Engagement politique et perfection formelle s’unissent dans l’Ospite
L’héritage pasolinien
Vibrant hommage à Pasolini, mélange complexe de théâtre, de son et de vidéo, spectacle doté d’une scénographie hors normes : les qualificatifs se bousculent lorsque l’on veut parler de l’Ospite. Pour y voir plus clair, Fragil est allé à la rencontre d’Enrico Casagrande et de Daniela Nicolo, directeurs de la compagnie italienne Motus. Ils ont présenté leur spectacle les 15 et 16 février au Lieu Unique.
Imaginez un espace scénique limité à l’avant-scène ; détail bizarre autant qu’étrange, cette avant-scène est recouverte d’une bande de gazon ! Ajoutez à cela un écran géant, qui occupe toute la largeur de la scène ; posez enfin devant cet écran une (vraie) voiture, et vous aurez un tableau fidèle de la scène telle qu’elle se présente au début du spectacle ! Cette brève description ne donne qu’un modeste aperçu du soin apporté à la scénographie dans ce spectacle ; par la suite, l’écran géant s’efface (au début en rendant visible, grâce à l’éclairage, l’intégralité de la scène, puis en disparaissant entièrement), le spectateur voit apparaître trois écrans formant un panorama à 180 degrés autour de la scène ; il y a enfin le « chaos » (dixit E. Casagrande), épisode final, où l’espace scénique est proprement démonté sous les yeux des spectateurs !
l'hôte est le personnage le plus difficile à comprendre et à représenter ; il a une présence, mais ne fait pas grand'chose. Il entre dans la mentalité bourgeoise de la famille
A cette scénographie très recherchée répond la complexité du spectacle (on hésite à utiliser le mot « théâtre ») : car, s’il y a effectivement des acteurs sur scène, l’utilisation de la vidéo est très importante : « la vidéo n’est pas comme un décor, explique E. Casagrande, c’est une partie de la dramaturgie ». Et la musique, elle, est tout aussi soignée : on entend le Requiem de Mozart, de la musique électronique, la voix de Pasolini, ... le tout diffusé par des haut-parleurs dont la place a été savamment étudiée !
Hommage à Pasolini
Si l’on pourrait consacrer encore bien des lignes à la complexité de la scénographie, résumer l’histoire de l’Ospite ne prend que peu de temps : une famille de la bourgeoisie italienne de la fin des années 1960 reçoit un jour un invité (un hôte - « ospite » en italien). Cet hôte va bouleverser chacun des membres de la famille : les parents, le fils, la fille, la servante. Le départ de cet hôte va laisser désespérée la famille tout entière. De fait, en dehors du « chaos » final et de quelques extraits de l’ouvrage Pétrole, de Pasolini, la compagnie italienne n’a pas modifié l’histoire originelle de Théorème, film et surtout livre du même auteur. Pour Enrico Casagrande , « l’hôte est le personnage le plus difficile à comprendre et à représenter ; il a une présence, mais ne fait pas grand’chose. Il entre dans la mentalité bourgeoise de la famille ».
Un spectacle engagé
La « mentalité bourgeoise » est justement l’un des éléments clés de l’œuvre de Pasolini, et l’une des principales raisons pour lesquelles la compagnie Motus s’est intéressée à l’écrivain et cinéaste italien. « C’est un hommage à l’intérêt qu’il a pour le politique », confie E. Casagrande, pour qui les propos pessimistes de Pasolini sur l’état de l’Italie à la fin des années 60 « sont encore valables aujourd’hui ». L’Ospite va d’ailleurs plus loin que Théorème sur ce point, puisque le « chaos » de la fin du spectacle est là pour illustrer le terrorisme qui a touché l’Italie à la fin des années 70. Avec un spectacle aussi engagé politiquement et qui se situe clairement dans la lignée de Pasolini (densité du contenu intellectuel et soin extrême de la forme), on peut se demander si l’Ospite ne court pas le risque de l’hermétisme. A cette question, E. Casagrande esquisse un sourire hésitant : « Ce n’est pas que pour les intellectuels. Il y a une forme qui est pour tous les publics ».
Gaël Montandon
Bloc-Notes
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