Batlik ou la liberté artistique
De salles en salles, Batlik séduit le public ému par ce personnage à la fois touchant et singulier. De la poésie, des coups de gueule, le tout enlevé par un jeu de guitare dynamique, voilà de quoi se compose sa musique. L’artiste poursuit son chemin, loin des autoroutes de la grande distribution ; mais la route est escarpée, surtout lorsqu’on prend la direction de l’indépendance...
L’association "A brûle pourpoint" que vous avez co-fondée avec votre manager actuel vous a permis de produire vos albums. Où en est-elle aujourd’hui ?
Batlik : En ce qui concerne l’association nous sommes en ce moment dans une période délicate car nous basculons vers le statut de société, on rentre dans le milieu capitaliste. Plus clairement, cela signifie l’indépendance : nous sommes nos propres producteurs. Lorsque j’ai rencontré Gilles (le manager) j’ai fait expressement la requête de rester indépendant plutôt que de chercher à signer avec un producteur. Ce choix implique plusieurs difficultés, dont notamment l’accessibilité au circuit de distribution. Les années passant, la situation s’améliore mais ce n’est pas ce que l’on peut appeler « une montée en flèche » ; cela dit Batlik affiche une progression constante. A mes débuts, je jouais dans de petits bars parisiens et de fil en aiguille, les salles sont devenues plus importantes. Trois ans ont été nécessaires afin d’acquérir une certaine stabilité professionnelle, cette année on peut véritablement parler « d’une tournée » ! Je dois avouer qu’il est rassurant de voir les dates se profiler en septembre.
Le fait de ne pas s’insérer dans les grands circuits de prodution et de distribution engendre quels obstacles ?
Batlik : La seule perte pure de vouloir faire les choses soi-même, c’est une perte de temps... D’un point de vue artistique les étapes s’organisent doucement, cependant on gagne énormément en compétence, polyvalence et plaisir de tous les jours de voir les choses s’accomplir. C’est la somme des efforts produits qui apporte une satisfaction personnelle. On peut comparer cela à la construction d’un mur dont tu vois petit à petit l’évolution des travaux. Le fait que chaque brique ait été posée par tes propres mains lui confère une valeur inestimable. On peut ajouter que l’auto-production comporte un autre inconvénient majeur : en effet, la rémunération se fait particulièrement attendre et il devient difficile de subvenir à ses besoins matériels. Lorsqu’on signe sur un gros label les salaires arrivent presque instantanément.
De grandes maisons de disques vous ont-elles fait des propostitions ?
Batlik : Warner, V2, Sony en édition. Il est toujours délicat de refuser de travailler avec des personnes qui vous offrent leur aide, certaines le comprennent, d’autres non . Par ailleurs, on essaie dans notre discours d’être le plus conciliant possible en déclarant que pour l’instant nous avons choisi ce mode de fonctionnement mais que peut-être plus tard, lorsque nous serons fatigués, un contrat serait éventuellement envisageable. Ceux qui n’acceptent pas nous lancent la fameuse phrase « c’est maintenant ou jamais », qui, en ce qui me concerne, est rédhibitoire... Une image me vient alors subitement à l’esprit : j’ai l’impression d’être face à un vendeur qui m’affirme que cette promotion il faut la prendre maintenant car dans un mois il n’y aura plus l’article en vente...
Selon vous en quoi réside l’empreinte, l’originalité de votre musique ?
Batlik : Je m’inscrit dans le répertoire de la chanson française... On a coutume de dire qu’il s’agit d’une musique qui n’est pas à la mode, pourtant je ne le ressens pas ainsi. A la différence de mes autres amis musiciens, je m’oriente vers le folk et puis j’essaie d’être original dans mes textes en traitant de sujets dont on parle peu.
Vous situez-vous dans la lignée des chanteurs à texte (Vincent Delerm, Grand corps malade...) qui sont de plus en plus présents sur la scène française ?
Batlik : Non pas véritablement. Je pense que les thèmes abordés dans leurs chansons divergent des miens. Il n’est pas simple d’effectuer une comparaison valable car chacun a sa façon propre d’exprimer ses textes : certains utilisent l’humour tel que Bénabar, d’autre l’ironie, la tristesse. Pour ma part, je n’ai jamais écouté ces artistes en me disant « tiens, c’est cela que je voudrais faire . »
Alors qui peut-bien vous inspirer ?
