Doña Rosita, véritable rose qui se fane
« Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs  »
Théâtre, musique, danse et chant donnent vie au texte de Garcia Lorca. Matthias Langhoff met en scène l’une des Å“uvre de Lorca, « Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs  ». Une pièce qui aborde les thèmes de l’amour et des fleurs mais aussi du temps qui passe.
A Grenade, Rosita (Emmanuelle Wion) vit chez son oncle (Jean-Marc Stéhlé) et sa tante (Agnès Dewitt), une famille plutôt bourgeoise qui l’élève comme si c’était leur propre enfant. Doña Rosita est amoureuse de son cousin et elle doit l’épouser. Mais, celui-ci est appelé auprès de son père, en Argentine, pour s’occuper du domaine familial. Rosita accepte de le laisser partir et décide de l’attendre. L’espoir de son retour et de leur mariage deviennent les raisons de vivre de la jeune femme.
Le temps passe, le fiancé ne revient pas malgré les promesse et Rosita passe du statut de « jeune fille en fleur » à celui de vieille fille. Son cousin, quand à lui, a refait sa vie de l’autre coté de l’océan, et lorsque Rosita accepte enfin la réalité il est trop tard. Dans son entourage, chacun suggère à Rosita de refaire sa vie, peu convaincu des promesses de son cousin. La première est sa nourrice (Evelyne Didi). Et quelle nourrice !! Une femme originale qui passe son temps à fourrer son nez dans les affaires de la famille et qui n’a pas sa langue dans sa poche. Une attitude qui agace parfois la tante de Rosita, une femme à la fois autoritaire et douce.
Quand à son oncle, il ne souhaite que le bonheur de sa nièce mais il est trop occupé à prendre soin de ses merveilleuses fleurs pour se mêler vraiment de sa vie. Ce passionné de rose s’intéresse surtout à une rose, la rosa mutabile rouge le matin, blanche le soir et qui se fane à la nuit tombée, tout cela en une journée ... Et voila l’histoire tragique de Rosita, jouée, chantée et dansée par une vingtaine d’artistes à la fois comédiens, chanteurs, danseurs et musiciens !
Un décor impressionnant qui fait tourner la tête ...
Le début de la pièce est des plus surprenants : une femme assez forte, en robe de mariée, vient nous chanter un poème en castillan. En même temps, sur un rideau, défilent la traduction des vers et des images d’archives dont des portraits de Lorca, à qui Matthias Langhoff rend ici hommage. Peu à peu, un orchestre apparaît au dessus de la chanteuse.
Le rideau s’ouvre laissant le spectateur découvrir le décor impressionnant et grandiose, l’orchestre continue à jouer mais sa petite scène bouge... ou plutôt tout le décor bouge, il tourne, comme un manège. Un dispositif qui permet de passer d’un espace à l’autre d’une façon originale et qui renforce l’impression d’enferment de Rosita. Le décor un peu kitsch plait autant qu’il déplait à certains, on y trouve une serre, une roseraie, un salon bourgeois sorte de boudoir moderne où l’on installe à l’occasion des fauteuils qui permettent de discuter en se tournant le dos, un escalier de marbre, des fleurs énormes tombées du ciel, un piano qui continue de jouer même quand la pianiste est partie, une fontaine, une porte ou plutôt un piano à queue debout... tout un tas de bric et de broc qui fait forcément sourire. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, il faut admettre que le dispositif scénique avec toutes ses couleurs et ses objets est impressionnant et hallucinant.
Rose, condition de la femme et bourgeoisie traitées avec légèreté
La métaphore de la rose est présente tout au long de la pièce, ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la pièce est sous-titrée « Le langage des fleurs ». La robe de Rosita reprend la métaphore de la rose, éclatante au début, elle se ternie pour finir blanche comme la rose fétiche de son oncle. Outre le thème des fleurs filigrane de la pièce, des questions apparaissent notamment sur la condition de la femme et sur l’évolution de la bourgeoisie au tournant du nouveau siècle.
Dans l’Espagne conservatrice de Lorca, le maintien des apparences semble être une priorité ; une attitude que dénonce l’auteur de « Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs » : pour lui les normes sociales empêchent Rosita de s’épanouir. De plus, l’oncle et la tante de Rosita ne semblent pas vouloir voir que les temps changent et qu’une nouvelle classe bourgeoise est en train de voir le jour avec le nouveau siècle. La scène de l’anniversaire de Rosita dans le fameux « boudoir » aux sièges où l’on discute en se tournant le dos en est un parfait exemple, les fauteuils eux-mêmes montre le refus de la famille de voir les choses en face, au sens propre et figuré. Une mise en scène qui montre la volonté de Matthias Langhoff, de traiter de sujets graves de façon légère. Les personnages sont presque caricaturaux et en deviennent amusants même si leurs propos sont graves. Quand à la façon que Matthias Langhoff a choisi de traiter le sujet, entre théâtre, danse et chant, rend la pièce plus légère.
Un « bonus » délirant
Après plus de 2h30 de spectacle, certains seront sans doute pressés de s’échapper de la salle mais un conseil : ne partez pas après le salut des acteurs un petit bonus des plus original vous attend... Après les rappels et quelques images projetées sur le rideau, l’histoire reprend, et l’on assiste au rêve de la nourrice. Matthias Langhoff nous embarque dans une scène délirante, une farce où les acteurs s’amusent et se lâchent comme jamais ils ne le font lors de la représentation. Quelques minutes de bonheur où l’on voit les personnages sous un autre angle, une vision des plus réjouissante, où Rosita si posée, si digne, devient ...tout autre chose !!! Je vous laisse la surprise. Dommage cependant, d’attendre le dernier quart d’heure pour sentir enfin les acteurs prendre un réel plaisir à jouer.
Pauline Vannier
Note : Vous avez une chance que « Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs » passe près de chez vous :
Du 15 au 25 mars 2005 à la Maison de la Culture de Loire Atlantique, Nantes
Du 30 mars au 1er avril 2006 à la Comédie de Valence
Du 6 au 8 avril 2006 à l’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry
Du 11 au 14 avril 2006 à la Comédie de Reims
Du 19 au 21avril 2006 à Bonlieu, scène nationale d’Annecy
Du 25 avril au 6 mai 2006 à La Comédie de Genève
Du 10 au 13 mai 2006 au Théâtre du port de la Lune, Théâtre national de Bordeaux
Du 18 au 24 mai 2006 au Théâtre du Nord, Centre dramatique national Lille-Tourcoing
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