce qu’elle a de plus exquis et ...de plus drôle : des « commodités de la conversation » (les chaises) à « l’âme des pieds » (le violon), le langage des précieuses se fait ridicule mais savoureux... Les expressions recherchées et ridicules des précieuses de la pièce n’ont rien perdu de leur force comique : elles faisaient rire le public du XVIIe siècle, et elles font encore rire les spectateurs du XXIe. Mascarille, le valet aux allures de gentilhomme, est demeuré tout aussi risible ; son impromptu raté : « Oh ! oh ! je n’y prenais pas garde : / Tandis que, sans songer à mal, je vous regarde, / Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur. / Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur ! », la réaction extasiée de la précieuse Magdelon (« j’aimerais mieux avoir fait ce « oh, oh ! » qu’un poème épique »), et l’explication de texte ridicule à laquelle se livre ensuite Mascarille sont des moments d’anthologie !
Un spectacle très visuel
Les acteurs savent par ailleurs très bien tirer profit des possibilités comiques de l’oeuvre. Si certaines mises en scène de Molière donnent la priorité au texte, La compagnie science 89 a choisi de donner tout autant d’importance aux gestes, aux situations comiques ; ainsi, à un passage de la pièce ou Mascarille, Cathos et Magdelon en viennent incidemment à utiliser le mot « mouton », les acteurs s’en donnent à cœur joie dans l’imitation du mouton puis d’autres animaux : la scène retentit de « bêêêêh !... » et la salle de rires... Moins comiques mais tout aussi intéressants sont les costumes : entièrement et uniformément blancs, ils semblent hésiter entre hier et aujourd’hui : certaines robes rappellent (vaguement) les modes du XVIIe, tandis que d’autres costumes, sans fioritures, sont très contemporains.
S'il n'y a pas de trouble, le théâtre est inutile
Valmer et Molière : la force d’un théâtre militant
Pour Michel Valmer, le langage des Précieuses est très actuel. A travers ce beau parler (si la pièce s’intitule Les précieuses ridicules , c’est qu’il y a des précieuses non ridicules, comme le souligne malicieusement M. Valmer), à travers ce beau parler, donc, c’est un véritable combat qui se joue : celui du langage de Molière et des précieux contre l’absolutisme d’un Louis XIV qui, en instituant une langue réglée, normée, voulait imposer et étendre son pouvoir centralisateur. Mais l’enjeu des Précieuses ridicules and co , signées Molière/Valmer, resterait très littéraire et fort peu contemporain s’il s’arrêtait là. Car M. Valmer va plus loin et fait une analogie entre le combat de Molière et le sien, à savoir celui de la poésie contre l’utilitarisme : « toute aventure autre que la fabrication d’un objet jetable est exclue ; il n’y a donc ni aventure ni poésie », explique le metteur en scène. Le mot « poésie », dans la bouche de Michel Valmer, ne renvoie d’ailleurs pas tant au genre littéraire qu’à une certaine façon de voir le monde qui s’oppose à celle du mercantilisme banquier. De là, pour Michel Valmer, la volonté de faire un « théâtre d’émotion réflexive » : le théâtre doit procurer un trouble chez le public. S’il n’y a pas de trouble, le théâtre est inutile », explique le metteur en scène.
« And co »
Sous cet éclairage, le titre de la pièce lui-même, Les précieuses ridicules and co , peut s’interpréter comme une forme de pied de nez à ce monde du commerce que refuse la compagnie Science 89. Il insiste surtout, cependant, sur la réécriture de la pièce de Molière à laquelle s’est livrée la troupe : au texte original -respecté- s’ajoutent un avant-propos et un épilogue écrits par Françoise Thyrion. Théâtre dans le théâtre, l’avant-propos met en scène une conversation entre des précieux autour des Précieuses ridicules ; ils décident alors de jouer la pièce. L’épilogue, lui, répond à l’avant-propos et s’achève avec le rejet du livre... Plus qu’un simple jeu sur l’illusion théâtrale, ces deux ajouts servent surtout à mettre en lumière le sens que la compagnie Science 89 a donné au texte de Molière : la précieuse Uranie souligne bien, dans l’épilogue, que Molière, loin de critiquer la préciosité, s’en est pris à l’excès dans la préciosité. Une façon subtile, donc, de faire comprendre l’actualité du texte de Molière.
Gaël Montandon
Pour plus d’infos sur la cie Science 89 : http://science89.free.fr
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