Batlik : Une artiste américaine qui s’appelle Ani Di Franco, et si j’ai pu retranscrire rien qu’une simple partie de sa musique en français, j’en serais vraiment satisfait. Cette musicienne joue du folk américain, ce qui est en fait un peu le pendant de la chanson française.
D’où vient vous cette façon si particulière de « claquer » les cordes de votre guitare ?
Batlik : Quand on est seul sur scène il est nécessaire d’attirer l’attention sur soi, le jeu de guitare est une façon de valoriser ma présence sur scène. Mon secret ? J’utilise de faux ongles qui donne un son très percutant. Dans une pièce bruyante les gens peuvent entendre la précision de l’instrument.
Sur le titre « Intérieur » extrait de votre dernier album, « juste à côté », vous parlez des mauvais traitements infligés régulièrement aux détenus français. D’où est née cette chanson ? Avez-vous été directement touché par ce problème ?
Batlik : Non. Cependant, je pense que toute personne consciente et informée de la façon dont sont traités les prisonniers aujourd’hui en France, pays qui se dit démocratique et civilisé, se sentirait forcémént concernée par ce sujet. Il n’est pas question de mettre en avant une certaine forme de citoyenneté, mais plutôt de faire apparaître aux yeux de tous l’amplitude du mensonge véhiculé par les autorités. Contrairement à ce que l’on peut nous montrer à la télévision ou dans les journaux, la vie de prisonnier est réellement un enfer. La France, sous des airs de grand pays, arrive à des stades qui dépassent à peine ceux du tiers monde quand on s’approche du domaine carcéral.
Même chose pour le morceau « juste à côté » dans lequel vous mettez en évidence les conséquences du capitalisme, non pas à l’échelle mondiale, mais à l’échelle parisienne...
Batlik : Afin de développer la structure de notre association, j’ai longtemps cherché des locaux pouvant accueillir l’équipe. Au fur et à mesure de mes recherches je me suis rendu compte que les anciens quartiers parisiens, qui étaient encore, hier, classés « populaires », ne le sont plus aujourd’hui. Je viens de la banlieue parisienne et non pas du centre même de la ville, cela permet d’avoir un certain recul. Paris, à l’image de la France, n’est pas démocratique. Il est triste de constater que désormais, pour pouvoir sortir, se saoûler dans cette ville, il faut avoir de l’argent. Cette chanson représente une sorte de critique sociale. Elle exprime le fait que vue de l’intérieur, Paris n’est pas une si jolie ville et il est dommage de marcher au milieu de monuments si exceptionnels sans vraiment pouvoir en profiter pleinement.
D’autres sujets vous tiennent-ils particulièrement à cœur ?
Batlik : Oui, ceux de la vie quotidienne. J’aime également parler de choses simples tels que le sexe, la rancune, des sentiments que chacun d’entre nous éprouve ou rencontre dans sa vie de tous les jours. Lorsque j’écris des chansons engagées il me parait important de ne pas le faire « le poing levé », mais plutôt en établissant un constat et en exprimant calmement mon point de vue. Dénoncer furieusement tous les maux de la terre me semble trop facile. Simplement dire que l’on est pas d’accord n’a pour moi aucun intérêt : il faut en expliquer le pourquoi.
Comment fonctionnez-vous au niveau de l’écriture ?
Batlik : Je ne fais pas partie de ces artistes qui composent rapidement. Cela me prend beaucoup de temps, c’est un travail laborieux. Parfois même, lorsque je présente des morceaux à mon manager il arrive que je lise dans son regard qu’il n’est pas très bon alors je me remets au travail de plus belle pour améliorer certains angles. L’avis de mon entourage artistique me permet d’ajuster mes créations, il est primordial dans le processus de composition. Néanmoins, je reste le plus grand détracteur de mes morceaux.
je reste le plus grand détracteur de mes morceaux
Vous produisez un album par an ; c’est un rythme soutenu...
C’est un débit qui me semble normal, les artistes qui sortent un opus tous les trois ans, eux, par contre, sont un peu lents. Si l’on fait le calcul, certes un peu simple, un disque c’est environ 12 chansons soit une par mois ce qui ne me semble pas surhumain comme travail. En ce moment j’ai déjà écrit les chansons de mon prochain album ; reste à les finaliser. Mais, d’abord, concentration sur la tournée !
Propos recueillis par Laurence Guillevic
plus d’informations sur le site de batlik : www.batlik.com
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